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http://villains.wikia.com/wiki/Carlton_Drake |
La mode est aux films de super-héros depuis le début des années deux-mille, et l'on peut se poser certaines questions aujourd’hui quant aux messages qu’ils véhiculent en arrière-plan. La thématique du Trans humanisme est une piste sensible…
Je suis ressorti de la séance du dernier Marvel « Venom », l’autre soir, avec la sensation d’avoir vu un assez bon film de science-fiction, et un Marvel réussi. Je connaissais sans plus le personnage d’Eddie Brock, ce journaliste engagé (dans le film), qui, parce qu’il fait les mauvais choix, perd son job, sa fiancée et son appartement. Dans ce Blockbuster réalisé par Ruben Fleischer, un auteur pour l’instant plus connu pour des comédies, on fait la connaissance du symbiote extraterrestre Venom, ramené sur terre lors d’une mission spatiale de Life foundation, société privée du scientifique milliardaire Carlton Drake. Celui-ci, qui ne cache pas son attachement viscéral à l’évolution de l’être humain, vu l’inexorable déchéance qui guette notre race d’après lui, souhaite se servir de ce symbiote pour « magnifier » nos pairs, lors d’expériences terribles sur des « rebus » de la société (sans abris, malades mentaux abandonnés…etc.). Il se trouve que par hasard, Eddie Brock ayant été mis au courant de ces agissements et souhaitant enquêter sur ces laboratoires, va se révéler être LA personne qui pourra le mieux se « coupler » avec le parasite.
Il me semble que dans un film tiré de comics, et donc un film d’Entertainement (de divertissement), le sujet du transhumanisme n'avait pas encore été évoqué avec autant de force et sans détours, via le discours du scientifique. On pourra néanmoins se référer à d'autres films, tels « Prometheus », ou d'autres listés plus bas (2). Etonnant d’ailleurs de constater combien la fiction rejoint la réalité, eut égard seulement à la ressemblance entre un personnage comme Carlton Dracke, dans « Venom », et le milliardaire Elon Musk, lançant lui aussi des vaisseaux dans l’espace, de nos jours. Il est donc aisé de se demander dans quelle mesure cette œuvre de fiction n’a pas comme ambition sous-jacente de véhiculer les théories eugénistes du transhumanisme, voire de l’extropisme (1), à des spectateurs venus au départ simplement se divertir .
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Le fondateur de la société Weyland dans Prometheus
http://avp.wikia.com/wiki/Peter_Weyland |
Marvel et les super-pouvoirs : vers le super-humain ?
Il fut un temps où voir un super-héros comme Iron-Man laissait un sentiment mitigé, entre ébahissement devant tant de savoir-faire et de pouvoirs, et dégoût de la vanité face à la richesse qu’un tel homme peut brasser. La plupart des super-héros, tirés de l’univers des comics Marvel, bénéficiaient de pouvoirs soit technologiques, soit biologiques, ou liés à des expériences ayant mal tourné, et ces comics, issus pour la majorité des années soixante, étaient liés aux débuts de l’ère nucléaire. Le propos des fascicules originaux était davantage axé sur la critique de ces expériences, même si une réflexion sur le devenir de l’humanité face à ces évolutions a pris du poids au fil du temps, des auteurs impliqués, et des nombreux numéros parus.
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Iron Man 1 |
On a pu voir les films des années deux-mille comme de simples adaptations de ces histoires, mais il est intéressant de constater que depuis se sont développées des théories transhumanistes prônant la nécessité de rendre l’homme meilleur. Meilleur dans sa conception, et donc obligatoirement amélioré, augmenté par l’évolution des technologies, par le biais de prothèses de plus en plus sophistiquées, d’implants, puis de circuits électroniques reliés au web, pour terminer, au final, vers une parfaite osmose entre ce qui resterait de l’homme, et une intelligence artificielle. Le but avoué de tout cela étant de vivre plus longtemps, voire éternellement, et de pouvoir, qui sait, exploser les frontières de notre planète, afin de conquérir la galaxie, sans soucis « mécaniques/biologiques ». (Voir entre autre le livre « Le Mythe de la singularité : faut-il craindre l’intelligence artificielle ?, Jean Gabriel Ganascia, Seuil 2017).
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La scene d'Adamentium de Wolverine (XMen origins) |
Des théories pouvant se révéler dangereuses
Les fondations et sociétés se trouvant derrière ces théories sont déjà puissantes, en majeure partie basées aux Etats-unis, et usent d’un lobbying très fort pour contrer toutes celles et ceux (écolos, anti OGM, pro humain…) qui osent bloquer cette évolution, jugés par eux évidente et obligatoire. Dès lors, et pour revenir à Venom, comment ne pas voir dans ce symbiote permettant à Eddie Brock de mieux vivre, de survivre aux agressions, un parfait exemple de ce transhumanisme ?
Ici, on a de plus l’attrait de la figure extra-terrestre, aux « technologies » et au développement avancés, permettant une parfaite osmose entre l’homme et la « machine », puisqu’une petite voix permet même une communication permanente et constructive entre l’hôte et son parasite. Mais le souci réside de facto dans le fait que ce Venom reste avant tout un « parasite ». Si dans le film, il nous est présenté comme un atout permettant au journaliste de se défendre, et bien entendu, uniquement aux moments opportuns, il disparait ensuite, laissant l’humain libre, plus ou moins, de ses mouvements et le reintégrant dans la vie normale, comme si de rie n’était. Un peu comme si, au final, ce dernier restait maître de la situation. Mais un parasite se comporte-t-il vraiment ainsi ? N’aurait-il pas été plus juste de montrer (démontrer) que celui-ci « dévore » son hôte de l’intérieur, et pas seulement ceux avec qui la symbiose ne s’opère pas ? Quelle est la part d’humain restante dans ce genre d’expérience ?
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Eddie Brock -Venom (capture d'écran Youtube) |
Lorsque dans la scène finale, Eddie Brock « déchire » son masque, de manière naturelle, pour montrer qui il est au voyou braquant le petit commerce, et qu’il discute avec son parasite pour lui expliquer comment reconnaitre qui doit être considéré comme gentil ou méchant (en vue de lui croquer la tête)… on peut se demander si cette réflexion ne devrait pas aussi s’appliquer à lui-même… car…
Qui est désormais Eddie Brock ?
Le final répond quelque peu à cette question, en nous dévoilant dans le post générique de fin (attention : spoiler) une suite à cet épisode, mettant en scène un autre humain, psychologiquement complètement détruit et interné dans un asile (une prison ultra sécurisée) pour grands malades dangereux. Celui-ci va lui aussi, on s’en doute, faire connaissance avec le symbiote, sous le nom de… Carnage. Comme si l’idée était d’avouer qu’être possédé par un Venom, cela est plutôt cool lorsque l’on maitrise la chose (est-ce seulement possible ?)… mais bien moins lorsque l’on est très malade. Il y aurait donc deux poids, deux mesures. Bienvenue dans la communication subliminale
transhumaniste des comics Marvel au cinéma !
Ps : On notera que c‘est justement pour lutter contre ce genre de dérives que des scientifiques éclairés comme Stephen Hawking ont publié en 2014 une lettre ouverte sur l’Intelligence artificielle :
Franck GUIGUE
(1) Déclaration extropienne 3.0 « Nous défions la notion de l'inévitabilité du vieillissement et de la mort, de plus, nous cherchons à apporter continuellement des améliorations à nos capacités intellectuelles, physiologiques et à notre développement émotif. Nous voyons l'humanité comme une étape transitoire dans le développement évolutionnaire de l'intelligence. Nous préconisons l'utilisation de la science pour accélérer notre transition de l'état humain à la transhumaine ou à une condition posthumaine. »
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La première scène de grimpe de Spider-Man 1 |