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mercredi 1 septembre 2004
Le Château ambulant
Déambulant Miyazaki
ou : la guerre mise en déroute
A la vue des nombreux articles élogieux consacrés au dernier film de Monsieur Miyazaki, on aurait du mal à aller à contre courant en imaginant pouvant avoir une critique négative ou en tous cas moins élogieuse. Il semblerait que chacun se soit mis d'accord pour accorder le statut de chef-d'oeuvre à ce Château ambulant et celui de Maître au sommet de son art pour ce grand réalisateur japonais (mis à part le quotidien Libération qui dans son article de 3 pages du 12 Janvier 2005 apporte des clefs intéressantes à la compréhension de cette dernière oeuvre.)
Sans vouloir à tous prix trouver à redire de ce 9eme opus cinématographique, force est cependant de constater que celui-ci ne laisse pas, à première vue, le même sentiment de satisfaction que ses précédents films. Moins d'émotion s'en dégage aussi, ...pourquoi ?
Je propose d'énumérer quelques points sur lesquels personnellement j'ai trouvé matière à discussion, et nous verrons, qu'en fin de compte, ce film est bien un ... (?? voir à la fin).
Les points du questionnement/raisonnement :
1) Un décor européen envahissant, nous rapprochant des films d'animation classiques.
2) Une sensation de déjà-vu avec des sosies de personnages des précédents films.
3) Un classissisme et une fin en happy-end trop évidente... qui peut en cacher une autre.
4) Finalement un thème central “caché“ : la guerre, et une critique de tous les pouvoirs.
Dans Nausicaa, Princesse Mononoké, Totoro ou bien encore Chihiro, on avait eu plaisir à découvrir quelques images du Japon, qu'elles soient réelles ou pas, inspirées de vrais traditions ou non. Miyazaki a d'ailleurs lui-même avoué avoir pris des libertés sur ce sujet (cf in Sofa N°29) et de citer l'esprit de la rivière dans Chihiro par exemple , complètement inventé afin d' illustrer son propos écologique, mais ne faisant référence à aucun dieu connu.
Ce n'est pas l'un des moindre intérêt des films d'animation japonais , en plus de nous transporter dans des univers complexes, fantastiques ou hyper réalistes, le tout dans une réalisation de qualité, que de nous immerger dans une culture asiatique si particulière dont nous sommes tant éloignés par bien des points.
Déja dans Porco Rosso, le réalisateur avait choisi pour décor l'Italie, mais ce trés bon film semi-réaliste dans sa forme et dont le propos intégrait un contexte historique connu avait d'entrée de jeu été mis un peu à part du reste de la filmo, d'avantage axée sur le fantastique. Dés lors, comment pour Miyazaki intégrer dans ses films sa passion pour la vieille europe (et les vieilles machines) tout en gardant une sorte d'unité dans son propos et faire en sorte que son public s'y retrouve ?
A considérer que sa notoriété croissante lui ait permis de sortir des frontières de son pays, et c'est le cas, ceci n'explique pas, bien au contraire, que celui-ci se sente plus libre de proposer à un public occidental des histoires/images où ce dernier se reconnaisse davantage. Quel intérêt ?
Et c'est là que la première critique peut arriver : Miyazaki l'artiste fait-il dorénavant des films pour un public, au lieu de les faire avant toute chose pour lui-même ?
Le Fait que ce dernier film soit une adaptation d'un roman anglais donne sans doute une première explication, mais le réalisateur a t-il bien négocié ce rapport aux cultures ?
Un film pour enfants ?
le lien complexe avec le voyage de Chihiro
Haiku/Haurou,
Le dragon volant maudit/le prince oiseau perdu dans les limbes
La sorcière de la maison des bains que l'on appelle mamie à la fin du film/ la sorcière des landes transformée en mamie..
Les bonnes et mauvaises sorcières...
Une galerie de personnages typés, des sensations de déjà-vu avec Chihiro entre autre qui font se demander si ce dernier film est effectivement le chant du cygne d'un réalisateur qui tire sa révérence (comme certains journaux l'ont annoncé), ou bien un rappel des épisodes précédents, sorte de baroud d'honneur avant de passer à autre chose, puisque l'auteur affirme étrangement vouloir s'adresser dorénavant davantage aux enfants. Ce qui est curieux tant la sensation première suite au visionnage du film est une sensation de classissisme. (une histoire de prince et princesse) dans des décors de Grimm (villages hollandais, palais...), appuyée par un happy-end du même tonneau. (un épouvantail changé en prince charmant grâce au baiser d'une princesse).
Dés lors, on se dit, mis à part les scènes de bombardement, singulièrement plus réalistes, que ce film est plus ouvertement destiné aux enfants. ... Et c'est surement là que l'on se trompe.
Car à bien y regarder, il n'y pas que les scènes de bombardement qui sont ambivalentes. La simple réponse de Haurou à la question : “ennemis ou amis ?“ lorsqu'il voit un bombardier dans la prairie, : “ils partent tous les deux faire la guerre“... suffit à commencer le recensement, et les dialogues donnent la clef de ce ton résolument plus critique et cynique que dans les précédents films cités plus haut. Miyazaki ne fait pas encore du Takahata, mais une sorte de désir de réalisme s'installe doucement...
Des apparences trompeuses, des pistes brouillées
Pourquoi la (gentille ?) sorcière du palais convoque telle Haurou alors qu'il a déjà commencé son combat contre la furie humaine ? pour mieux l'empêcher ? Est-elle si gentille que cela, elle qui présente bien mais mais qui n'hésite pas à rendre infirme sa collègue sorcière ?
Et sa simple phrase de la fin : “nous allons nos généraux afin de faire cesser cette guerre“ est-elle crédible ? Pourquoi ne l'a t-elle pas fait plus tôt si cela était si simple ?
Il y a comme du cynisme qui sourde dans ces dialogues et ce n'est pas la fausse happy-end qui dit le contraire. Là où au premier abord on voit un épouvantail changé en prince héritier de la couronne qui, sûr de lui part changer le cours du conflit, ne nous montre t'on pas plutôt un rigolo de service, une marionnette titubante (qui a sauté , sans cervelle d'ailleurs durant tout le film) qui s'en a, en sautant encore, vers un chemin tourmenté ?
Comment ce simple personnage pourrait-il arrêter une guerre ? Le pouvoir n'est pas là mais ailleurs semble nous dire Miyazaki : entre les images. Et il y a plus de chances que ce prince là se fasse décapiter par les dictateurs plutôt qu'il renverse quoi que se soit.
Et la montée des marches du palais ? Quelle montée a été aussi longue, aussi laborieuse, aussi peu équivoque. Une dénonciation des abus de pouvoirs se pouvait elle être plus clairement dite ?
Ah, cette fameuse sorcière des landes que tout le monde semble connaitre dès le début du film, sauf nous, spectateurs, et qui terrorise tout le monde. Il suffit d'une montée de marches, et quelles marches ! pour non seulement ridiculiser le personnage, mais le faire prendre aussi à la fin en pitié...avant sa “trépanation“ finale.
N'y a t'il pas plus cruelle mise à mort ?... mieux vaut abdiquer parfois que de foncer dans le mur semble t'on nous dire. Et après tout , était-elle si méchante que cela cette sorcière ?
Miyazaki là encore nous a mené en bateau, et le vrai tyran reste à venir. Celui qui ridiculise jusqu'à son chef d'armée, général d'opérette en habit d'apparat qui ne fait finalement que traverser un palais de long en large, son bruit de bottes étant son seul pouvoir..; et d'ailleurs Haurou ne s'y trompe pas lorsqu'il devient son sosie.
Mais quelle importance ? un général d'opérette est interchangeable semble encore nous dire le réalisateur.
Bref, il y aurait tant à dire...
Miyazaki a vraiment raison, lui qui nous dit qu'il veut dorénavant s'adresser à un public plus jeune. A l'évidence, ce dernier film s'adresse encore bien aux adultes et un seul visionnage ne suffit pas à tout percevoir dans ce Château ambulant à deux vitesses, plus hermétique qu'il n'y parait. Car quand bien même celui-ci ouvre ses portes sur différents univers, il nous reste à décrypter chacun d'entre eux et surtout trouver une interprétation à l'histoire entière.
... A voir et à revoir donc.
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