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dimanche 3 novembre 2024

Les derniers jours de Robert Johnson et une vision du Blues du Delta.

Les titres BD consacrés au Blues folk et du Delta du Mississipi n'ont pas cessé de paraître depuis une vingtaine d'années, avec plus ou moins de succès, le rythme s'accélérant ces dix dernières, avec deux auteurs s'étant fait remarquer dans le genre, et un trait, avouons-le, bien charbonneux et adapté : Frantz Duchazeau et Mezzo. Ils ont fait sensation chacun avec de beaux ouvrages, publiés dans des formats et qualité remarquables, mais d'autres albums méritent aussi le détour. On citera, rétrospectivement :


Bluesman de Rob Vollmar et  Garcia Callejo
(2004-2006)


Conquistador de George Van Linthout (2005)
Me and the Devil Blues de Hakira Hiramoto (2008)

Le rêve de Meteor Slim de Duchazeau (2008)
Les jumeaux de Cocono Station, de Duchazeau (2009)
La ballade de Hambone de Igort (2009)
Mojo de Rodolphe (2011)
Lomax de Duchazeau (2011)
Love in Vain de Mezzo (2014)
Avery's Blues de Anguxx et Nuria Tamarit (2016)
Kiss the Sky, de Mezzo (2022)
Les derniers jours de Robert Johnson par Frantz Duchazeau (2024)



Concernant la figure mythique et influente de Blues folk : Robert Johnson, découvert au milieu des années trente et mort très jeune, à 27 ans, enclenchant le fameux club des 27, sa figure hante la plupart des récits ci-dessus, lorsqu'il n'est pas le thème central de l'album. En 2004, la trilogie Bluesman, si elle ne nomme pas l'artiste, préférant conter les déboires sur la route du guitariste Avery "Ironwood" Malcott et du pianiste Lem Taylor (imaginaires), évoque cela dit
beaucoup son fantôme et fait partie des très bons résultats, se plaçant en tête de la liste à l'époque, qui comptait alors et encore beaucoup Robert Crumb comme rare évocateur de ce genre d'histoire. On se souviendra en effet de son récit noir et blanc superbe de 12 pages sur Charley Patton (daté 1984) - l'un des maîtres de Robert Johnson - compilé par Cornélius au milieu d'autres références Blues, dessinées entre 1975 et 1990, dans l'album Mister nostalgia paru en 1998. Ce récit sera réédité en 2004 dans le volume 3 de la collection BD blues des éditions Nocturne,
en couleurs.


En 2008, deux bouquins différents content ce qui ressemble à la vie du personnage : un manga : Me and the Devil Blues, franchement titré avec le nom d'une chanson du bluesman, et son portrait en couverture, et Le Rêve de Meteor Slim, superbe ouvrage fournit avec un somptueux 25 cm réalisé par les Moutain Men, et reproduisant le son sensé être joué dans le livre. Si là encore, RJ n'est pas nommé, il fait peu de doute que son alter ego Meteor Slim lui doit beaucoup, jusqu'à la fameuse scène de l'enregistrement d'un disque dans la chambre d'hôtel. Un must have, réédité depuis, plaçant Franz Duchazeau, qui va réitérer avec d'autres histoires blues du même tonneau, dans le top du genre, à savoir dessin sublime et propos de gourmet.


 Cependant arrive Love in Vain de Mezzo en 2014, et là, on repart dans l'officiel. C'est dit, c'est signé, avec comme titre LE chef d'oeuvre du bluesman et un format à l'italienne magnifiquement rendu. 56 pages de bandes poétiques à la tonalité ouvertement fantastique, flirtant avec l'anecdote du diable croisé sur le croisement de routes. 1/1 au score. A noter que quatre ans plus tard, Glénat proposera une superbe réédition grand format carré, avec nouvelle couverture et surtout un vinyle à l'intérieur. Gasp. 


Mezzo enchaîne 8 ans plus tard avec le tome 1 de Kiss the Sky, consacré à Jimi Hendrix, et délivre un superbe album Noir et blanc nous plongeant dans les années cinquante blues et Rhythm'n’Blues, puis Duchazeau remet le score à zéro avec sa propre bio de l'artiste Robert Johnson cet automne 2024. Un album complet, de 236 pages, axé sur ses dernières années, dans le style superbe qu'on lui connaît.Traité de manière beaucoup plus réaliste, abordant des errances avec son ami et collègue musicien, ce dernier se permet quand même un clin d'œil "mise en abîme" à Meteor Slim, en page 193, évoque le fameux Crossroad d'un point de vue assez original, et s'achève avec sa mort, en août 1938, et l'hommage émouvant qui lui est rendu par John Hammond, organisateur de la soirée "From Spirituals to Swing" le 23 décembre au Carnegie Hall de New York, auquel l'artiste devait participer.
Une nouvelle référence incontournable.
 
Les derniers jours de Robert Johnson par Frantz Duchazeau
Editions Sarbacane (29,90€) - ISBN : 978237731853

 


Ecouter le podcast RadioFrance consacré à cette soirée historique de 1938 :

https://www.radiofrance.fr/francemusique/jazz-au-tresor-from-spirituals-to-swing-carnegie-hall-1938-39-5005131




mercredi 23 octobre 2024

Un dromadaire dans la forêt : la bosse de la réussite.

On ne remerciera jamais assez les médiathèques pour offrir la possibilité de lire des ouvrages que l'on aurait sinon manqués. C'est le cas de ce Dromadaire dans la forêt, de Mikaël Mignet et Oz Bayol, récents venus chez l'éditeur stéphanois Jarjille fêtant en 2024 ses vingt années de publication.

Repéré grâce à sa belle couverture colorée, l'ouvrage, dessiné semble t-il sur un papier spécial, confirme à l'intérieur la première impression avec des pages sublimes, au dessin fin, à peine encré, tout de traits verticaux représentant les arbres de la forêt où se déroule une grande partie de l'histoire. Les couleurs étant réalisées à l'aquarelle, sur un papier Canson duquel ressort le grain. Une technique digne d'un ouvrage de belle qualité, utilisée ici sur un scénario maitrisé dans une thématique thriller au parfum d'actualité socio politique bien vue et bienvenue, mettant en exergue la folie paranoïaque liée à l'immgration. Si certains voient un dromadaire en forêt francaise, alors pourquoi ne pas voir des hordes de radicalisés enlevant nos enfants ? Mikaël Mignet, dont c'est la troisième bande dessinée a déjà collaboré avec Oz Bayol en 2021 à l'occasion de Débits, un des titres de la collection Sous Bock de l'éditeur. Dans ce bel album, il délivre un ton juste, posé, où l'humour est cependant omniprésent, et le thème pourtant dramatique tenu jusqu'au bout. Une totale réussite, chaudement recommandée qui sera primée, sans aucun doute.

Un dromadaire dans la forêt, par Mickaël Mignet et Oz Bayol
Editions Jarjille (25€) - ISBN : 978249364917

vendredi 20 septembre 2024

Le toine : l'album ! (hommage à Rob Ellias)

Dimanche 22 septembre, à l'occasion du 14eme festival BD d'Ambierle, lancement d'une souscription pour un album BD consacré au personnage local truculent du Toine

J'ai eu en effet l'honneur d'accompagner sur 7 épisodes, entre 2004 et 2023, en tant que scénariste dans le journal BD Guère épais, ce personnage truculent créé par Rob Ellias, ami qui nous a quitté en juin dernier, à l'âge de 78 ans. Il était question de publier cet album lors de la finalisation de notre dernière histoire en 2023, mais le destin en a décidé autrement. C'est donc un album BD hommage, rassemblant l'intégralité des histoires du Toine, dont la dernière, reprise/dessinée finalement par Alain Bonvin, que j'auto-édite en fin d'année sous la forme d'un album broché de 48 pages, avec de nombreux inédits. Les amis de Rob et amateurs du Toine auront l'occasion de souscrire en avant-première à celui-ci, dès cette fin de semaine pour les plus rapides. Je serai présent quoi qu'il en soit dimanche au Festival BD d'Ambierle, sur un stand, afin d'échanger à ce sujet avec tout un chacun. J'aurais aussi avec moi quelques-uns des tous derniers exemplaires de mon carnet de Stockholm Vas-y à Vasa!. A vous rencontrer ! 

Photo de couverture pas tout à fait contractuelle. 

Ci-dessous le bon à télécharger afin de souscrire, si intéressé. 



lundi 16 septembre 2024

Connaissez-vous Le Masque d'argent ?


Les amateurs et collectionneurs de BD connaissent sans nul doute Blason d'argent, créé en 1957 dans Coeurs vaillants par Guy Hempay, et dessiné par trois artistes avant d'être repris par Guy Mouminoux en août 1959 et finir en 1968 dans J2 jeunes. Mais...connaissez-vous Le Masque d'argent !? 

De son vrai nom : Ramon de Sizala, jeune fils de propriétaire d'une Hacienda, se cachant sous l'apparence du Masque d'argent pour régler des affaires injustes.

Ce héros d'un étrange western, se déroulant à Cartagène des Indes, en Amérique du sud, au début du 19e siècle, n'a eu droit qu'à trois récits dans les numéros 989, 1026 et 1042 de Tintin en 1967. Il a été créé et dessiné par Fernand Cheneval (1918-1991), ayant produit un nombre considérable d'histoires courtes pour le journal Tintin entre 1957 et 1966, mais reconnu aussi comme créateur et éditeur du fameux journal BD belge Heroïc albums de 1945 à 1956.

Les scénarii de Fernand Cheneval et ses découpages sont d'un bon niveau pour l'époque, et l'on sent ici la maîtrise d'un auteur de BD classique aguerri. Son dessin, puisqu'il est maître de bout en bout sur cette mini "série" fait montre aussi d'une belle maîtrise, et pourrait s'apparenter à bien d'autres collègues des revues de l'époque, tels Piroton, Hermann, voir Jijé par moments. Dans tous les cas, les habitués du journal Tintin ayant déjà pu lire certaines de ses courtes histoires historiques - que l'on pourra comparer en partie dans l'esprit (quoi qu'un peu plus modernes dans le ton) aux "Belles histoires de l'once Paul" débutées en 1951 dans le journal concurrent Spirou - apprécieront de découvrir ce Southern à la Zorro. Une rareté non rééditée dont je vous partage deux des trois épisodes. 

 

















 

vendredi 23 août 2024

Vas-y à Vasa : mon carnet de voyage à Stockholm

Paru d'abord le 25 décembre 2023 en édition ultra limitée familiale sous forme d'un Leporello, ce carnet de voyage retrace notre trip dans la capitale suédoise en 2022, où nous avons rejoint, ma femme, ma deuxième fille et moi, notre première fille Laureline. Celle-ci a habité en effet six mois à Umea, au nord est du pays, dans le cadre de sa fin d'études. Un voyage qui n'aurait sans doute jamais vu le jour hors de ces conditions.

C'est pourquoi j'ai décidé à notre retour, durant l'été 2022, en cette fin de crise Covid 19, de coucher mes impressions sur papier, à l'aide de dessins, de photos et de textes. Un travail d'après photos qui m'a pris pratiquement un an, et que j'ai offert sous une forme originale à mes proches.

Le temps passant, j'ai néanmoins ressenti une légère frustration à ne pas avoir de retour sur ce travail de longue haleine. 


Une seconde édition limitée à 25 exemplaires, sous une forme plus courante a donc été imprimée dans la même petite maison artisanale située à Saint-Haon-le-Châtel chez "Paysage nuage voyage" et mis en vente fin juin dans trois librairies roannaises, ainsi qu'à disposition via mes comptes Facebook et Instagram. Une soirée discussion a été aussi organisée le jeudi 20 juin au soir à la librairie spécialisée ContoirBD.

Voilà ce à quoi ressemble ce carnet. N'hésitez pas à me contacter si cette expérience de lecture vous tente.



 



samedi 11 mai 2024

Le génie de la bouchère en-castillée (Mes cases en stock 10)

Ces deux albums souples parus chez l'An 2, maison d'édition de Thierry Groensteen, ont vingt ans et passent l'épreuve du feu, méritant d'être redécouverts. 


Une femme nage au milieu des flots noirs, suivie (apparemment) par un autre individu, féminin semble t-il, avec qui elle converse, mais que l'on ne verra pas, cachée par les vagues, jusqu'à ce que "la bouchère" comme elle se surnomme elle-même, aborde un rivage abandonné. Sans doute se parlait-elle à elle même. Ce n'est pas la chose la plus étrange que l'on va découvrir au long de ce récit. Déballant de son corsage et de sa tenue à fraise datée XVIeme siècle, un lot de petits couteaux, elle les examine lorsque survient un animal bizarre, tenant autant du mouton que du lion. Voulant l'occire afin de le manger, ce dernier l'en empêche, arguant - car il parle - qu'il n'est pas comestible. Tout deux vont se mettre en marche au milieu de la nuit et rapidement croiser la route, d'abord de deux pêcheurs pas très futés, (un peu "aveugles"* !?), puis d'un moine de la sainte Inquisition. C'est là que vont, pour tous, commencer les vrais problèmes... 

 



Jeanne Puchol, lorsqu'elle aborde cet étrange récit, a déjà un beau parcours d'autrice de bande dessinée, débuté en 1983 avec Ringard aux prestigieuses éditions Futuropolis (ancienne formule). Elle cumule une dizaine de bonnes publications et des récits ou dessins dans la presse et les fanzines. D'ailleurs, cette bouchère a connu un début de prépublication dans PLG, un des doyens des fanzines hexagonaux encore en activité alors, dans ses numéros 36 et 37 de 1999. L'album Chimères publié cette même année a aussi déjà évoqué cette ambiance de fable onirique, ainsi que le même genre d'animal façon "Agnone" de Guido Buzzelli (Voir ce titre). Si Paul Claudel est cité dès les premières cases d'un récit oscillant entre plaisir littéraire, (par le biais d'autres citations bien choisies et d'une verve fleurie), fantastique et dénonciations diverses, on y verra aussi l'hommage à des maîtres de la bande dessinée tels Buzzelli donc, mais aussi la folie douce de Fmurr, tant cette bouchère pourrait être une Jehanne. (Les fameux moutons "des alpages" ne sont-ils d'ailleurs pas présent dès la couverture ?)


On pensera aussi, dans cette Castille perdue dans le temps, à Cervantès, tant l'âne de la couverture, en portant deux autres sur son dos, évoque son Don Quichotte. Abordant à la fois les thèmes du féminisme, de la religiosité, de la bêtise, des croyances, du pouvoir, des syndicats (les guildes ici)... thèmes tenant à coeur de l'autrice ; faisant jongler les mots avec malice et talent, Jeanne Puchol nous régale de plus d'un trait noir fluide rappelant par moment le grand Alexis, et d'un encrage succulent. Les scènes du début, dans les vagues, et celle du théâtre à la fin du premier tome étant à cet égard d'une richesse prodigieuse. Certains à l'époque ont pu trouver à redire de ce diptyque, par manque de sensibilité et sans doute à cause d'un bagage culturel insuffisant ; je gage cependant qu'à s'y repencher, beaucoup d'amateurs y trouveront une originalité peu comparable et une source de joie certaine. Culte donc ! 

FG

(*) Référence aux "Aveugles" de F'murr (Casterman 1992, pré publié dans la revue ...A suivre !. Voir aussi sa série BD culte Le génie des alpages (Dargaud, 1976-2007)

Haro sur la bouchère
et la bouchère au bûcher, par Jeanne Puchol.
Éditions L'An 2, 2003 et 2004. 

 


vendredi 1 mars 2024

Ecole de musique de Riorges Bourg : un air de nostalgie issu des années trente.

Ils ont aujourd’hui la cinquantaine ou bien plus, et se souviennent des heures qu’ils ont passées dans les années soixante-dix et quatre-vingt au sein de cette vieille école de musique au bourg de Riorges, ayant accueilli jusqu’à 300 élèves et qui fut le tremplin du centre musical Pierre Boulez.

Mais combien savent encore que cette association fut créée le vingt avril 1933 à la salle municipale des Canaux !?
Ci-dessus, l'école des Canaux en 1947.

L’idée en revient à « un fervent de musique : Mr. Louis Robin, installé aux Canaux depuis 1911, (qui) avait toujours rêvé de propager cet art au maximum, et le 5 de la rue de Vichy où il habitait avait vu défiler déjà bien des boîtes à violon ». Nommée officiellement « Groupement musical de Riorges » l’association fut administrée entre autre à l’origine par sa fille, violoniste passionnée riorgeoise : Denise Robin ; lui en étant administrateur général. Au poste de trésorier : Mr Massacrier ; comme secrétaire : Mlle Lucienne Soisson. On note aussi la présence d’un « archiviste » le « modeste et brave » père Troncy, qui se « montra particulièrement efficace » afin, par le truchement de membres honoraires, à subvenir aux premiers frais d’organisation. Ce sera plus tard le père Vallières, « encaisseur zélé, qui fera un très appréciable recrutement ». (NDLR : il ne s’agit pas pour autant de gens d’église). Des cours de solfège et violon commencèrent : 56 élèves étaient alors inscrits. Une première audition eut lieu le 22 juillet 1933 à la salle Rejony du Bourg. En fin de programme se présentèrent, fraîchement sorties des Conservatoires de Saint-Etienne et de Lyon, avec leur prix et faisant leur début dans l’enseignement : Denise Robin et Madeleine Tête (1) . Ainsi commença une longue collaboration.

L’école va se développer peu à peu et voir grandir son nombre d’élèves ainsi que son niveau. Elle traversera la période mouvementée de la guerre, participant dans la mesure de ses possibilités aux manifestations organisées alors en faveur des réfugiés, des vieillards, de tout ceux qui souffrent. L’importance de l’école grandissant chaque année, son effectif ayant doublé, il fut procédé en 1955 à diverses modifications, dont le changement de nom, devenant « Ecole de musique » (de Riorges Bourg.) Son bureau fut renouvelé et le local de la rue Carnot aux Canaux devant être abattu, l’école dût trouver un nouveau local. En 1964, Mr Girard, ancien maire de Riorges, laisse une grande salle au rez de chaussée de la mairie, à l’emplacement de l’ancienne poste. Le préau des filles du groupe scolaire Beaucueil fut aussi transformé pour un soir en salle de concert.

(Extraits réadaptés d’un article paru dans le bulletin municipal N1 de la ville de Riorges, 1967).

Enfin, elle déménage à Riorges bourg, en 1973, dans l’ancienne école communale, aux côté de l’ancienne mairie, au même moment quasiment que commence le projet de réhabilitation du parc Beaulieu. Le bâtiment principal est divisé en deux parties au rez-de-chaussée , auxquelles on accède par un petit couloir, tandis qu’un escalier sur la droite mène à l’étage. Au fond à droite au rez de chaussée, on accède à la salle principale de solfège et de cours de piano. L’ambiance est studieuse et « à l’ancienne ». les élèves sont assis sur des bancs, devant les tables d’écolier en bois. On apprend le solfège (on ne parle pas encore de « formation musicale »), et régulièrement, la dictée musicale effraie celles et ceux ne pratiquant pas le piano. En effet, Jo joue un air en essayant de cacher au mieux ses mains, mais les élèves ne pratiquant pas l’instrument ne peuvent copier et décryptent laborieusement les mélodies. On y passe aussi les examens de chant, installés debout face au bureau du professeur et à un pupitre, mais surtout à une partition dont on doit chanter les notes en les nommant. Terrible souvenir là encore. Au fond à gauche du couloir : une marche nous permet d’accéder à une petite salle carrée, salle d’attente pour une autre salle souvent fermée, où se pratiquent les cours de violon. A l’étage, deux salles plus grandes : une à droite en haut des escaliers, réservée aux cours de flûte traversière, et à gauche, une autre grande salle où des cours de clarinette voire de solfège parfois sont assurés par Jo Parinello.

Les cours ont lieu surtout le mercredi, mais aussi en soirée, après l’école. Jo Parinello, professeur de clarinette et accordéon assure l’essentiel des cours de solfège. Ce jeune instrumentiste fraichement diplômé a créé l’école de musique de Charlieu avec sa sœur Cathy (aujourd’hui Valorge), en 1974 ; sœur qui s’en occupe toujours. Il a débuté à l’aube des années soixante-dix dans des orchestres de variété au synthétiseur (Inf’Trouble, Cadence, Flashdance, So Chic…) et a été l’élève de Bernard Forest, aussi accordéoniste et clarinettiste domicilié à l’époque à Pradines. C’est lui qui lui a donné le goût de ces instruments. Jo Parinello fondera en 1985 sa propre école de musique à Roanne. Parmi les autres professeurs de cette époque plus proche de nous, citons : Christian Ballansat (flûte traversière depuis 1973), madame Joanin (violon), Annick Foriot : piano ; madame Dinet (violon) ; Mlle Vignant (piano) ;Mr Jean Bardon : guitare classique ; Mr Servajean Christian : piano, Madame Meunier, institutrice et professeure de chant choral : bras droit de Mlle Tête. 

Ci dessous à droiite : Jo Parinello, lors du camp à Bully, en 1983, dans la grande salle du rez de chaussée. (Photo archives famille Guigue) 

Les examens se déroulaient dans la salle du bas, et des jurys assistaient les professeurs. Mlle Marthe Henri, professeure de violoncelle à Roanne et de maths au Lycée Jean-Puy, en faisait partie. Tout comme monsieur Déchelette, professeur de solfège, et clarinettiste. Les concours de fin d’année avec remise de prix, après être passés à l’hôtel de ville, finirent par se dérouler au gymnase Galliéni, inauguré en 1975. Les prix étaient pour la plupart des livres. On montaient les uns après les autres, à l’appel de notre nom, pour les recevoir. Une étiquette à l’intérieur dudit livre mentionnait la « note ». Au début des années quatre-vingt, le second bâtiment sur la gauche (ancienne mairie) sera aussi utilisé par l’association, avec une grande salle en haut des escaliers, où la flûte entre autre, sera pratiquée. Madeleine Tête, alors âgée de soixante-dix-ans, et directrice principale appréciée de tous, sera contrainte par son âge à laisser sa place à Jacques Boyer, professeur de musique au collège de Riorges Albert Schweitzer, à la rentrée 1982-1983. Les Palmes académiques lui auront été délivrées entre temps au gymnase Galliéni lors d’une cérémonie officielle le 22 mars 1981, avant une retraite bien méritée. Elle laissera un souvenir agréable mémorable à des centaines d’élèves ainsi qu’aux professeurs.

En février 1983 eu lieu le premier camp musical à Bully, sur plusieurs jours, dont beaucoup se souviennent émus des dortoirs de ce grand bâtiment centre de vacances et des jeux en extérieur sur le mini stade cimenté en terrasse à l’entrée du village. Puis l’école déménagera alors une dernière fois en 1989, afin de rejoindre le dit collège, pour ce qui deviendra le Centre musical Pierre Boulez, toujours géré par la même association. D’une école communale, l’association resta donc aux côtés d’un autre établissement scolaire, du second degré cette fois-ci. Une autre époque, mais des noms, des visages et des souvenirs inoubliables.

Franck Guigue

(Ancien élève flûtiste de 1977 à 1984). 


Jacques Boyer et des parents à la corvée patate, camp de Bully, 1983.
A droite au fond : l'élève violoniste Lautent Grégoire.


Cet article n’aurait pu être finalisé sans l’aide précieuse des archives d’Hubert Aupol (roannais puis saint-albanais, très impliqué dans le tissu associatif depuis février 1979, et entre autre trésorier du Gamec), celles de la ville de Riorges et l’aide de Laure Tolin et Sylvain Goutaland, et les témoignages de Jo Parinello et Christian Ballansat. professeurs.

Autres sources :

(1) Article sur Maurice Tête du 22 mai 2014 , sur Forez-info.com. Texte extrait de l'opuscule édité à  l'occasion de l'exposition consacrée à  l'artiste en 2013, conçue par l'association " Au Temps de Louis Caradot". https://www.forez-info.com/encyclopedie/le-saviez-vous/21255-maurice-tete.html

(2) Interview de Jean-Pierre Gilfaut, à l'origine du (re)lancement de l'association Les Enfants de la Côte (la société de musique datant de 1889), et fondateur du Printemps Musical en Pays roannais, le vendredi 25 mai 2018 dans l’Essor par Béatrice Perrod-Bonnamour.

 Madeleine Tête (21 juillet 1907 - 1er juillet 2001) en 1958.
L’une des trois filles de Maurice Tête, peintre local reconnu, pianiste diplômée de talent, elle devint vite directrice de l’école de Riorges (déjà en 1968), y consacrant pratiquement toute sa vie, en tous cas sa carrière. (Photo : archives Riorges).

Palmes académiques, 1981 Riorges
Photo : Charles Revon (archives mairie de Riorges).


Cet article complet a connu une version trés résumée dans le Pays roannais du 29 février 2024.