Sur le forum de Raymond, on parlait récemment de nos lectures de Bande dessinées de l'année écoulée, et le débat a rapidement glissé sur le vote de Bedetheque pour les BD les plus significatives de 2009. La discussion était intéressante...
Quelques titres dont vous avez peut-être entendu parler sortaient du lot évidemment, dont :
Blast
de Manu Larcenet (Dargaud 2009)
C'est sans conteste un pas supplémentaire dans l'approche d'une littérature graphique décomplexée. Manu Larcenet nous avait habitué à des bande dessinées de facture un peu plus classiques dans la forme, mais de qualités déjà exceptionnelles.
Basés en majorité sur l'humour les albums de Larcenet arrivaient à nous faire rire ou sourire dans un (des) univers très personnels et originaux, surfant sur la science-fiction (Les entremondes), L'enfance (Les cosmonautes du futur), le milieu rural et la famille (Retour à la terre, le Combat ordinaire)... toujours avec une petite note d'absurde qui le caractérise au final...
Aussi, lire "Blast" malgré l'avertissement de la couverture, au tons et au format un peu "différents", s'impose vite comme une évidence, une sorte de révélation... :
Larcenet est passé à autre chose.
Finie la couleur... (quoi que les incrustations bienvenues de dessins d'enfants au travers de certaines planches en mettent un peu), finies les histoires aux cases bien rangées, et aux strips ou histoires cadrées.
Place à de l'étrange : noir, glauque, inquiétant... très visuel (certaines planches montrant un ou des dessins pleine page, au style graphique trés travaillé.)
On pourrait se dire que Larcenet a du faire ses armes du noir avec les Réveurs, un de ces éditeurs... sur des titres comme Ex abrupto... ou bien avec "Chez Francisque" (Fluide Glacial), où il a déja abordé des thèmes plus sombres, plus "sociaux", dans sa définition de classe (basse, ou polulaire).
Bref, Polza Mancini, cet homme obèse au nez pointu (comment ne pas penser à De Crecy avec ce personnage mi homme mi-oiseau) qui raconte son histoire aux deux flics l'interrogeant à propos du crime de Carole Oudinot n'est pas là pour rigoler... tout comme son créateur. Et ses souvenirs, mélangés à ses hallucinations (semble t-il) nous donne à voir une réalité de la France d'aujourd'hui, en ce qu'elle a de plus triste et sombre.
204 pages ne réussissent pas en tous cas à assombrir le tableau au point de lâcher prise, et on ressort de ce premier tome (l'histoire devrait en compter cinq) plutôt enchanté, et convaincu du sérieux et de l'avenir de l'entreprise.
Blast se positionne vraiment comme une nouvelle référence dans la production de plus en plus pléthorique des romans graphiques. Je le vois comme un repère important et stimulant pour les très jeunes auteurs et un phare pour tout public s'intéressant un minimum à la littérature, et au... graphisme.
> Voir une interview filmée de l'auteur de sept minutes à propos de Blast.
Martha Jane Cannary T1 & T2
de Matthieu Blanchin et Christian Perrissin (Futuropolis 2009)
Comment rester objectif face à cet album lorsque l'histoire de l'ouest américain et la colonisation de ses grandes étendues vous passionne, tout comme l'histoire des peuples indiens depuis votre enfance ?
Je n'avais rien lu jusqu'à présent de Matthieu Blanchin, ni de Christian Perrissin d'ailleurs, même si j'avais eu l'occasion de croiser par-ci par là certains albums comme le Val des ânes, de Blanchin, et j'avoue avoir été attiré d'abord par l'éditeur, la couverture, et le thème : la vie de Calamity Jane, de son vrai nom Martha Jane Cananary, la femme (bandit) la plus connue de l'ouest du XIXeme siècle.
Mais quelle surprise de découvrir un beau travail de littérature graphique une fois encore... même si le style est bien différent du précédent traité ci-dessus.
Ici, pas de prouesse noir et blanc avec couteau, flaque d'encre délavée ou que sais-je encore...juste un dessin, au crayon et à la plume, légèrement coloré à l'encre grise , et une écriture manuscrite.
Mais quelle maitrise dans les attitudes, les dialogues... on est subjugués à la lecture par la symbiose qui s'opère entre nos deux compères auteurs.
Certains pourront trouver ce dessin pas assez académique, pas beau comme du... Bilal, ou du ... que sais-je ? moi j'y ai trouvé des références plus modernes à d'autres auteurs "maison" comme Gregory Mardon, Remy Lucas, ou Nylso par exemple...qui traitent leur dessins de façon très désinhibée, à la fois nerveuse et douce, même si ici, Matthieu Blanchin ne joue pas sur les fusains et les hachures, mais plutôt sur le "coloriage à l'encre".
Toujours est-il que le traitement des personnages et des situations se fait avec beaucoup d'humour, et que ce dessin "brouillon", diront certains rend parfaitement justice pour moi en tous cas à cet ouest boueux, aux chemins tordus, à ces espaces vagues et immenses, ces colons et fermiers, pour certains miséreux et ces indiens que l'on commence à parquer en réserve et qui ressemblent tellement à des clochards.
Tout comme Wild Bill Hickok, sortant des latrines, en caleçon long, ébouriffé, et qui se jette dans la boue pour liquider tel un yakusa les jeunes intrépides qui ont osé le défier.
Tout est dit justement et montré de même,nous entraînant dans un ouest encore un peu sauvage (on est entre 1870 et 1876 pour le deuxième tome) plus vrai que nature, crédible et réaliste.
Les indiens, les vrais, les libres, on les voit, mais finalement assez peu dans le tome 2, ou de loin, et cela est sans doute mieux, car ils n'ont rien à faire mis à part massacrer les troupes de Custer en 1874, que de s'empêtrer dans cette descente aux enfer que subie malgré elle cette femme rurale, qui aura eu (au moins) pour elle de se faire faire un gosse par le grand Wild Bill Hickok, un soir de détresse, avant de devenir le hors la loi que l'histoire a retenu.
Cela sera conté dans le troisième (et dernier) tome. Et je l'attends avec impatience.
> Visitez le site de Matthieu Blanchin
> Le site de futuropolis
Salut Hector,
RépondreSupprimerAvant toutes choses, je te souhaite une bonne année 2010 !
Petite précision : Socrate le demi-chien n'est pas de Larcenet mais de Blain et Sfar ou alors tu parlais de "Mon chien comme preuve irréfutable..." de Larcenet chez 6 pieds sous terre.
Sinon, je suis d'accord avec ton analyse concernant Blast, un album vraiment très bon et très "nouveau" pour du Larcenet. Même si il avait déjà une approche différente dans les albums parus chez Les rêveurs (je pense en particulier à "Presque").
Le Martha Jane Canary confirme tout le bien qu'on pensait du premier album
Hello David ! Quel plaisir de te retrouver ! Et ... Oups merci pour la correction, et sorry : la collection poisson pilote "m'a tuer" comme dirait l'autre. Que deviens-tu ? Pas de ptit blog ??
RépondreSupprimerEn fait, j'ai relancé IDDBD il y a quelques semaines... mais seul. D'où un rythme BEAUCOUP moins soutenu qu'avant. Une petite chronique par semaine suffit. Les chroniques BD me manquait un peu trop et j'avais quelques bons trucs sous la main alors... Au plaisir sur IDDBD ou ailleurs (conférence bib-éco, salon, festival et j'en passe...) :-)
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