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lundi 7 juin 2021

Mille vie de plus : pas nécessaire pour une BD espagnole au top !

Un album "autobiographique" exemplaire, solaire, même si grave. Toute la force de la bande dessinée espagnole s'exprime dans ce titre paru paru en mai 2020, augmenté de 38 planches et un appareil critique.

14 avril 1931 Madrid : le jeune Miguel Nunez, accompagné de son père, au milieu d'une foule populaire dense, se rend à la Puerta del sol, célèbre place de la capitale pour fêter la fin annoncée de la monarchie, et l'entrée en République. Si cette euphorie ne va pas durer, c'est pour lui, fils de communiste, le début d'un engagement sans faille. 1932 voit le soulèvement du général Sanjurjo, puis novembre 1933 l'arrivée au pouvoir de la droite la plus réactionnaire. Il faut attendre 1936 pour que le front populaire ramène, non sans lutte, un vent d'enthousiasme, mais celui-ci est rafraîchi par une tentative de coup d'état. Miguel et ses amis, engagés au sein de la fédération universitaire scolaire, font partie des forces loyales à la
République, et se lancent dans une résistance armée qui se transforme en guerre civile. Parce qu’ils considèrent leur engagement autrement qu'uniquement sous un angle militaire, ils créent les milices de la culture et éditent même une BD ou parrainent un atelier de couturières. Seulement, en tant qu'opposants à un régime fasciste qui ne dit pas son nom, ils sont non seulement combattus, mais aussi traqués, et lorsque capturés : emprisonnés, torturés et souvent exécutés. Torturé, lui va l'être, à plusieurs reprises, dans de nombreuses prisons et va cumuler 17 années d'emprisonnement, entrecoupées de fuites, d'active implication dans les réseaux de résistance au régime franquiste. Enfin, en 1977, le parti communiste est légalisé, et il va être élu député pour cinq ans. Une continuité d'engagement, plébiscitée cette fois-ci.



Miguel Nunez est une figure du communisme espagnol et surtout de la lutte contre le franquisme. Son engagement politique sans faille, mais aussi celui, plus social et culturel, au sein de l'association espagnole pour la coopération avec le sud, qu'il crée en 1982 pour venir en aide aux populations du Nicaragua, ou bien encore celui de la mémoire, en 2004, avec l'Amesde, pour sauver de l'oubli les combats antifranquistes, auront marqué toute sa vie. S'il décède relativement paisiblement même si de poumons maltraités lors de son séjour comme travailleur réfugié, sous un faux nom, en 1949 dans les mines de silice de Nemours en France, il aura pris le temps d'écrire ses mémoires : la révolution et le désir, dont se sont inspirés Pepe Galves, qui l'a connu, et Alfonso Lopez. L'un est un scénariste de talent, spécialisé dans le polar, et grand connaisseur du neuvième art. Son implication sincère a été telle qu'elle a participé sans aucun doute à l'obtention par la généralité de Catalogne du prix national de la culture pour la première édition de Mille vies en 2011. Mais que serait ce superbe album aux qualités humanistes historiques et pédagogiques (24 pages bonus impeccables de notices en images, biographies, bibliographie...) sans le talent d'Alfonso Lopez ?

Ce dessinateur assez peu connu en France révèle ici sans aucun doute possible toute l'étendue de son talent. Avec un noir et blanc légèrement charbonneux, réalisé à la plume et au pinceau, s'exprimant dans des planches de hauteur trois cases maximum, mais le plus souvent deux ou en pleine page, il s'impose comme l'un des plus grands dessinateurs de son époque. Fluidité des courbes virevoltantes, aplats puissants, expressivité des visages, impressionnisme des scènes difficiles, pour mieux les évoquer. Fernando Lopez rend même, avec une poésie rare, dans un genre plus jeunesse, la fin de vie du "héros", grâce à une scène de dernier rêve émouvante.

Un ouvrage comme celui-ci illustre dans son propos avec clarté les valeurs de l'humanisme, et au niveau de sa forme, l'excellence dont peut être capable un éditeur. Il se trouve que les éditions Otium défendent des causes et des auteurs engagés, or, en 2021, nul besoin de préciser que les engagements citoyens sont plus que jamais nécessaires. Car, comme l'évoque une des citations de Miguel Nunez reproduites en fin d'ouvrage : "l'humanité, à défaut de transformer radicalement le système qui le gouverne, court inévitablement vers son autodestruction". Transformez nos vies en achetant cet album ! 



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Mille vie de plus, par Pepe Galves, Alfonso Lopez, d'après les mémoires de Miguel Nunez
Éditions Otium (20€) - ISBN : 979-1091837224
Paru en mai 2020. 

 

Un tiré à part franco de port !

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