mardi 25 août 2020

Terre sans pardon (Three Violent People) de Rudoph Maté (1956-57)


Encore un excellent #western que celui-ci, après le visionnage de Les Pionniers de la Western Union (Fritz Lang), qui se déroulait déjà dans le contexte de l’immédiat après-guerre de sécession. Une œuvre méconnue, mais superbe.

L’ex capitaine sudiste Colt Sanders (Charlton Heston, déjà bien droit dans ses bottes, cf Ben Hur 1959 ou Major Dundee 1964), démobilisé, rentre dans sa ville de Texas d’origine et va rejoindre son ranch natal, le Bar S, tenu depuis tout ce temps par Innocencio Ortaga, un contremaitre mexicain honnête et ses cinq fils. Juste avant, Colt a fait la connaissance (agitée) de Lorna, une belle femme raffinée qui cache en fait un passé d’entraineuse dans le saloon de Ruby la Salle. L’ignorant, et tombant sous le charme, celui-ci décide de l’épouser afin de fonder un foyer au ranch. Cependant, le gouvernement provisoire, installé par les yankees,  est aux mains de bandits qui ont des vues sur la propriété et ses biens. Cinch, le frère mutilé de Colt, qui a déjà ruiné une partie d’héritage, s’associe à eux par avidité et esprit de vengeance... Une forte tension qui n’est pas du goût de l’ex capitaine aux valeurs morales très arrêtées... 





Le public d’aujourd’hui connait mal les films du réalisateur de Passions sous les tropiques avec Robert Mitchum, s’il ne faut en citer qu’un. Il faut reconnaitre cependant que les westerns, réalisés en masse aux Etats-unis dans les années 40 à 60, ne sont cela dit pas mieux diffusés en général en France depuis quelques décennies, même si le grand écran propose régulièrement quelques belles réalisations. Sorti des classiques vus et revus, paraissent néanmoins des pépites en DVD, telles en 2006 ce Three Violent People, (encore un titre bien plus évocateur en VO) d’un réalisateur doué qui ne joue pas sur les effets mais privilégie plutôt des scénariis ténus. 

L’après-guerre de sécession est une période assez peu jouée sur les écrans, qui permet de recontextualiser une époque de fortes tensions chez nos voisins d’outre Atlantique. Un sud humilié par le nord et des exactions commises par des rebelles désespérés, ayant mis à mal l’idée d’unité nationale. Un contexte de rancœurs et de vengeances que les films d’après seconde guerre mondiale, bien plus répandus et connus dans l’hexagone, peuvent évoquer à leur façon.

C’est donc une tension palpable qui est mise en avant ici, celle-ci étant exacerbée par le caractère bien trempé de ce capitaine démobilisé, héros de guerre, qu’un accident familial d’enfance a éloigné de son frère pour toujours. Le passé et le présent s’entrechoquent, pour le mettre au défi de pouvoir enfin être heureux et goûter au bonheur simple, entouré de ses vrais amis. Un scénario solide d'après une histoire de Leonard Praskins et Barney Slater, une réalisation impeccable, et des acteurs formidables (Charlton Heston, Anne Baxter, Gilbert Roland (Innociencio) et Tom Tryon (Cinch), donnent une consistance et un nom à cette terre sans pardon : le Texas de 1865.

FG



La Jaquette DVD

samedi 22 août 2020

Attilio Micheluzzi : chroniqueur de l'Afghanistan

Dernier album du célèbre auteur « italien » débuté l'été avant son décès, intervenu le 20 septembre 1990, cet Afghanistan a été édité « inachevé » en 2003 par Michel Jans, ou plutôt, avec certaines de ses planches crayonnées à moitié encrées ; sans couleur. Cela n’enlève rien,  au contraire, à une œuvre forte, hyper documentée. Un superbe album de guerre moderne, et peut-être l’un des meilleurs de l’auteur, tant au niveau graphique que scénaristique.


Attilio Micheluzzi connait bien les pays de l'est et ce sujet de conflit, lui qui est né en Istrie en 1930, fil d'un officier d'aviation, et architecte un temps en Libye avant la dictature de Kadhafi, objet de son émigration en Italie pour devenir dessinateur de bande dessinée. Surtout connu pour ses séries Air Mail, Sibérie, ou Marcel Labrume, il a beaucoup publié dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, entre autre en France, pour les éditeurs Casterman et Humanoides associés.  Ici, l’auteur – chroniqueur nous raconte l’année 1987 et les relations conflictuelles entre pachtounes, moudjahidines et Spetsnaz, ces unités de missions spéciale russes envoyées en Afghanistan afin de mater la « rebellion » des troupes menées par le colonel Massoud. Ce chroniqueur intervient en voix-off et dialogue même avec les protagonistes : un officier russe : Vasil Bodovskov et un jeune afghan, seul rescapé d’un massacre dans son village par l’armée russe, cherchant à se venger. 



Le « chroniqueur » comme il se nomme lui-même, prend-t-il la défense des uns ou des autres ? prend –-t-il parti ? Non, même s’il semble plus sensible au sort des populations locales, miséreuses, prisent entre deux feux : ceux des intégristes musulmans et ceux des russes s’ingérant dans le pays, et bien qu'il se mette lui-même en scène à la toute fin, il laisse le soin à la dure réalité grise de dicter son rythme et raconter son histoire. En 45 pages bien condensées, ce chapitre d’un épisode historique ayant été à l’origine de soubresauts bien plus terribles ensuite (on pense au 11 septembre 2001), donne à lire une vision froide mais réaliste et nuancée de ce conflit. Le talent et la poésie inhérente de Micheluzzi, ainsi que son trait ample à l’encrage sublime enveloppent le tout, pour un résultat au top. Pouvoir de plus se régaler de crayonnés du « maître » est un plaisir assez rare. Épuisé depuis quelques temps déjà, cet album mériterait une réédition, et pourquoi pas en format luxe avec couverture noir et blanche, la couverture couleur actuelle ne rendant qu’à moitié justice à cet intérieur remarquable. 

 FG 




Afghanistan par Attilio Micheluzzi 
Éditions Mosquito 2003

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