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samedi 26 septembre 2015

Simon Hureau : des Egratignures certes, mais avec poésie.

Egratignures
Simon Hureau
Jarjille éditions
Juin 2015


Simon Hureau est un auteur rare. Rare dans le sens où ce qu'il nous propose à la lecture donne le sentiment de vivre des moments privilégiés. Ses histoires se déroulent comme des contes, et son dessin noir et blanc, au trait mais aussi au lavis d'encre noire nous invite à revivre au temps passé; lorsque des maîtres illustraient avec talent de belles histoires romanesques.

Après diverses publications chez divers éditeurs de plus ou moins grande taille, dans des formats fanzines, petits albums agrafés ou brochés, ou cartonnés (Futuropolis) cette magnifique édition des éditions Jarjille, cartonnée et au dos toilé semble mettre enfin en valeur comme il le mérite le travail sensible et précis de l'auteur.*

"Egratignures" présente sept récits mettant en scène des enfants, et certaines histoires sont scindées en chapitres, parsemés au sein de l'album. On passe d'une histoire différente à l'autre, comme si un fil les reliait entre elles. 
Ce qui est vrai avec "Volubis palace", 3 chapitres quasi documentaires, traitant d'une bande d'enfants esclaves dans un pays comme la Turquie rurale, et qui vont s'échapper grâce à la culture…  l'est aussi avec "Kaiser et l'albatros, Bouzi : joujou pour dames, et le manège de Noé", abordant l'aspect début du siècle dernier, les jeux dans les parcs, et une certaine cruauté.
Tandis que "Sous le bitume de la nuit" aborde en fin d'album la science-fiction de "survivance".
Au trait... ©Simon Hureau/Jarijlle

Ce qui caractérise ces différents fils, et le style de l'auteur, c'est entre autre un Charme suranné.

Celui-ci nous saute au yeux dés la couverture, où trois jeunes enfants, habillés tels de petits bourgeois du XIXeme siècle, se tiennent la main. En fond, une tapisserie que certain d'entre nous ont pu connaître, (en reproduction), faite de scènes bucoliques stylées XIIIIeme.




...ou au lavis. ©Simon Hureau/Jarijlle
Le style graphique souple de Simon Hureau, rappellera par moment celui d'un François Ayroles. Il est ceci-dit un peu l'apanage de ceux de certains carnets de voyages, ou du style d'un Nylso : dessins un peu jetés sur la page, non entourés de cases. L'ajout de textes très poétiques autour rajoute à ce sentiment, et lorsque l'on sait que l'auteur a beaucoup voyagé et continue à le faire, cela ne nous surprend pas.

On est donc face à une bande dessinée /carnet de voyage, mais d'un voyage dans l'espace et le temps, car ce que Simon nous raconte, on le sent, vient de souvenirs de choses vécues ou vues, dans un temps qui pourrait être hier, comme avant hier, avec, parsemé ci et là son regard d'homme humaniste, qui n'hésite pas à dénoncer à sa manière certaines injustices.

C'est sans doute cette façon de faire, ajoutée aux textes particulièrement poétiques, qui font de ces "Egratignures" un livre au charme si particulier.

Un déjà (futur) classique. Tous publics.

(*) N'oublions pas, précédemment, le beau: "Tout doit disparaître" (Futuropolis, 2006)

mardi 15 septembre 2015

Quand t'es dans le désert... à Tripoli, depuis trop longtemps.

Tripoli
Youssef Daoudi

Glénat
Juin 2014

La couverture est superbe. Une petite caravane de soldats, un dromadaire et un cheval tenu par le licols avancent en silence, on le suppose, dans le désert et l'aube naissante.
Le titre indique le genre de désert et on s'étonne de ne pas connaître le nom de l'auteur.

Youssedf Daoudi ?
Une fois l'album ouvert et quelques pages feuilletées, on reste interloqué par la puissance de planches, la qualité du trait et de l'encrage.
Comment est-il possible d'être passé à côté d'un tel dessinateur, jusqu'à présent ? Et le synopsis paraît quant à lui très intéressant.

1805 : une expédition composé d'un détachement de huit marines et de 500  hommes, dont plusieurs mercenaires arabes, berbères et grecs traverse le désert de Lybie avec comme objectif la prise de Tripoli. A leur tête, l'ex consul de Tunis : William Eaton, précurseur de Lawrence d'Arabie, et le pacha Hamet Karamanli, déterminé à reconquérir son trône. (Editeur)


Si ce grand récit d'aventure, retraçant le premier fait d'arme des Etats-unis en dehors de leur territoire est un épisode inconnu; tout le mérite revient à cet album de le mettre en lumière aujourd'hui.

La clarté de la mise en page et le style du trait de Youssef Daoudi (La Trilogie noire, Casterman 2005-2008) ne sont pas loin de rappeler ceux d'un Jacques Terpant, si l'on devait tenter une comparaison, voir Franz sur certaines scènes hyppophiles; et cela indique combien son classicisme autorise une lecture confortable et de toute beauté.

L'aventure en elle-même, incroyable, qui va jeter des centaines d'hommes en pâture au désert, et dans la guerre, avant d'être broyés par les manigances de diplomates véreux, participe pleinement à l'attrait de ces 88 pages.
Quelques scènes développent aussi de beaux moments humanistes, et les relations interculturelles et religieuses pointées ici et là dans le récit apportent une ouverture bienvenue, en comparaison à notre époque troublée sur ce sujet. Il s'agit d'un autre atout sous-jacent de cet album.

L'histoire est dramatique, mais magnifique. Et l'on s'interroge sur les tenants et les aboutissements de ces conflits, parfois oubliés, comme ici, qui ont fait notre histoire.

Celle-ci en tous cas méritait d'être racontée.
Bravo !

dimanche 13 septembre 2015

Festival BD Ambierle 2015 : pendant que je m'en souviens…


Cette année, belle affluence pour la quatrième édition du festival BD d'Ambierle avec une affiche haut de gamme, autour de la venue entre autre de Didier Convard et Didier Falque.
Ces deux derniers, présents grâce à la présentation d'un des prototypes du graal de la collection du Triangle secret : "Le testament du fou", un réceptacle en bois, et étain, façon pupitre de moine du XIIeme siècle, réalisé en 33 exemplaires par les éditions Empher.
Une pièce en souscription, qui a germé dans la tête de quelques collectionneurs et passionnés de la série, que l'on a donc pu voir, toucher et se faire expliquer par Jean-Marc Pinon, gêrant de la structure, doté de ses gants blancs.

Un trésor, dont l'avancée est aussi visible sur le site :
http://www.bdempher.fr/

Photo : Pierre Jacquet
Denis Falque - Didier Convard
















Philippe Luguy
C’est avec grand plaisir que les amateurs ont pu aussi rencontrer (et se faire dédicacer leurs ouvrages préférés par) Didier Convard, scénariste, et ancien dessinateur, faut-il le rappeler, et son comparse Denis Falque, l'un des dessinateurs de la série Le Triangle secret.

A leurs côté : Philippe Luguy, auteur bien connu de la série jeunesse : Percevan, qui proposait entre autre, et en exclusivité, un beau portfolio de son héros, en édition limitée, et une nouveauté des éditions Jarjille de Saint-Etienne : un petit 16 pages de leur collection BN2.

Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec Jaap de Boer, mais cet auteur, connu pour ses parodies de Natacha (Nathalie)  était là aussi, aux côtés d' Emmanuel Despujol et Guillaume Delacour. 











Reed man, créateur de la structure d'édition Organic Comix était là cette année, aux côtés de Jean Yves Mitton, pour cosigner avec lui un de ses derniers albums : la suite de "Demain les monstres" : Demain…Mars
http://fr.ulule.com/demainmars/
Il proposait aussi bien sûr quelques une des ses productions : Strange nouvelle série, Etranges aventures, et quelques occasions de derrière les fagots.
Tandis que Jean-Yves Mitton se prêtait lui, au jeu des dédicaces, avec courtoisie, dont quelques unes dans le nouvel album du Garde républicain, paru chez Hexagon comics. (Colorisé par Reed man)
> A noter : la présence d'un beau blank cover au format 22x29.!)
http://www.riviereblanche.com/hexagoncomics.htm


Jean-Yves Mitton
L'occasion de discussions autour de Lug, Marvel, Fantax et des comics en général. Très sympathique, comme de coutume.

Non loin, et pour rester dans le  Garde républicain, Christophe Hénin était aussi là, lui que l'on croise dans tous les festivals de France et de Navarre. ;-)  Il continuait à présenter cartes, quelques comics et son album personnel autour du jeu de rôle.

En parlant des "locaux", Guillaume Griffon assurait les dédicaces pour son dernier "Apocalypse à Carson city" (tome 5), tandis qu'Olivier Paire présentait un nouveau comics de sa série SNKorp. (coul de  la couv :  Pascal Phan).

Lilou

Lilou avait quelques petites publications ou sketchbook sympathiques à nous proposer, elle que l'on avait pas vu dans les parages depuis une poignée d'années (Activités culturelles au Sénégal obliges.) Dans le même esprit de partage qui la caractérise, c'est elle qui a assuré un atelier BD vers 16 h.
Tandis que Patrick Biesse assurait la promotion de sa prochaine (et première !) exposition à Villefranche sur Saône en Novembre, à l'aide de ses productions Tiny worlds (cartes, posters…etc.)

Photo : Jarjille éditions

Du côté édition indépendante, un petit détour par Jarjille éditions s'imposait, et Michel Jacquet, scénariste et l'un des co-gérant, proposait quelques nouveautés. On notera le nouvel album  de Simon Hureau : Egratinures, un bel objet format carré, format 20,5x20,5, dos toilé, noir et blanc, qui ravira les amateurs. Le nouveau : Monstrueuse Cathy, d'Augel, quelques nouveaux BN2, dont celui de Nicolas Dalfratte, et les toujours très bons "Voyage en Transibérien", de Bettina Eger, Jean baptiste de Augel, et "Un quart né" de Laetitia Rouxel, dont on avait déjà un peu parlé (en bien) ici à l'occasion du précédent salon du livre de Saint-Etienne.
> Une structure alternative toujours intéressante et déchiffreuse de nouveaux talents, à ne pas manquer.
http://www.jarjille.org/  

Quant au fanzine local : Guère épais, David et Alain, avec quelques compères auteurs, étaient présents à nouveau à l'occasion de la parution du dernier numéro de la revue, (le 8), expressement réalisé pour le festival, avec une double page sur le village du livre d'Ambierle.
On note une nouvelle maquette pour le fanzine, reprenant celle du spécial SF paru l'année dernière, avec couverture couleur glacée donc, format A4, et 28 pages.
Au sommaire : Olivier Paire, Guillaume Griffon (belle pin up), Charles Berg, Alain Buisson, avec en exclusivité un extrait du prochain "Emile Tartarin", Lionel terrasse, et deux nouveaux venus : Némé (notre ex super-héros local, au dessin et scénario, wow ! ;-), Gipé, avec une double page de sf déjantée, et les rubriques et dessins habituels, dont le retour sur deux pages du très jeune Baptiste Canvel, avec un nouveau personnage : Levnac.
Une formule que l'on qualifiera de beaucoup plus prometteuse et vendeuse, pour peu qu'elle continue avec cette énergie et dans cette direction.

Pour finir :  la conférence autour du Triangle secret a semble t-il rassemblé plus d'une vingtaine de personnes, l'atelier BD a du ravir quelques enfants, et les nombreux bouquinistes présents avaient de quoi vous faire exploser le budget, pour petits et grands.

Bref, une édition haute en couleurs, qui conforte sa place au sein des manifestations de qualité du roannais. Merci à toute l'équipe du Village du livre pour ce week-end agréable et convivial !
...Juste un bémol : Il ne restera plus, pour la prochaine édition, qu'à organiser dans des délais un peu mieux gérés, le temps de repas des invités, afin que les horaires annoncés soient respectés.

> A l'année prochaine !! et d'ici là : RDV est pris pour le salon SF des Gardiens de la Science-fiction, en Novembre à l'Espace congrès de Roanne ;-)

N° 34/35 BN2, chez Jarjille :
Quick et Flupke revisités par Nicolas Dalfratte, auteur stéphanois.
voir : http://www.jarjille.org/products-page/bn2/
CC : toutes photos : F. Guigue (sauf où indiqué)

mardi 8 septembre 2015

Comme un Pastel blues : ma petite histoire du Jazz.

En remontant du travail ce soir, dans ma voiture, j’écoutais Nina Simone "Trouble in mind " (sur Pastel blues, 1965), et je pensais que je n'aurais certainement pas eu l'occasion ou l'opportunité (le goût aussi ?) d'écouter ce genre d'album dans le passé, mettons...15, 20 ans en arrière ?

La "sobriété"  (toute relative, car Nina Simone est une artiste dont les enregistrements, donc ceux ci, relativement "anciens", sont plutôt secs pour le profane) pourrait d'ailleurs être comparée quelque peu à celle de notre Brigitte Fontaine nationale...
Son jazz assez classique mixe cependant une bonne dose de blues (et quel blues, cf l'entrée fracassante avec Be my husband) et une folie toute personnelle, qui fait de chaque écoute une expérience assez exceptionnelle.

Je me faisais donc cette réflexion, et repensais à ma précédente compilation de l'artiste, un CD assez commun, à bas prix, acheté à l'aube des années 90, pour parfaire à ma culture et réécouter le tube qui avait à nouveau agité les ondes : My baby juste care for me. Un CD assez peu emballant sur la longueur, où quelques titres connus arrivaient néanmoins à retenir mon attention. Mais ces compilations bon marché ne sont pas ce qui se fait de mieux en discographie, surtout lorsque comme moi, on s'intéresse aux artistes. (Je crois d'ailleurs maintenant me souvenir que cette compilation m'avait été gentillement offerte par ma petite soeur.) 
A cette époque, j'avais aussi acquis à Roanne, place du marché, chez Musiques et livres, un vinyle de jazz (mon premier il me semble, nous étions en 1989). Il s'agissait d'une compilation de 1987 de Earl Hines, chez Vogue, dans la collection Jazz time. Pas que je connaisse particulièrement ce grand pianiste des années 30/40/50, mais dans cette boutique plutôt revendeuse de vinyles (c'était la grande époque où la plupart des familles se débarrassaient de leurs disques pour passer au CD), on trouvait plutôt du rock, et, souhaitant alors élargir mes horizons, je m'étais lancé dans un début de découverte du style jazz, que je ne connaissais alors que très vaguement.

Mon frère, grand précepteur de rock devant l’éternel devait alors posséder une compilation de Miles Davis*, une ou deux K7 de jazz vocal, une ou deux bandes de films quelque peu jazz, et une k7 de Miles récente : son album Under arrest de 1985, qui m'avait laissé pantois. Autant dire que cette introduction débridée au jazz n'était pas faite pour me séduire. D'autant plus que l'époque était donc à la fusion et que l'acid jazz qui allait, pour pas mal de monde, sonner le glas des années de vaches maigres pour ce genre musical, (le jazz), commençait tout juste à percer en France.

Je ne remercierai d'ailleurs jamais assez la Medwey scene, dont l'organiste des Prisoners : James Taylor et son quartet, furent partie prenante du mouvement Acid jazz, qui remis le jazz groove des années 60 au goût du jour, et permis à de nombreux novices comme moi de trouver une descendance/porte d'entrée pour cette exploration nécessaire et bienfaitrice.


Étant passionné de Rock, de Psyché, puis de Rhythm'n'blues anglais, puis de Blues et de Soul, cette scène Acid jazz fut le chainon manquant pour joindre les styles et les époques. La découverte de l'aspect historique et discographique se poursuivit des 1997 grâce au secteur audiovisuel de la médiathèque, que j'intégrais, dés sa création. Après avoir commencé à digérer le fonds de base, je participais alors rapidement à son augmentation, et plus précisément le rock, la pop, la soul, le blues, et...le Jazz. Tout cela mâtiné de lectures essentielles.
Autant dire que les années 1998-2006 furent le parfait terreau de ma culture jazzistique : Bop, Hard bop, Free Jazz, Latin, ou plus atmosphérique : labels Act, ECM...etc.

Depuis, j'ai quitté ce secteur, fort de références bien intégrées, d'autres lectures, de quelques concerts, et de l'expérience de mon ami Claude, autre amateur éclairé, qui lui aussi, mais dans d'autres circonstances et d'autres dimensions à monté une collection jazz digne d'intérêt, dans laquelle j'ai pu aussi puiser. ;-)

Donc : Nina Simone !
Et bien ce double CD regroupant 'Pastel blues" et ' Let it all out" (1965 et 1966) vient justement des bacs de cet ami (toujours disquaire indépendant, après...presque 20 ans de bons et loyaux services).
...Je l'ai "choisi" récemment, parmi les deux ou trois Simone qu'il avait à ce moment là en occasion, car je pouvais, à l'inverse de l'époque précitée, me repérer un tant soit peu dans sa discographie. (Il faut dire qu'entre temps, Internet a bien aidé à cela ;-))
Et si j'ai choisi ces disques datés 1965 et 1966, bien m'en a pris, car il s'avère qu'ils font partie de ses meilleurs.
Et j'en apprécie la substance dans mes oreilles...en ce moment même. 

(*) La compilation double album de 1975 "Dig", réunissant des enregistrements des années 51 à 53.

A lire, écouter.. une belle note consacrée à la version de Nina de "Work song", sur le EB sound marketing blog.