Photo © Craig Thompson/Onabok |
Quelques mois plus tard, après avoir pris contact avec lui, j'avais pu proposer en exclusivité une interview de l'auteur dans la revue Onabok pour laquelle j'écrivais des chroniques. C'était alors sa première interview (aussi longue) en français*.
Alors encore inconnu en France, ce jeune homme y a depuis rencontré un large lectorat et le succès qu'on lui connaît.
(*) Il avait d'ailleurs tellement apprécié qu'il l'avait citée dans la bibliographie du catalogue édité alors par les Centres Leclerc : « Traits contemporains , Angoulême 2002 »
Bien qu'un extrait ait été disponible assez rapidement en ligne sur le site Onabok, je suis plutôt fier de pouvoir vous la présenter en intégralité aujourd'hui sous forme numérique :
"Hello, CRAIG THOMPSON !
Craig Thompson est un jeune américain de 26 ans plutôt maigrelet, pas trés grand, mais souriant et à l'abord trés chaleureux. Il fait partie de cette nouvelle vague de la Bande Dessinée que l'éditeur indépendant Top Shelf révèle dans son prozine aux cotés de Peter SickmanBrian Biggs, Dylan Horrocks, Dean Aspiel, Jef Levine, et bien d'autres encore. Tout ces auteurs complets ont choisi le noir et blanc et un ton trés personnel pour s'exprimer. On peut dans cette optique les rapprocher de la scène française indépendante. Néanmois il se dégage de ces histoires une originalité américaine suffisante pour que la séduction opère et que l'on ai envie de les lire dans notre langue. Craig Thompson n'échappera pas à la méthode et va voir son chef d'oeuvre de poésie GOODBYE CHUNKY RICE, une histoire d'amour trés romantique entre une petite tortue (Chunky) et une souris (Dandel), trés prochainement traduit chez nous par Delcourt.
Entretien avec un échappé du Wisconsin profond. Prenez votre respiration"
Hector : J'ai vu dans Chunky Rice que tu étais né en 1975 dans le Michigan et que tu avais grandi dans une communauté paysanne isolée dans le Wisconsin. Est-ce que tu pourrais nous en dire plus sur cette période et cette communauté ?
Photo : © Craig Thompson/Onabok |
Craig : En fait mon prochain ouvrage Blankets peindra un tableau beaucoup plus vivant de la ville dans laquelle j'ai vécu. C'était à la fois un endroit misérable et beau. La nature dans laquelle j'ai grandi était idyllique : de grandes forêts et des champs à perte de vue, ...des ours, de biches et des renards et des blaireaux dans notre cour, des baignades nus dans les rivières...; Mes parents vivaient dans une vieille maison à la campagne (maison qui est aujourd'hui entouré de bétail sur 20 hectares), et ils possédaient une ferme secondaire où un demi-hectar de jardin leur donnait des légumes, des chèvres du lait, des poules des œufs, et des lapins la nourriture. La petite ville où j'allais à l'école était moins romanesque. Elle donne à voir ce que les européens craignent de l'Amérique : repliée sur elle-même, craintive, avec une communauté raciste. C'était une sorte d'endroit à la mentalité cowboy violente, et j'ai eu une enfance plutôt rude là bas. Mais aujourd'hui, je m'en suis éloigné heureusement.
ChunkyRice
Hector : Comment es-tu arrivé à faire de la bande dessinée, et est-ce que Chunky Rice est ta première véritable publication ? (exceptée peut être Doot doot Garden. Peut être est-ce la première, mais je ne l'ai pas lu jusqu'à présent. Elle a l'air marrante) De plus, lorsque l'on lit les hommages vibrants de grands noms tels Alan Moore ou Jeff Smith (le créateur de Bone) au dos de ton bouquin, ça laisse supposer que tu es vraiment reconnu. Avais -tu déjà travaillé pour des fanzines avant ?
Craig : Avant Chunky Rice j'ai dessiné une poignée de mini comics. C'était ma seule expérience. J'ai déménagé à Portland et rejoint Topshelf exactement au même moment., lorsque qu'ils n'étaient qu'une petite entreprise débutante : l'histoire d'un seul homme qui sortait une anthologie annuelle. Une fois que mon éditeur eu vu les quelques première pages de Chunky Rice, il m'offrit de le publier. Mon intention originale était de réaliser un minicomic de 30 pages, mais le fait d'avoir un éditeur m'a encouragé à voir plus gros. Cela s'est avéré être une expérience enrichissante, aussi bien en termes de scénario que d'habilité à écrire, et le fait de participer à un projet qui aboutit. Il Serait intéressant de noter tous les jobs pathétiques que j'ai pratiqué avant de dessiner à plein temps : responsable du stock au rayon pièces informatiques d'un magasin de services, commercial pour une organisation juive a but non lucratif, ramasseur de canettes en alu dans le parking d'un KMART, et des saisons et des saisons de dur labeur agricole dans le Wisconsin rural. Ah oui, j'ai aussi laissé tomber mes études au collège et au lycée. Mais j'ai eu accès à des jobs artistiques qui m'ont permis de vire à coté de ça. J'ai travaillé comme styliste de publicités dans un journal local puis comme designer dans une petite agence de pub.
Ensuite j'ai animé des light-shows dans un musée pour enfants, et enfin travaillé comme designer graphique, concevant des logos de couverture pour des ALlENS contre les vikings et de méchants fantômes avec des armes pour Dark Horse Comics.
H : La mer (l'eau) est importante dans ton histoire. Les dialogues aussi, qui possèdent une force poétique importante. Es-tu un amateur de poésie ?