dimanche 18 septembre 2016

Bliss et Valiant : une belle histoire, un peu sombre...

Valiant et Bloodshot reborn t1
Jeff lemire; Matt Kindt/Paolo Rivera, Joe Rivera
Jef Lemire/ Mico Suayan; David Baron
Bliss comics
Avril 2016

The Valiant traite du combat épique qui depuis dix mille ans associe Gilda Anni-Padda, le guerrier éternel, et l’Ennemi éternel, une entité monstrueuse qui massacre tous les géomanciens, les gardiens de ce monde, afin d’amener les ténèbres et la discorde.
Gilda l’a déjà combattu trois fois au cours des siècles précédents, et trois fois il a été vaincu.
De nos jours, le mal revient, et s’attaque à la belle et jeune Kay, la nouvelle géomancienne. Mais une équipe constituée de Gilda, Ninjak, Bloodshot, Xo manowar et Kay se forme afin de vaincre une bonne fois pour toute le mal absolu aux multiples visages.

The Valiant a paru en même temps que Bloodshot reborn. Ce sont deux des premiers titres lancés par le nouvel éditeur Bliss comics dont on a parlé en Juillet ici-même, à l’occasion de la chronique d’un autre titre : Divinity.

The Valiant ©Bliss comics/Lemire/Rivera


Ces titres prennent la suite des autres comics de l’éditeur original Valiant américain lancés par Panini quelques temps plus tôt, où l’on avait pu entre autre faire la connaissance de Bloodshot, Ninja et Xo Manowar.

Bloodshot est Raymond Garnison, un guerrier façon GI unique dont le corps et l’esprit ont été trafiqué médicalement, par le projet Rising spirit. Il doit vivre avec un réseau de robots miniatures : les Nanites, intégré à son système corporel qui le rend quasiment invulnérable et surtout auto réparateur. Physiquement, il est peint de blanc, ses yeux sont infectés de sang, et il porte un très gros rond rouge sur le torse. Il tombe dans cette histoire amoureux de Kay, qui finit pas se faire tuer au final par L’Ennemi éternel. Cependant, Kay, avant de rendre l’âme, grâce à son pouvoir et par amour, débarrasse Bloodshot de ses parasites.
Ce récit, magnifiquement dessiné par les frères Rivera, nous plonge dés les premières pages dans une ambiance fantastique et morbide superbement rendue, dans des décors antiques de l’Amérique du sud. On passe ensuite à la période scandinave et Vikings, avant d’arriver de nos jours et faire connaissance avec l’équipe qui va tenter d’enrayer la malédiction.

C’est un superbe manière de découvrir l’éditeur Valiant et la plupart de ses héros. Action, émotion et graphisme au top sont au rendez-vous.

Les évènements narrés dans Blodshot reborn se déroulent quant à eux juste après ceux de The Valiant, et mettent en scène un Bloodshot retourné à la vie civile, dans une petite bourgade. Là, Raymond Garnison essaie de vivre avec son passé, et la mort de Kay, qui le hantent.  Mais malgré son état psychologique défaillant, il va être obligé de revenir à l’action, à cause de nombreux meurtres commis par des hommes apparemment fous, grimés comme Bloodshot et habités semble t’il aussi par des nanites. Celui-ci est aussi poussé par d’étranges apparitions fantomatiques de Kay et d’un petit personnage sidekick un peu taré, émanation de sa psychique. Jusqu’où tout cela va t’il le mener ? (…)
La déchéance de cet homme brisé est magnifiquement décrite, tant par le scénario de Lemire que par le trait somptueux de Mico Suayan et  les couleurs de David Baron. Un  premier tome sombre, émotionnellement fort, et au suspens tendu.

D'autres nanites ? ©Blisscomics/Lemire/Suayan



lundi 12 septembre 2016

Festival BD d'Ambierle 2016 : ça roule (en Porsche vintage)

Samedi et Dimanche, malgré le nombre impressionnant de manifestations culturelles sur le roannais, beaucoup d'amateurs de tous âges ont retrouvé le chemin de la salle des sports du village du livre.
Il est toujours agréable de se balader dans les ruelles et aux abords vinicoles de ce petit village classé de la côte roannaise, et c'est sûrement ce qui motive  chaque année des dessinateurs de renom à venir, et en retour :  les visiteurs. 
Cette année, ils étaient ceci dit un peu moins nombreux (650 me glisse t'on à l'oreille de source sûre), mais l'afflux à la table de Franck Margerin, l'invité d'honneur, ne s'est pas interrompu sur les deux  jours. Les libraires ont aussi bien vendus semble t'il.
Pour ma part, Dimanche après-midi, après avoir salué les amis artistes présents, dont la fine équipe de la revue Guère épais dont on fêtera prochainement le numéro 10, et remarqué un cosplay assez réussi du Garde républicain sur le stand de Christophe Henin, (ainsi que ceux de l’éditeur Montbrisonnais de manga ED éditions(1) il a été temps de faire un rapide tour des bouquinistes. Toujours le même plaisir de pouvoir tenir entre ses mains et découvrir des éditions anciennes voire originales… Puis je me suis octroyé un long moment avec Vincent Pompetti.

Vincent Pompetti © FG
On a déjà eu l'occasion de parler ici de cet excellent dessinateur*, repéré avec "La Guerre des Gaules" (en collaboration avec Terek, 2 tomes, Tartamudo 2012-2013) qui s'est mis au scénario, et de quelle manière, avec son superbe album de Sf « Les anciens astronautes" (Tartamudo, 2015). 

Vincent Pompetti travaille quasi exclusivement pour ce petit éditeur, et ne manque pas de verve et d’enthousiasme lorsqu’on l’interroge sur son projet personnel de science-fiction. 
Après un premier volume one shot dont les premiers 1500 exemplaires  ne vont pas tarder à être épuisés, Vincent annonce une suite, qui trouvera sa réalisation dans le titre de série « Constellations », et une édition participative sur Ullule, vers début Octobre. (Suivre son actualité sur son site(2) )
C’est la très bonne nouvelle du week-end, puisqu’on avait beaucoup apprécié l’univers onirique et philosophique de ces « Anciens astronautes » (mais si modernes pour les lecteurs d’aujourd’hui !),et ses personnages si attachants.
Tandis que Tartamudo annonce sur son site une intégrale de la Guerre des Gaules.(3)
1er tome de la GDG, et ex libris Anciens astronautes. ©V. Pompetti/Tartamudo

Vers 16 h 28, la queue devant le stand de Frank Margerin s’étant réduite à un seul dernier amateur, et l’heure de repartir ayant sonnée pour notre rockeur au coeur tendre, c’est le moment que j’ai choisi pour lui faire signer une vieille photo rigolote contenue dans le « Radio Lucien » d’époque.



En sortant, l’auteur, amateur d’appareils vintage en tous genre, s’apprêtait à monter avec ses amis dans une Porsche verte pomme magnifique, afin de reprendre la route et finir en beauté ce week-end ensoleillé.

A l’année prochaine ! et merci à Jo Taboulet et toute l'équipe impliquée, pour ces super moments.

Nb : D'autres auteurs de talent et des animations étaient présentés. Cette note ne prétend pas établir un compte rendu exhaustif du festival. Il s'agit juste d'un retour personnel sur une après-midi.




samedi 3 septembre 2016

Lucky Luke : 70 ans déjà ! (J'ai connu quatre Lucky Luke)

J'ai connu quatre Lucky Luke : (1949 - 1962) 


La pochette contenant ces éditions "souples" abimées

Lucky Luke fait partie de ces bandes dessinées classiques que j'ai eu la chance de connaitre assez tôt, dans ma jeunesse, et en rafale, grâce à la perspicacité et la gentillesse d'une marraine. Celle-ci travaillait en effet à la fin des années soixante dans un restaurant, dont les enfants des patrons, pas très soigneux, dépouillaient les nombreux albums de bande dessinée offerts par leurs parents. Ces derniers les jetaient donc assez facilement, et ceux-ci étaient récupérés avant de partir à la benne. Mis en vrac dans un gros carton, ces fines fleurs de la bande dessinée franco-belge de la fin des années soixante et du début des années soixante dix devenaient un cadeau fort apprécié lors de nos repas de famille annuels. 
C'est ainsi que j'ai découvert vers l'âge de six ans :  Blueberry, Rahan, Tanguy et Laverdure, Buck danny, Barbe rouge, Astérix, deux trois Tintin, et Lucky Luke.  (En plus des quelques albums déjà présents dans le début de "collection" de mon grand frère Patrick, né en 1964.)
L'élément rigolo, (et que je n'ai réalisé que bien plus tard, l'ivresse des cadeaux passée), c'est que la plupart de ces éditions du cowboy à la longue mèche, très abîmées, ne possédaient pour la plupart plus leur couverture. J'ai donc bénéficié d'un début de collection Lucky Luke mélangé Dupuis et Dargaud, les deux en format souple par "défaut" ;-) (cf photos). Un autre détail lié à ces éditions abimées : dans l'album «Rodéo», il me manquait la dernière page, et je n'ai su que bien plus tard l'issue du match de boxe de l'épisode «Le grand combat». 
La magie des vieilles éditions... 



Du Dargaud "souple" ;-)
C’est ce début fracassant dans le monde de la bande dessinée, puis mes visites en bibliothèque, à Roanne, qui m’ont permis de poursuivre la connaissance de la série. Je me suis ensuite mis en quête de tout ce que le milieu BD comptait de coloré, et ces éditions souples Dupuis, tellement plus sympathiques que les cartonnés classiques Dargaud.
Mais… Lucky Luke est aussi multiple pour moi. Je vous invite à lire pourquoi :




Le petit cowboy chantant :
Ce qui est évidemment étonnant de réaliser, lorsque l'on lit les premiers albums :
Arizona, Rodéo,...c'est le côté très enfantin et cartoony du héros. Celui-ci renvoie vraiment à une époque ancienne des éditions Dupuis (fin des années quarante). Or le personnage déjà grand et bien propre sur lui de Western circus, la Diligence, Chasseur de prime....pour un lecteur élevé dans les années 70, n'a alors plus grand chose à voir avec ce petit bonhomme malingre au nez rond, tout droit sorti d'un film d'animation façon Mickey, qui déboule en chantant sur son cheval dans la première histoire "Arizona 1880", bizarrement publiée dans le troisième album /recueil : Arizona. 1er choc.

Le deuxième immédiat sera bien sur celui de sa mort prématurée, dès sa deuxième histoire (et donc le premier album ) : 
la mine d'or de Dick Digger. 



La mine d'or de Dick Digger


On verra ce pitch de vraie fausse mort ensuite ailleurs dans d'autres séries, et comment ne pas penser à Corto Maltese dans la Ballade de la mer salée,  Mortimer dans l'Affaire Francis Blake, ou bien d'autres plus anciennes, même si cette scène de cascade renverra bien sur de façon plus certaine vers LE classique fantastique :  la mort de Sherlock Holmes. Il n'en fallait pas plus dès la première aventure, pour s'attacher l'affection d'un nouveau personnage.

Le ténébreux dadais : Le deuxième choc est ressenti en voyant au milieu des pages de ces tout premières histoires un héros déjà différent, plus grand, avec une plus longue mèche, très maigre, et à l'air ténébreux. C'est le choix fait par l'éditeur de mélanger dès le départ les origines à des récits un peu plus "contemporains" pourrait-on dire, à une poignée d'années près. Il faut rappeler que les histoires ont été publiées dans Spirou dès 1946 alors que le premier album ne date que de 1949.

Les Cousins Daltons

Ce deuxième changement notable qui s'installera sur une dizaine d’année environ (jusqu’à « l’Evasion des Dalton » 1960, publié en album en 1962, à mon avis, (voir plus bas) présente un portrait un peu étonnant de notre héros, lui donnant plutôt l'attitude et l'aspect d'un anti héros. Morris n'avait pas encore abouti complètement son personnage, et il aura l'occasion, étant l'unique dessinateur longtemps, de lui donner encore un autre aspect. On le prend alors plutôt pour un dilettante, cowboy solitaire taciturne, un peu à l'image de ce barbu aux côtés duquel il est assis dans le début de  « Le retour de Joe la gachette", 8eme histoire de 1948, publiée dans "Sous le ciel de l'ouest", quatrième album, en 1952.

Toujours est il qu'il est presque difficile de voir en ce gaillard le défenseur de la veuve et l’orphelin qui rentrera ensuite dans la plupart des foyers français et que l’on présentera tel un label, dans les futurs albums, ou publicités.


Un gentil benêt :  

La troisième surprise provient de : "Nettoyage à Red city », de 1951, publiée dans le cinquième album « Lucky Luke contre Pat poker" en 1953. Il s'agit de la onzième histoire de notre héros, et celui-ci, embauché comme shérif dans une petite ville, arrive par la diligence dans une posture ridicule. Il s'est en effet voler ses vêtements et son cheval, et c'est habillé en petit garçon qu'il débarque, l'air penaud au milieu de la rue principale. Les gros bras en profitent et s'en donnent à coeur joie. Un portrait inédit du cow boy, qui donne à voir des scènes comiques et inédites depuis,  hallucinantes. 
Le héros est en mutation, et cet épisode marquera une pierre dans ses aventures, même si d'autres épisodes le verront en fâcheuse posture, quelque peu ridiculisé, mais jamais à ce point. (Cf : son arrestation musclée dans "Joss Jamon", son pseudo procès dans "le Juge" ....). 
Une arrestation musclée dans "Joss Jamon"


Goscinny mis en scène comme juge dans "Jos Jamon"

Une faculté d'auto parodie de Morris apprise lors de son séjour chez les collègues de la revue Mad à new York (1948-1949), auprès de Kurtzmann et Goscinny, rarement égalée par ses pairs, qui ont plutôt préféré généralement créé un sidekick (un partenaire) pour assumer le rôle du bouffon (voir Fantasio pour Spirou.)



Le beau redresseur de tort.


A partir de « l’Evasion des Dalton » (1962 en album), un évènement me permet de situer un changement qui va intervenir sur le personnage, en faisant un héros plus sûr de lui, et bien moins parodique.
Luke n'est pas pris au sérieux dans "l'Evasion", p.24
Ce n’est pas la première fois que Luke est pris dans un traquenard, et cette fois, on va jusqu’à l'assommer, le prenant pour un hors la loi. (P.24) Il faut dire que Joe Dalton a eu l’idée d’imprimer une affiche de recherche avec son portrait, et tous les villageois croisés craignent notre héros, le prenant pour un dangereux malfaiteur.
"L'évasion.". p.25

Mais dés la page 25, il se réveille et va s’expliquer, en colère. 



« La parodie, ça suffit ! « semble t’il dire, tout comme son créateur.





Même
si dans les pages 30,31, on a encore droit à de bien belles scène d'anthologie, avec un Lucky Luke reprisant les chaussettes des Dalton, ou portant un bandeau dans les cheveux et faisant la lessive.



Pas encore tout à fait le héros irréprochable futur ;-)



Mais sans plus tarder, dans l'album suivant : 'En remontant le Mississipi », et même si l'on remarque encore quelques scènes parodiques (cf combat au poing dans le bateau à roue, avec Tetenfer, où Luke chatouille son adversaire, juché sur son dos), elles sont bien moins ridicules pour lui que certaines précédentes. Le personnage a gagné une légitimité supplémentaire. Il a d'ailleurs droit à son portrait sur la couverture.

Ah..., qu'il est bien élevé ce beau cow-boy !

.. Jusqu’à ce que la bienséance le rattrape, (cf ces 3 images de l"Evasion des daltons"; et que la ligue anti-tabac lui demande de retirer son mégot, en 1983, pour le remplacer, comble de l’horreur, par une paille, bien plus morale.

Une page s'est tournée…


Toutes les images de cette page sont © : Dupuis, Dargaud, et Morris/Goscinny

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