Pages

mercredi 7 décembre 2022

Le poids des héros de David Sala nous transporte.

Traitant avec justesse de filiation, de mémoire, d'engagement, de résistance, de Shoah et d'enfance, ce Poids des héros, paru en janvier 2022, nous cueille comme le vent du soir arrache les feuilles d'automne.

Le petit David habite Lyon dans les années soixante-dix dans une famille d'émigré espagnol. La figure tutélaire du grand père maternel, dont le portrait orne le salon familial, est en passe de disparaitre (mais PAS avant Franco !), à 86 ans, atteint d'un cancer. Devenu jeune adulte,et  héritant de ses souvenirs et documents, l'auteur se décide à rendre hommage à ce résistant humain incroyable (comme son autre grand père d'ailleurs), ayant combattu Franco, puis ayant été fait prisonnier et déporté au camp nazi de Mauthausen, dont il a réchappé, avant  d'en rejoindre d'autres, français ceux là, dans le sud,  puis de terminer sa vie tranquillement, sans esbroufe, mais sans plus de reconnaissance...  



De temps en temps un roman graphique original (pas une adaptation de roman) paraît et surprend par sa force. David Sala émeut, tant dans la forme que dans le fonds, avec un album longuement mûri, dont, on le sent, il a porté durant toute sa vie les traces et les affects. C'est de culture et d'humanisme dont il nous parle ici, arrivant à exprimer, avec, paradoxalement, beaucoup de silences, le socialisme venant de la guerre, celle d'Espagne et contre l'Allemagne occupante, dont ses parents ont hérité. Comme il se plait à le rappeler : pas des communistes, mais plutôt des Libres penseurs, voire des anarchistes, plus portés à citer lors de leurs soirées : Brassens, Aragon ou le pasteur allemand Martin Niemöller avec son poème "Quand ils sont venus chercher..." David lui, peu enclin à tout comprendre à l'époque, écoute Renaud sur l'album Le retour de Gérard Lambert et lit Strange, tel qu'on peut le constater sur les cases de certaines des superbes planches aquarellées très colorées que l'artiste d'aujourd'hui nous transmet. C'est d'ailleurs un des points fort essentiel de ce dernier album, après le déjà excellent Joueur d'échecs (Casterman 2017) : sa faculté à offrir une magnificence de Camaïeu graphique coloré, digne des plus beaux tableaux et des plus belles Historietas, tel que l'on n'en voit que peu à vrai dire. Tout cela dans la lignée des plus grands artistes argentins ou espagnols, le tout en gardant une lisibilité totale sur le fonds, et en touchant le lecteur à coup sûr, tout du long. Une gageure.

...Ce Poids des héros pèse sur nos frêles épaules de lecteurs, avec une rare force vive, mais c'est avec une reconnaissance toute légère que nous le recevons pourtant. Et nous aussi dés lors nous pouvons partir, une fois seulement le livre achevé.
Un "poids" vivant, pleinement vivant ! FG
Le Poids des Héros, par David Sala
Éditions Casterman (janvier 2022)

jeudi 1 décembre 2022

We live, l'ère des Palladions : voilà le monde que nous laissons à nos enfants.

Au-delà de toute facilité et de toute attente, ce second tome d'une série amenée à devenir culte, déjoue les pronostics et pousse plus loin le challenge et la prouesse artistique.

Année 2090. Suite aux événements catastrophiques ayant déclenché l'activation de "la Frappe", balise récupérant le flot d'énergie souterrain ayant été produit par les humains et permettant de sauver une partie de l'humanité (voir chronique du tome 1), les enfants choisis ont pu activer leurs pouvoirs respectifs. Les cités reconstruites ou tenant encore debout sont néanmoins aujourd'hui protégées par des bouclier de force, car des entités monstrueuses géantes issus des sols irradiés (les "Cenotes mères", incubateurs sous terrains) sont apparues à leurs portes, menaçant la race humaine. Les Palladions - méchas avatars du groupe d'enfants - sont le dernier rempart contre cette prolifération, mais il ne faut pas que les flux d'énergie, courant au delà des dômes, et alimentant l'ensemble de ces forces, soient rompus. Deux missions de dernières chances sont lancées simultanément...

Qu'est-ce qui différencie une série de comics SF d'une autre série dans la même catégorie ? Les frères Miranda, auteurs espagnols tous deux issus du milieu culturel populaire (cinéma pour Roy et dessin pour Inaki) sont aussi passionnés par le jeux vidéo. S'ils ont déjà une carrière professionnelle bien entamée, Inaki ayant déjà réalisé de nombreux travaux pour DC, 2000AD et une belle série entre 2013 et 3015 : Coffin Hill, chez Vertigo, avec Caitlin Kitredge, c'est leur association qui les a révélé en duo avec la série We Live, nominée aux Eisner Awards en 2020. Le premier tome recueil paru en novembre 2021 chez 404 comics a défrayé la chronique, grâce à un scénario, mais aussi et surtout un ton, et une patte graphique très originale et séduisante. L'histoire de cette fratrie composée du petit Hototo et de sa plus grande sœur Tala, baignés dans la culture du super héros et des valeurs de serments, pris dans les soubresauts d'un monde qui s'effondre, a conquis un large lectorat. D'autant plus que l'univers graphique d'Inaki possède tous les atouts qu'un comics grand public peut rêver de posséder : dessin numérique précis et fluide à la fois, mise en page dynamique et aérée, scènes de combat  efficaces ne se substituant pas aux passages plus introspectifs, couleurs magnifiques...le tout au service d'un scénario puissant où l'émotion est toujours palpable. 

 
On avait laissé à la fin du premier tome, nos deux enfants rejoindre d'autres "choisis" au sein de l'arche, et on les retrouve certes un tout petit plus âgés, mais avec des responsabilités énormes, dans un monde devenu si complexe, violent et sans espoir que leur charge est quasi inhumaine. Tâchant de faire fi de ces difficultés et se rappelant leurs promesses, leurs serments, ainsi que conscients de la charge qui leur incombe au niveau du monde des adultes, qui a placé tout ses espoirs en eux, ils partent au combat, sûr de rien, et vont en baver.
"Voilà le monde dans lequel nous vivons", semblent nous expliquer les frères Miranda, qui auraient pu se contenter d'une suite tranquille à leur début de scénario de We Live. Cependant, cette vie, qu'il faut protéger, a un coût, souvent élevé, et super héros ou pas, le tribut peut être douloureux. Ayant vécu des drames familiaux durant la réalisation de cette histoire, les auteurs ont été rejoint par la réalité qui a influencé leur fiction, donnant encore plus de force à un récit déjà bourré de vérités, de sensations très humaines. Voilà le monde que nous laissons à nos enfants : une ère de sacrifices.
Un comics philosophique bourré de talents, à la très belle finition cartonnée, et donc essentiel.

FG
 
We live T2 : l'ère des Palladions, par The Miranda brothers
Éditions 404 comics (16,90 ) - ISBN : 9791032406632

lundi 7 novembre 2022

133 rue de l'arbre mort : le chainon manquant de Noah Van Sciver, enfin en Français !

Avec "Un arbre mort"(One Dirty Tree, titre original, et jeu de mot sur "One Thirty Three"), daté 2018, Noah Van Sciver aborde de front sa jeunesse et sa vie familiale au 133 rue de l’arbre mort, où il a aménagé en 1994 avec ses cinq frères et sœurs et ses parents à Merchantville, une petite commune du comité de Camden, dans le New Jersey. Le chainon manquant d’une bibliographie déjà conséquente.

C’est avec beaucoup de réalisme, d’empathie mais aussi d’humour, que l’auteur décrit sa vie dans une famille mormone, auprès de ses nombreux frères et sœurs, dans ce qu’il est convenu d’appeler un taudis. Trop nombreux, les uns sur les autres, mangeant peu, avec un père sensé être avocat mais passant son temps à dessiner ou écrire de la poésie, (la mère ne pouvait travailler selon les règles de la communauté), Noah survit en grandissant avec des petits boulots tout en présentant ses projets de comics aux éditeurs, en parallèle de son grand frère Ethan, lui aussi dessinateur. Jeune adulte, il entame une relation avec Gwen, avec qui il emménage dans un appartement, mais cela n’est pas aussi simple lorsque l’on se veut artiste…




Publié chez Uncivilized Books en 2018, ce récit était  resté inédit en France, malgré les efforts des éditions l’Employé du moi depuis 2015 (entre autre avec Fante Bukowski : 3 tomes jusqu’en 2019) et Revival (Johnny Appleseed en 2019). C’est donc un grand plaisir de découvrir cet album en français permettant enfin de lire en intégralité une partie importante de la bio de cet auteur américain de la scène alternative des années 2010, découvert aux Etats-Unis en 2012 avec The Melancholic Hypo, the young Lincoln chez Fantagraphics.  D’autant plus que l’on a déjà eu l’occasion de vivre des passages de l’adolescence de Noah Van Sciver avec Mon aventure torride et Pour l’amour de l’art (L’employé du moi, 2020 et 2021). Les éditions Revival se posent parmi les éditeurs refuges permettant à des comics anciens ou modernes d’être lus par le lectorat français, et ils ont à cette occasion, lancé en août la collection Flipside, avec rabats (jeu de mot), qui accueille déjà d’autres comics de ce genre. Si vous n’avez rien contre les dessins de type fanzine très « lâché » de la scène alternative et aimez les récits autobiographies sincères et où l’humour est distribué avec talent, n’hésitez pas, ce petit roman graphique de 56 pages saura vous réjouir. On regrettera juste peut être une couverture bien moins sympathique que l'originale, au moins dans sa couleur marron unique. 

FG                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Ci-dessus : la page titre reprend la couverture américaine originale.


133 rue de l’arbre mort, par Noah Van Sciver
Éditions Revival (14€) - ISBN : ISBN : 979-10-96119-57-8
Paru en Août 2022

Relire l'interview de Noah Van Sciver lors d'Agoulême 2019 ici.

dimanche 6 novembre 2022

Zombie World : un vingt-cinquième anniversaire fêté dignement !

25ème anniversaire de la parution de cet album clé dans la carrière de l'auteur d'Hellboy et réédition aux petits oignons et en couleurs.

Une sarcophage Hyperboréen récemment acquis doit être la pièce maîtresse d'une aile dédiée du musée de Whistler, Massachusetts. Sauf que...la momie présente à l'intérieure est un sorcier puissant vieux de 42000 ans qui était jusque là prisonnier de son coffin. Son influence, seulement contrainte, va néanmoins lui permettre de se délivrer, et de mettre en place son projet ultime : trouver une reine et réveiller les morts...


Paru une première fois en 1997 chez Albin Michel dans un format souple et en Noir et blanc, ce récit écrit par Mike Mignola mais dessiné par son ami Pat Mc Eown est à resituer dans son contexte. En 1997, si le personnage culte de Hellboy est déjà connu des lecteurs français, c'est seulement avec quatre premiers albums publiés par Dark Horse France, où le démon cornu travaille encore en solo et s'adresse à un public encore bien spécialisé. L'univers très particulier de Mignola et ses références lovecraftiennes n'étaient de plus pas encore ce qu'ils sont devenus depuis, tout comme la mode des Zombies, devenue tellement évidente depuis la série Walking Dead débutée seulement en 2005. D'ailleurs ce récit mêlant les deux univers, plus celui de Robert Howard, avec la référence Hyperboréenne, amène une première tentative de travail en équipe que le scénariste développera seulement à partir de 2002 avec la série parallèle à Hellboy : BPRD. Ici, il ajoute un ton teinté d'humour, ne permettant qu'à moitié de prendre au sérieux son histoire et en tous cas son personnage de sorcier, mais aussi l'équipe le combattant lui et ses zombies, menée par le major Damson. L'auteur l'explique d'ailleurs sans détour dans la postface de l'album, arguant qu'il s'est davantage agit d'une boutade, d'un défi auprès de son éditeur, que d'un projet plus conséquent. Cette histoire, s'étalant au long de trois comics et 66 pages, est en effet assez simple en fin de compte, et nous laisse un peu sur notre faim. Il est par contre évident qu'il s'agit d'un tremplin
pour le Mignola Verse à venir. Concernant son collègue Pat Mc Eown, qui avait fait ses preuves de dessinateur et créateur à l'époque avec la série Grendel, il nous surprend avec un dessin souple et tout en rondeur, se référant beaucoup, d'après ses dires, à Yves Chaland,  Roy Crane ou Steve Guarnaccia.

Effectivement, celui-ci s'inscrit pleinement dans les canons américains de l'époque et de chez Dark Horse, où des auteurs influencés par l'Europe donnaient à voir autre chose du comics. On pense plutôt, et entre autre, à Dean Haspiel et Paul Chadwick. Le fait de bénéficier des couleurs très agréables de Pamela Rambo, apporte un plus indéniable sur cette édition cartonnée particulièrement soignée, au papier épais et aux bonus nombreux, dont un cahier graphique de Pat Mc Eown annoté mais aussi les dessins de couvertures noir et blanc et couleur de Mike Mignola et ses pages de garde magiques. Si vous aimez ces ambiances, ces auteurs, n'hésitez pas un instant, car au delà de son importance historique, ce récit est présenté dans une édition quasi bibliophile (et à prix sympa) imposant le respect et prouvant que la forme peut valoir parfois autant que le fond. Bravo.

FG

 

Zombie World : le maître des vers
Pat Mc Eown et Mike Mignola, Pamela Rambo
Éditions 404 comics (14 €) - ISBN : 979-10-32404-09-6

mardi 25 octobre 2022

Lovecraft par Enrique Breccia, édition Ilatina décembre 2022

Réédition remaniée et plus luxueuse d'un album paru en 2004, cette publication est un bijou narratif et graphique du grand Enrique Breccia à ne pas manquer !

Providence, New Hampshire, 1895 : le petit Edward Lovecraft, fils unique, est un enfant précoce, sachant déjà lire et écrire à cinq ans. Issu d'une famille relativement bourgeoise, il passe surtout du temps auprès de sa mère, et de son grand-père, lui lisant des histoires de fantômes. C'est sans doute ce qui lui donne ces drôles d'idées ainsi qu'une attitude peu sociable. Il faut dire que le pauvre a vu son père hospitalisé cette année en institut psychiatrique, pour des démences inexpliquées. Pourtant, ce dernier a fait allusion à un livre maudit qu'il faudrait détruire : le Necronomicon, qu'Edward a subtilisé et garde désormais sous son lit. Un jour, appelé par les voix que seul lui entend, il va aller le cacher à Arkham, la ville imaginaire remplie de monstres. Ce sont ces voyages de plus en plus réguliers là-bas qui vont lui donner matière à écriture, faisant de lui un des auteurs de fantastique les plus réputés de son époque, jusqu'à aujourd'hui. 




Ci à droite la magnifique couverture limitée à 150 ex de cette nouvelle édition :

 
Paru une première fois en 2004 aux éditions Soleil, cet album, quelque peu passé inaperçu à l'époque, revient en force alors que le maître argentin Enrique Breccia n'a jamais connu autant de publications dans notre pays depuis 2020. Il faut dire que les éditions Ilatina menées par Thomas Dassance, et spécialisées dans les œuvres argentines, ont particulièrement misent en avant un auteur dont on ne connaissait jusque là qu'une miette de son importante production. Ceci grâce à la série phare Alvar Mayor, mais aussi au One shot couleur D'une rive à l'autre, tandis que les éditions Black and White ont proposé le superbe épisode Captain Jack de la série western Tex. Bien que d'autres nombreux récits noir et blanc ou couleur, plus anciens, et initialement publiés dans des revues d'Amérique du sud ne soient toujours pas traduits chez nous, souvent pour des questions de droits mais aussi à cause de scénarios parfois trop référencés culturellement et hermétiques aux lectorats français (1), il n'en demeure pas moins que cette longue histoire, produite initialement aux Etats-Unis pour les éditions Dark Horse en 2004, méritait une remise en lumière.

Il faut pointer le travail magnifique artistique d'Enrique Breccia, qui, alors qu'il n'avait pas encore commencé son travail sur la série couleur Les sentinelles avec Xavier Dorison en 2008, proposait déjà un travail pluritechniques formidable dont il utilisera certaines spécificités en France. On peut d'ailleurs aisément deviner que c'est à partir de ce travail proposé par les éditions Soleil que les deux auteurs ont été mis en relation.  Le dessinateur alterne en effet travail au trait colorisé dans une technique subtile et sur fond blanc - que l'on retrouvera sur les Sentinelles - pour les passages biographiques documentés de Lovecraft, avec une technique d'aquarelles aux couleurs un peu plus vives et sur fond entièrement noir, pour les passages "psychotiques". Ces derniers sont traités de manière plus aérées, au moyen de quatre à six cases maximum, là où les autres planches, faisant davantage appel aux hachures, peuvent en compter jusqu'à sept. Les ambiances du début du vingtième siècle sont superbement rendues, et les personnages sont animés de manière très dynamique, tout comme leurs visages sont expressifs sans être figés ou caricaturaux.

Enrique Breccia rend justice avec talent et un grand respect, pour l'œuvre originale de Hans Rodionoff, qui a écrit de son côté un hommage de belle facture au romancier maudit de Providence, prenant bien évidemment, quelques libertés au passage. Là où de très nombreux récits concernant Howard Lovecraft ont paru ces vingt dernières années, proposant plutôt des adaptations de ses histoires les plus célèbres - on pourra citer le Chtulu par Alberto Breccia, Les adaptations de INJ Culbard chez Akileos entre 2011 et 2015), L'Invisible et autre contes fantastiques (Erik kriek, Actes Sud l'An2, 2012), Les chefs d’œuvres de, par Gou Tanabe (6 tomes chez Ki oon 2018-2022) -  Hans Rodionoff a choisi de mettre en lumière la vie de l'auteur culte. Débutant avec son enfance quelque peu traumatisante, il choisit de valider la thèse de la réalité du livre maudit le Neonomicon, de l'arabe fou Abdul al-Hazred, pour ouvrir les portes de la folie supposée de son détenteur. C'est ainsi que le jeune Lovecraft, comme tout ceux qui auront été en présence de ce grimoire, va voguer sans arrêt entre passages "hallucinés", (ou supposés tels) le transportant à Arkham, ville parallèle de Providence, et porte vers l'univers des grands anciens, terre de monstres et de terreurs indicibles, et moments plus apaisés, en compagnie de la seule femme qui s'intéressera à lui, la belle Sonia. Malheureusement une fois contactée, cette "croyance", telle une maladie incurable, ne pourra être dissipée et ne quittera plus l'auteur, lui permettant certes de devenir célèbre, mais l'isolant à jamais de toute vie sociale normale. Une vision biographique adulte dans une ambiance graphique comics rappelant les délires du dessinateur sur Swamp Thing, menée avec beaucoup de finesse.

 

Il reste dix jours pour profiter de cette superbe édition en avant-première, contenant un Artbook et la possibilité d’obtenir un des 150 exemplaires à la couverture inédite (ainsi que d'autres bonus cadeaux si 200% atteints).

FG

 (1) On reviendra très bientôt sur ces œuvres (El Suenero, Guerres du désert...) dans un dossier à paraitre sous forme d'un fanzine spécial fin 2022.

Le lien vers la campagne en ligne : https://fr.ulule.com/lovecraft-bd/



- Caractéristiques techniques de  cette édition  exceptionnelle :
144 pages intérieures, taille: 30 x 21.5 cm, couverture cartonnée reliure cousue avec filetranche. Intérieur papier couché mat 150g.

- Caractéristiques techniques de l’Artbook livré avec toute précommande : 32 pages intérieures ; taille : 16x23 cm, couverture cartonnée reliure cousue. Intérieur papier couché mat 150 g.



samedi 15 octobre 2022

Un cri lointain et une promenade en enfer, chez Black River

Farcry le rite initiatique
Bryan Edward Hill, Geraldo Borges, Michael Atiyeh

Deuxième livraison du label Black River, ce thriller intéressant n'arrive cependant pas à dépasser ses ambitions.

Le jeune Diego Castillo vient d'avoir treize ans et son père , Anton Castillon "El présidente", un homme puissant mais cruel, l'amène dans la jungle pour un rite initiatique. Lui racontant lees histoire de trois hommes puissants déchus, Vaas Monténégro, Pagan Min et Joseph Seed, il va lui enseigner les arcanes du Leader ship à sa sauce.

Comme l'explique le résumé au dos du One shot, ce comics parlera aux amateurs du jeu Ubisoft connaissant déjà ces trois personnages. Pour les autres, le lisant en pensant trouver un thriller un peu fantastique, vu la couverture peinte magnifique de Matt Taylor, et l'ambiance  graphique intérieure plutôt séduisante de Geraldo Borges, la déception sera un peu de mise. En effet, alors que l'on suit nos protagonistes s'enfoncer dans la noirceur de la jungle et des non dits entre un père et son fils, tous deux en ressortent, indemnes, et repartent comme si de rien n'était...vers de nouvelles aventures. Le sentiment de chute avortée est fort et la déception d'avoir manqué un récit bien plus puissant très présent. Si ce livre n'était qu'un prologue à une série à venir, passe encore, mais là, il est sensé se suffire à lui-même. Un prologue, c'est cela. Et c'est un peu juste pour 80 pages cartonnées.


Walk Through Hell  T1: une promenade en enfer.
Garth Ennis et Goran Sudzuka

Un nouveau Garth Ennis devrait être un gage de bon comics. Celui-ci, proposé par ce nouveau label français surtout spécialisé en adaptation de licences de jeux vidéo, laisse cependant un sentiment mitigé.

Tandis qu'ils enquêtent sur des crimes pédophiles commis en série dans leur région, deux inspecteurs du FBI sont appelés pour rejoindre une équipe du Swat et des collègues à eux dans un entrepôt où se déroule une action difficile semble t-il. Les collègues ne sont pas ressorti du grand bâtiment plongé dans l'obscurité, et l'équipe du Swat se fait exploser le caisson en équipe au sein de leur fourgon. Mais que se passe t-il au sein de cet entrepôt ?? Les agents spéciaux Shawn et Mc Gregor ne vont pas tarder à l'apprendre...quoi que tout ce qu'ils vont vivre défie l'imagination et...la réalité.

Partant d'un pitch hyper intéressant, original et prenant (on retrouve l'étrangeté propre aux scénarios de l'auteur anglais bien connu), avec un zeste ici de démence toute lovecraftienne, dans les traces d'Alan Moore et Jacen Burrows, Walk Through Hell dérape cependant vite dans un amalgame de ficelles scénaristiques, pouvant laisser le lecteur très perplexe. Reconnaissons un talent à Garth Ennis, mais il fait cela dit partie de ces scénaristes pris dans leurs propres jusqu'au-boutismes. A vouloir toujours étendre ses limites, d'étrangeté, d'horreur, "d'originalité " !? celui-ci propose des histoires loooongues, alambiquées, tirées par les cheveux, voire : mortelles ...d'ennui. Ce premier tome serait réussi si la réalisation ne donnait pas envie de passer des pages...toutes les quatre pages, nous montrant les agents échangeant autour d'une tasse de café. Bien dommage, parce que ce récit associant thématique de Serial killer, horreur psychologique et fantastique aux dessins réussis de Goran Sudzuka et à la couverture très réussie d'Andy Clare, est plutôt engageant au premier abord.
A...suivre, pour la dernière cigarette, ou bien une seconde chance ?

FG


Farcry le rite initiatique
Bryan Edward Hill, Geraldo Borges, Michael Atiyeh
Black River (15,90€) - ISBN : 9782384260096

Walk Through Hell : une promenade en enfer.
Gary Ennis et Goran Sudzuka
Éditions Black River (18,90€) - ISBN : 9782384260102

vendredi 14 octobre 2022

Sergio Tisselli : les dernières aquarelles...

C'est un drame survenu juste après le festival d'Angoulême 2020 et alors que le dessinateur italien apprécié de tous s'était attaché à commencer le troisième tome des aventures du sergent Keller, entamées en 2017 avec Le Chemin du couchant, créées avec son ami François Corteggiani. Tous deux avaient été mis en contact par Michel Jans, des éditions Mosquito, quelques temps avant et je l'attendais avec impatience et avec toute l'équipe à Roanne, où il était prévu qu'il vienne avec son autre ami et compatriote Lele Vianello, dans le cadre du festival BD d'Ambierle, se déroulant en septembre. Décédé subitement en mai, cela ne put se faire, et Lele vint seul.

Je me souviendrai toujours avec émotion de la gentillesse de ce monsieur, de cet artiste aux aquarelles flamboyantes, auprès duquel j'eu la chance et l'honneur de partager un repas cette année là à Angoulême, grâce à Michel Jans, mais dont je ne pu me faire dédicacer un album, profitant pleinement du moment présent, et souhaitant laisser ses fans, nombreux sur le stand de l'éditeur, mais surtout trop certain de pouvoir en profiter plus avant quelques mois plus tard...

Sergio content de m'assurer de sa présence à Ambierle...
© Photo : Franck Guigue

Ce mois d'octobre 2022, les éditions Mosquito publient, à l'occasion de la parution du tome 3 de ce western très sympa (1), une brochure hommage spécialement dédiée à l'ami de Michel et François parti trop tôt. De nombreux autres copains témoignent, avec des textes entourés de nombreux inédits, des photos, au sein d'une publication limitée à 250 exemplaires offerte pour l'achat de deux albums Mosquito. Celle-ci se rangera évidemment aux cotés de la précédente, consacrée à Sergio Toppi.
Deux Sergio, deux très grands artistes, deux pertes immenses, dont Michel Jans poursuit la sauvegarde de la mémoire.

FG

(1) Voir ma chronique de L'ange exterminateur sur Planete BD

Le 4eme de couverture.



Ci-dessus les travaux préparatoires et premières aquarelles de l'album inabouti.

Un style flamboyant, c'est ça.
©Sergio Tissellli/éditions Mosquito
(Image ci-dessus tirée du "Chemin du couchant")
Les autres : tirées de la brochure hommage.  
 
 

L'affiche du festival BD de Grenoble 2018

Sergio Tisselli et Lele Vianelo sur le stand Mosquito, Angoulême 2020
© Photo : Franck Guigue


vendredi 7 octobre 2022

Apache Delivery Service : revoilà Tyler Jenkins !

On n'avait pas revu le duo Matt Kindt -Tyler Jenkins depuis Black Badge (Futuropolis 2020) et surtout l'excellent Grass Kings (même éditeur français, 2019) même si une mini serie Fear case a paru aux États-Unis l'année dernière et reste non traduite à ce jour. Celle-ci, parue de janvier à avril 2022 vaut le détour.

Ernie Nez, appelé "l'apache" par ses coéquipiers est un jeune soldat américain opérant dans la jungle du Vietnam durant le conflit des années soixante. Il est en fait Navajo et aime parcourir la jungle plutôt que de rester au camp. Très capable, il sert à repérer les positions ennemies et les indique aux chasseurs bombardiers incendiaires pour une "Apache Delivery Service ". Un jour cependant, il est pris dans un piège et séquestré par un américain très bizarre, sur la piste d'un trésor de lingots d'or nazis datant de la seconde guerre mondiale...

Acheté sur la seule foi des noms des auteurs, ce comics "de guerre" commence effectivement avec la tonalité des récits du genre, tout en glissant un ou deux indices d'étrangeté dans trois de ces couvertures : lingots d'or, squelettes, silhouette fantomatique. Mais le fantastique ou plutôt l'horreur s'installent assez rapidement. La jungle est un endroit se prêtant d'ailleurs assez bien aux contexte. Sans dévoiler toute l'histoire, on peut dire que Matt Kindt, lorsqu'il travaille avec Tyler Jenkins, s'autorise des approches scénaristiques davantage  portées sur le Pulp. Des histoires plus tordues, plus sombres, mais aussi moins longues, moins "intellectuelles".
Le format mini série convient bien à ces récits serrés d'où le mystère et la peur sourdent. Aussi on est ravis que le duo puisse produire de tels titres. A contrario, Tyler Jenkins délivre pour sa part un dessin moins abouti que dans Grass Kings, où de belles aquarelles nous captaient. Là, il se contente d'un trait lâché que  sa femme colorise assez "simplement". Tout cela n'empêche pas l'attrait de ce comics alternatif, bourré d'atouts, que je vous recommande.

FG


Apache delivery Service
Matt Kindt, Tyler and Hilary Jenkins.
Mini série 4/4. Dark Horse comics


Couverture de la seconde édition du #1, et variant du #4

jeudi 6 octobre 2022

Locke & Key : entrez, entrez dans le Sandman Universe !

Locke & Key/The Sandman #0 (Sandman Universe) 2020
Et Locke & Key Hell and Gone mini série (2/2) 2021

Un peu de retard (tu m'étonnes !), pour cette chronique.
> Parus simultanément aux USA en décembre 2020 et le 14 avril 2021, ces deux titres mettant plus ou moins directement en scène le personnage Morpheus de la série Sandman de Neil Gaiman sont les messagers avant coureurs de la série Netflix débutée en août 2022.
Le premier : Locke & Key/The Sandman #0 de la collection Sandman Universe, présente les deux récits : "Open the Moon", un guide des clefs et "Sleep of the Just". Open the moon, écrit par Joe Hill et dessiné par Gabriel Rodriguez est la réédition du comics Locke & Key: Guide to the Known Keys, paru en novembre 2011, tandis que le second récit est le début du Sandman numéro 1 de novembre 1988, écrit par Neil Gaiman et dessiné par Sam Kieth. Un rattrapage pour celles et ceux débutant avec l'une ou l'autre série.



De son côté, Sandman Hell and Gone est un Crossover avec la série Locke and Key et fait directement suite à la minie série In pale Battalions chroniquée sur ce blog (dans la rubrique ComicsVO). John Locke est mort depuis dix ans, ayant choisi de s'envoyer lui-même par dépit dans les tréfonds du Titanic. Il a d'ailleurs envoyé une lettre de l'enfer à son père. Sa sœur Mary, décidée à le retrouver, va subtiliser les atours (casque, sable et bijou) de lord Morpheus, emprisonné dans la réalité, afin d'essayer aller le récupérer. Elle va cependant devoir faire face dans le royaume des rêves au Corinthien. Aidé de Lucien, l'infini de la nature, et forgeant une réplique de la clef de l'enfer, tous deux vont pouvoir se rendre au royaume de Lucifer, accompagné par Etrigan, un démon à son service, puisqu'elle l'a appelé. Quelle sera le dénouement de cette histoire ? C'est tout le talent de Joe Hill de nous réserver de nombreuse surprises dans ce fascicule blindé et sans publicités de 48 pages !! (D'où son prix de 6,99$). Quant à Gabriel Rodriguez, il nous subjugue avec son style graphique riche, envoûtant, et si "gouleyant". Là encore, ce comics permet de nous préparer au lancement du Sandman sur Netflix. Un sentiment de fin vraiment bien ficelée.

On trouvera le contenu de ces trois fascicules (moins l'épisode Sandman original) traduit dans le superbe volume cartonné français "Locke and Key l'Age d'or" paru en mai 2022 chez Hi comics, augmenté de Locke & Key: Small World #1 ; Face the Music (3 pages initialement prévues dans un format audio book), et Locke & Key: ...In Pale Battalions Go.... #1-3. Son prix français de 29,90€ est donc justifié, sachant que rien que le tome 2 de Hell & Gone coûte 7 euros à lui seul en VO.

Si Joe Hill nous a embarqué durant plus de dix ans avec sa super série Locke & Key, l'une des toutes meilleures de ces années 2010, que l'on ne saura que trop recommander ici (découverte dés le premier tome souple chez Milady et sans cesse soutenu), il faut souligner l'art de Gabriel Rodriguez, vraiment adapté à la Fantasy un peu horribilis du scénariste, proposant un dessin et un encrage toujours plus charismatiques au fil du temps. Ces deux derniers chapitres ne font pas exception et garantissent au duo une place au firmament des auteurs de comics, et du médium en général. Exceptionnel !

FG

 

 

 

A gauche : l'édition cartonnée française "recueil" ; à droite : la couverture courante s'ajoutant
aux 22 autres "variantes" réalisées pour le tome 1 de Hell & Gone !

                                                                                                          


lundi 3 octobre 2022

La tour des dames : un tour de magie !

Revoilà Céline Maltere avec un roman à la poésie spectrale toute nimbée de passions. Où l'art côtoie la grande Histoire et les amours perdues, en région Rhône-Alpes.

Le 25 juillet 1925 disparaît dans les flammes et sans explications le château de Randan. Ce bâtiment ancien, dont les bases construites sur une abbaye remontent au VIe siècle, semble entouré d'une aura mystérieuse. D'ailleurs, à l'époque, une petite fille n'a t-elle pas vu s'enfoncer dans les bois environnant une femme en tunique blanche étrange ? Quatre-vingt ans plus tard, Abèle, étudiante passionnée d'histoire vient sur les lieux afin d'écrire un roman. Elle va se faire aider par Odélia Martial, bibliothécaire à la médiathèque de Vichy, où elle compte trouver des informations sur le peintre régional Alphonse Osbert. Toutes deux vont entrer un bien étrange univers...

D'entrée, la Tour des dames surprend par l'immersion immédiate dans un maelstrom spatio-temporel et sensitif : le récit étant ressenti par les d'animaux assistant à l'incendie à l'époque. Une atmosphère à la fois fantastique et envoûtante, donnant le ton du roman. Ces passages, en fait le manuscrit qu'Abèle rédige, alternent sans cesse avec ses recherches au temps présent, évoquant ses relations, en train de se nouer avec Odélia mais aussi son mari. Elles-deux se retrouvent en effet autour d'un livre consacré au passionnant peintre Alphonse Osbert, auteur de toiles oniriques, dont beaucoup d'œuvres sont visibles à Vichy même. Leurs recherches vont les emmener au cœur de la forêt mystérieuse, les confondant presque avec les personnages historiques, toutes des femmes, devenues spectres. Céline Maltère, autrice d'une bonne dizaine de romans, aime le fantastique, ou en tous cas l'onirisme, et ses précédents titres, dont : Leviyatan le monstre de l'Allier, le cabinet du diable, ou la trilogie le cycle de Goth sont éloquents. Elle est accueillie pour celui-ci aux éditions Christine Bonneton (groupe Losange, basé à Chamalières, Puy-de-Dôme) plutôt consacrées aux beaux livres régionaux avant 2021 et ouvertes depuis aux romans. Associant une plume précise, sachant mêler les ambiances, romantiques, fantastiques, tout en insérant une passion pour la culture bibliophile évidente et un goût pour la beauté des éléments naturels, elle déroule son intrigue avec rigueur et une écriture châtiée très plaisante. Enfin, le féminisme revendiqué de ce nouveau roman apporte une touche particulièrement aiguisée et sensible à la fois, d'où les émotions pures émergent. La tour des dames, tel un tour de magie, nous charme, au delà du raisonnable. Coup de cœur.

FG 

 

La Tour des dames, par Céline Maltère
Christine Bonneton éditions (16,90€) - ISBN : 9782862539782  


A noter aussi la revue littéraire semestrielle Litterature & Cie, numéro 2 du nom, venant de paraître, que l'éditeur a eu la gentillesse de m'adresser, mais que je n'ai pas encore eu le temps de lire entièrement. Néanmoins, son sommaire est fort passionnant et sa présentation dos carré collé remarquable. Ajouter quelques illustrations intérieures de Jean-Francois Miniac de toute beauté et un article sur l'auteur de bande dessinée Michel Plessix, disparu il y a neuf ans... et l'on tient là une revue à ne pas manquer !

> la page : https://www.editions-bonneton.com/bonneton/5018-9782862539805-litterature-cie-n2.html

dimanche 2 octobre 2022

Une certaine bande dessinée roannaise. (La Scène BD résumée : 1975-2022)

Parce que Roanne a une histoire intéressante avec la Bande dessinée, entre autre entretenue d'ailleurs par le festival BD d'Ambierle, qui vient de fêter ses douze ans, je souhaitais aborder le sujet par le biais d'un essai récapitulatif sur ce qui fait et a fait la Bande dessinée depuis la fin des années soixante-dix dans notre localité.


Affiche de Cédric Fernandez, 2018.

Alors, certains trouveront sans doute qu'il manque des choses, des noms peut-être ? En tous cas, il me semble que ce premier jet a le mérite d'exister, et pourra être suivi soit de mises à jour, soit de commentaires constructifs pour le rendre meilleur.

Bonne lecture !

> Cliquez sur l'image ci-dessous afin de lancer la lecture du document en ligne. 

Note du 10 octobre 2022 : quelques coquilles étant restées sur le document original malgré ma relecture, je viens de reposter une version corrigée.



vendredi 23 septembre 2022

Nos ombres d'Algérie : la couleur d'un pays en perspective...


Vendredi soir 23 septembre se déroulait à l'Espace Renoir de Roanne, salle classée art et essai, l'ouverture du 12eme festival BD d'Ambierle avec la projection du film Nos ombres d'Algérie, réalisé par Vincent Marie. Celui-ci était proposé au grand public après avoir été montré en matinée à 250 élèves roannais et 110 de Charlieu.
C'est la deuxième fois que Laurent Segal, co-réalisateur et producteur vient à Roanne, où il avait présenté en 2020 le film La colline aux Coquelicots traitant de la guerre de 14-18.
Le principe des éditions Kanari est original et de qualité : proposer une vision d'un sujet, souvent historique, mais pas que, mettant en lumière des auteurs de bande dessinée. A plusieurs voix, comme ici, ou en solo comme dans "Page 52", où feu Jean-Claude Mézières nous immergeait dans une des pages de son Valérian et Laureline en cours.

Vincent Marie filme les relations entre la France et l'Algérie avec une grande pudeur mais sans fards non plus, laissant parler les auteurs, tous ayant une relation intime avec le pays et où la guerre, par le biais de leurs familles. Qu'ils soient "pieds noirs" comme Jacques Ferrandez, (originaire via ses grands-parents à la fois d'Alsace et d'Afrique), Jeanne Puchol, dont les parents venaient d'Algérie, tout comme Jöel Alessandra, ou algérien comme Mourad Boudjellal ou Kamel Khélif. Quant à Gaétan Nocq, il interview et a adapté en bande dessinée le parcours d'appelé d'Alexandre Tikhomiroff, fils d'émigré russe et de mère castillane ayant écrit à 21 ans "Une caserne au soleil" (l'Harmatan) sur son expérience lors de la guerre d'Algérie. Il nous emmène aussi au camp de rétention de Rivesaltes, dans les Pyrénées orientales, où un superbe musée propose de rendre tangible la vie dramatique de milliers d'immigrés passés par là entre la guerre d'Espagne et celle d'Algérie, sans occulter la seconde guerre mondiale. 

© Kanari Films, 2022

Les témoignages dans leurs ateliers ou en extérieur, de ces hommes et femmes artistes, sont émouvants, car le réalisateur, ayant gagné entièrement leur confiance, recueille leurs souvenirs - cela confinant parfois à la limite de la psychanalyse - certains les évoquant d'aileurs tout en dessinant. Mourad Boudjelal aborde de son côté la relation à "l'arabitude", comparant son statut à un immigré africain arrivé récemment dans sa ville. Un simple "bienvenue en France" à l'attention de ce dernier le fait se sentir alors français, alors qu'il s'interroge sans cesse sur sa propre identité. Rarement la bande dessinée n'est filmée avec autant de vérité et de rapport à l'intime, mais aussi à la matière (il faut voir les travaux de Kamel Khélif, dont l'encre délavée fait apparaître ses œuvres, comme par magie, telles des daguerréotypes), ou le témoignage de Jeanne Puchol expliquant l'attrait du noir dans une représentation des actes violents intervenus lors des évènements policiers du métro Charonne le 08 février 1962 à Paris (1). Les aquarelles majestueuses de Jacques Ferrandez ou Joel Alessandra (expliquant l'importance des tons de couleur), apportant la lumière nécessaire à ces évocations d'un pays meurtri, aux passages d'histoire tabous, mais qui continue à inspirer les artistes, comme aux premiers jours... de conquête.

Un film beau et émouvant, à retrouver en DVD. 

 

 Alger vu par Jacques Ferrandez

 

La séance a été suivie d'échanges avec Laurent Segal et Jeanne Puchol, cette dernière se prétant avec grande gentillesse au jeu des dédicaces. (Photo ©F.Guigue)

(1) Dessins à retrouver dans Charonne- Bou Kadir (éditions Tiresias, 2012)








Fiche technique
Nos ombres d'Algérie
Documentaire 52 minutes – 2022
HD – 16/9
En coproduction avec France Télévisions
Avec la participation de TV5 Monde
Avec le soutien du CNC, de la Procirep et de l’Angoa, du ministère des Armées – Secrétariat général pour l’administration – Directions des patrimoines, de la mémoire et des archives, de l’ONACVG et de l’Institut français en Algérie.

https://www.kanarifilms.fr/