Affichage des articles dont le libellé est Delirium. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Delirium. Afficher tous les articles

samedi 1 mai 2021

Un peu de recul, vous dis-je, pour apprécier ce beau Panorama ! Michel Fiffe dépote chez Delirium.

Compliqué de dire pourquoi on aime un récit ou pas, une bande dessinée, un comics. Celui-ci aurait pu être édité dans les années quatre-vingt, tant il lui en emprunte le style graphique, noir et blanc, nerveux, underground, et que son récit de même semble tout droit issu d’un film de David Cronenberg ou d’un Lynch inédit, première période. Là, au sein de cette histoire d’un jeune couple qui s’est éloigné l’un de l’autre à cause de soucis de difformité monstrueuse se produisant de manière accidentelle, les empêchant de vivre normalement, le lecteur va être témoin de retrouvailles, de tensions et enfin d’une union surnaturelle.

Michel Fiffe est un auteur américain, quadragénaire, qui n’avait jusque là jamais été publié en français. Les éditions Delirium, fortes aujourd’hui d’un catalogue exceptionnel, fait de rééditions enrichies éditorialement de classiques peu connus des comics anglosaxons, anglais mais aussi américains, avec une prédilection pour les années 70-80, propose ce trésor plus moderne, daté juin 2020 et paru chez Dark Horse. Panorama est l’œuvre la plus récente de l’auteur, publiant habituellement chez des éditeurs plutôt « super héros », bien qu’il ait été mondialement remarqué avec sa série Copra, chez l’éditeur alternatif Bergen Press en 2014. Celle-ci sera d’ailleurs très bientôt proposée par Delirium.

Lire Panorama, c’est vivre une expérience émotionnelle forte, tant le récit surprend à la fois par sa liberté de ton, plongeant vite dans l’horreur, le gore même dés les premières planches, et poussant le lecteur dans ses retranchements. William Burroughs et son Festin nu ne sont pas loin, d’autant plus que l’on pense à une expérience vécue, tant le récit appelle une réflexion en urgence à la toute fin. Il s’agit sans doute de l’essai psychologique le plus dément qu’il m’ait été proposé de lire sous forme de bande dessinée, ce qui en soit, est déjà exceptionnel. Le dessin de Michel Fiffe fait de noir et blanc hachurés, mais aussi de belles formes géométriques anguleuses où le pinceau taille des noirs et blancs magnifiques pour qui aime le dessin, ravira de plus les pupilles averties.
Pour peu que l’on soit amateur de film d’horreur, de fantastique, que l’on aime l’art moderne, ou que tout simplement on apprécie les œuvres personnelles fortes, alors, ce comics passionnera. C’est une œuvre amenée à être culte, et d’ailleurs... elle l’est déjà, très certainement.


FG



Panorama de Michel Fiffe
Éditions Delirium (20€) - ISBN : 979-10-90916-84-5

 


 

dimanche 9 avril 2017

Judge Dredd : Démocratie !

Judge Dredd est un personnage de science-fiction créé en 1977 par John Wagner et Carlos Enquerra dans la revue anglaise 2000AD. La série décrit la cité Mega city one, Babylone de béton futuriste sombre et repliée sur elle-même, dirigée par des juges détenant tous pouvoirs, faisant régner l’ordre dans les rues, à bord de  leurs motos futuristes, à grand coups de matraques et de blaster. Une sorte de 1984 de George Orwell, puissance 10. Aux alentours de la cité, des régions désertiques, contaminées par la radioactivé de la grande guerre passée. Là vivent des mutants.
Le juge Dredd, l’un des plus célèbres dans son équipe, est cynique et presque sans pitié, comme la plupart de ses collègues, 

40 ans après ses débuts (1), et alors que la série n’a jamais cessée d’attirer des auteurs, et que le titre perdure, avec plus ou moins de succès en Angleterre via ses revues, l’éditeur Delirium réédite de manière raisonnée les origines du Juge, ainsi que quelques uns des meilleurs épisodes de la licence*. Ce mois d’Avril, c’est au tour du volume intitulé « Démocratie » de paraître.



Dans cet album à la maquette encore très soignée, (mais à la couverture ne rendant à mon avis pas assez justice aux magnifiques planches couleurs de Colin Mac Neil) deux récits de 1990 et 2004, publiés originellement  dans les revues Judge Dredd megazine 1.01 à 1.07, et 2000Ad 1392 à 1399, puis un de 2014 (2000AD 1874-1878) nous sont proposés.  Leurs lien : le réseau « Guerre totale », qui a juré de se battre contre la politique répressive des juges, quoi qu’il en coûte.

« America » conte l’histoire d’une jeune fille portoricaine à qui les parents ont donné le nom de leur pays d’accueil. Et bien que l’Amérique en tant que telle n’existe plus, ce nom rappelle le rêve originel. America est une demoiselle indépendante, qui va choisir la voie de la radicalisation. Son copain d’enfance, Benny Bennett, n’a pas sa hargne, et va gouter aux joies de la société de consommation, et même devenir un artiste commercial reconnu. Leur route va se croiser à plusieurs reprises, mais la Loi sera encore une fois… impitoyable et très cynique pour tous les deux.

Dans « Terror », une jeune femme, professeure, va échapper in extremis à un attentat visant des juges, grâce aux sentiments d’un terroriste qui a du coeur. Mais là encore, la morale est dure. Une fois que l’on a choisi un camp, il est difficile d’échapper à son destin.

Quant à « Mega city confidential », il nous immerge dans une ambiance à la George Orwell, très contemporaine. Une jeune femme mariée a changé récemment de travail et a incorporé une cellule de surveillance ultra secrète, dont elle ne doit parler à personne, même à son mari. Cette cellule : la Section7, surveille en fait tous les citoyens. Le secret est cependant trop lourd, et Jovis Easterhouse va décider de rompre le secret. Mais on ne casse pas impunément son contrat avec les aspects les plus sombres de Mega city one.

Si on est d’abord scotché par la beauté des planches de Colin Mac Neil :  découpage aéré, dessin réaliste légèrement encré, envahi de couleurs magnifiques explosant à la face, on apprécie d’autant plus les scénarios  au cordeau de John Wagner, qui écrit pour un public adulte, on le sent bien. Fini les poursuites de petites frappes des années 80, où l’on avait envie de sourire… fini les monstres façon Godzilla dans les rues de Mega city one. On est dans du dur, du réaliste, du moderne, et la froid cynisme qui ressort des situations vécues par les protagonistes, nous donnent à voir ce que les citoyens d’aujourd’hui peuvent vraiment vivre dans les grandes mégalopoles de notre monde contemporain 
En dehors du cynisme, c’est donc bien un courant d’air froid qui nous parcours l’échine, car on se dit que « bon sang », ces situations ont été vues l’autre jour sur nos écrans !? »

P. 5 du récit "Mega city confidential"
©John Wagner/Colin Mc Neil/Delirium

En cela, le dernier récit « Mega city confidential » daté 2014, (clin d’oeil au classique « LA confidential » de James Ellroy et sa clique de flics ripoux), présente un réseau d’ultra surveillance », dénoncé par Jovis, et rappelle de manière à peine détournée les lanceurs d’alertes tels Edward Snowden, tandis que le partage et l’utilisation des informations récoltées fait directement écho aux récentes polémiques dénonçant entre autre aux USA la commercialisation des données personnelles sur internet.(2)
A noter que dans ce dernier récit, plus tardif, le dessin de Colin Mac Neil a changé, et ressemble beaucoup plus à celui d’un Kev Walker.

Nous ne sommes plus dans la science-fiction, car la réalité l’a rejoint. Ce qui fait de Judge Dredd un comics particulièrement intéressant à lire, pour bien saisir les enjeux qui nous entourent. Une bande dessinée pédagogique en somme.
Un excellent volume !


FG


« Judge Dredd Démocratie » par  John Wagner et Colin Mac Neil
Éditions Delirium (25 €) - ISBN 979-10-90913-33-3



(1) Les épisodes originels de 1977, et jusqu’au milieu des années 80, découverts en France dans diverses publications, oscillaient entre récits nerveux rentre-dedans à humour potache, et critique en demi teinte de sociétés dictatoriales. Un vent de révolte souffle en effet en Angleterre à cette époque, et les scénaristes Alan Davis, Alan Moore, John Wagner… vont faire partie d’une bande qui va politiser ouvertement et frontalement leurs récits, créant un ton très adulte qui s’exportera alors aux USA.
Les années quatre-vingt dix verront un petit succès de notre héros anglais, et un film sera même adapté en 1995 au cinéma avec Sylvester Stallone. L’échec commercial et critique cuisant de ce dernier mettra cependant une chape de plomb malheureuse sur une série qui méritait mieux. C’est donc avec bonheur que l’on a vu revenir en français la licence avec des épisodes choisis. 

(*) Après « Origines » (Mars 2016), rassemblant trois bons épisodes inédits du Dredd des années 2000, puis « Les liens du sang » (Août 2016, encore des inédits), le label français vraiment pas comme les autres a proposé « Les Affaires classée, tome 1 », somme regroupant pour la deuxième fois de manière chronologique les premiers épisodes de la série originale en noir et blanc et couleurs, Soleil l’ayant déjà fait dans une première salve de rééditions. (2 albums, quatre intégrales : 2010-2013.)

(2) Voir :


samedi 13 juin 2015

Rat God : Corben, comme s'il avait quitté Arkham hier !

Ci-dessous la reproduction en français de la chronique des comics Rat God en VO de Richard Corben, publiée le 2 juin 2015, sur Bernie'sBlog (en anglais, on ne sait pas pourquoi) ;-)


"Je viens juste de finir Rat God, la dernière mini série de Richard Corben, et j'en suis tellement retourné, que je l'écris en anglais. (sic) Peut-être sera t-elle proposée par Delirium en français à la fin de l'année ou en 2016, vu que le hardcover parait en Octobre aux USA 
Je suis un grand fan des œuvres de Corben et j'essaie de saisir tout ce qu'il peut réaliser. Cette dernière série en cinq parties se terminant tôt ce mois-ci, parle d'un homme perdu d'Arkham: Clark Elwwod, dans la forêt froide et sauvage entourant une ville étrange : Lamewood, elle-même perdue dans le temps. Là se trouvent rassemblés des gens bizarres déguisés en rats (ou de zombies, cela dépend des moments), qui dédient un culte à un ancien dieu, une créature en forme de rat géant. Celui-ci vit dans une caverne et des sacrifices humains lui sont consentis.Notre personnage principal court après son amour "scolaire" : Kito, qui s'apprête en fait à être offerte au rat sanguinaire. Mais Clark vit-il vraiment les situations? Sommes-nous en présence de souvenirs? A-t-il déjà rencontré Kito et toutes ces créatures? C'est avec ces interrogations que le comics numéro 5 nous laisse en fin de chapitre.


Il s'agit, à mon avis, de l'une des meilleures histoires réalisées par l'auteur lui-même.

Principalement inspiré de Lovecraft, du nom de la ville d'origine de notre anti-héros, à ses débuts étranges, il nous plonge rapidement dans une période non identifiée, tout en nous entraînant dans le désert et les langues étrangères, en ouvrant sans cesse des flashback, avant de stabiliser l'histoire au sein de Lakewood, mais sans explication plus réaliste à la fin.
C’est donc une grande promenade de train fantôme jusqu’au bout, avec de superbes dessins en couleurs et de nombreux nouveaux personnages, chose que nous n’avons pas eu le privilège de voir depuis longtemps dans le travail de Corben, sauf dans Ragemoore, mais avec beaucoup moins de caractères (et en noir et blanc). À ce sujet, les premières pages nous rappellent une autre histoire ancienne abordant les mêmes thèmes: Dweller in the Dark (1976, publié en France sous le titre « La cité morte de la peur », dans Ogre, 1979). Comme le titre ne le dit pas: une mini série du tonnerre de dieu ! Bravo monsieur Corben!   Rat God 1 à 5 par Richard Corben Darkhorse comics, Fev à juin 2015 À paraître en octobre 2016 chez Délirium.

Mes autres chroniques cinéma

Mes autres chroniques cinéma
encore plus de choix...