vendredi 26 février 2016

The Revenant, Les Huit salopards, La chevauché des bannis/Track of the cat, Le nouveau monde : la pleine nature sauvage comme élément de mystère fédérateur.

Étonnant comme la mode du western actuelle propose de bons films, capables de nous entrainer dans des univers originaux, grâce à des réalisateurs de talent : Joel et Ethan Cohen, Tommy Lee Jones, Tarentino, Inaritu… Même si d’autres, aussi récents, n’auront pas la chance de connaitre de telles réussites.

N’empêche... je souhaitais il y a quelques années déjà, à l’occasion de la reprise de la Chevauchée des bannis dans le cinéma art et essai local, parler d’un autre western, bien moins connu, qui abordait une thématique un peu similaire : Track of the cat.
Et voilà que coup sur coup sortent les Huit salopards, filmé en décors naturels et dont l’essentiel se déroule dans un la neige, et.. The revenant, remake d’un classique du western seventies : Le convoi sauvage (Richard C. Sarafian, 1971), où les grands espaces enneigés et froids des rocheuses sont aussi un élément essentiel.
L’opportunité de reparler des ces quatre films en une seule fois ;-)

Des similitudes volontaires

Synopsis de La chevauchée des bannis (André de Toth, 1959) :
La Chevauchée des bannis
Dans un village montagneux du Wyoming, enfoncé dans la neige et coupé du monde, l'éleveur Blaise Starret s'oppose farouchement à des fermiers, dont l'un d'eux a épousé son ancienne compagne Helen. L'arrivée soudaine de sept bandits pourchassés par les autorités, commandés par un certain Jack Bruhn, quémandant secours, à la suite d'une blessure, fait taire les hostilités et contraint fermiers et éleveurs à s'unir contre le danger. Blaise Starret imagine un piège susceptible d'égarer Jack Bruhn et ses hors-la-loi indésirables... (Wikipedia)


Track of the cat (William A. Wellman, 1954.)
Dans un ranch isolé de montagne, une nuit un fauve attaque le troupeau. Une légende parle d'une panthère noire revenant tous les ans aux premières neiges. Curt et son frère Art partent voir ce qu'il en est, et trouvent 3 bêtes tuées. Ils décident de chasser le fauve, mais n'ayant pas prévu de vivres, Curt retourne au ranch pendant qu'Art suit la piste de la panthère…(Wikipedia)

Scène d'ouverture des Huit salopards
 Ces deux films de l’époque classique du western, au noir et blanc magnifique, pour le premier, se déroulent tout deux dans un environnement neigeux, et on remarquera sans grande peine la sorte de similitude de (début de) scénario entre le dernier Tarentino et le synopsis de la Chevauchée des bannis. L’idée d’une bande de malfrats étant obligée de composer avec d’autres personnages n’est pas nouvelle et a été vue dans d’autres westerns. Mais ici, le fait que la troupe soit isolée au cœur d’un milieu hostile froid laisse supposer que le réalisateur de Pulp fiction a subit la belle influence d'André de Toth. Ce qu’on ne lui reprochera pas, au contraire.


Ce qui me fait davantage lier cette Chevauchée avec les films plus récents et Track of the cat, c’est le fait de sortir dehors et de trouver dans l’extérieur une solution au problème tendant l’intrigue.
Dans la Chevauchée..., le responsable va faire croire à une piste aux bandits afin de les éloigner du village.
Track of the cat
Dans Track of the cat, c’est la hantise de retrouver ce fauve perturbateur qui incite les trois frères (et leur ami indien) à se rendre dans les bois enneigés. Mais la bête, que l’on ne verra pratiquement jamais (suspens maîtrisé), saura se jouer des cow-boys et de nos nerfs, montrant combien l’homme peut-être un loup pour l’homme. Là encore, jusqu’à la conclusion, la montagne et son aspect sauvage fonctionnent comme l’élément principal du film.

Si le huit clos du dernier Tarentino (Les Huit salopards) fonctionne à merveille, c’est d’abord l’ouverture en ultra Panavision 70 mm, en décors naturels, qui retient l’attention. Le long plan fixe sur la croix et le christ en pierre restera dans les annales cinématographiques, tout comme les scènes d’ouverture-fermeture (comiques) de la porte du relais, et la difficile progression des personnages chargés d’aller planter des repères jusqu’à l’écurie durant la tempête. Le vent, le froid, sont ressenti autant par les acteurs que par les spectateurs. Effet garanti.

The Revenant, quant à lui, dont on a déjà fait remarquer (et cela n’a pas été spécialement écrit au sujet du film avant sa sortie), qu’il était une sorte de remake du film culte Le convoi sauvage, il marque autant par sa période « aquatique » (l’introduction violente avec le bateau) et les quelques scènes se déroulant sur le fleuve, que celle, montagnarde, où le héros va tenter de survivre à ses blessures, dans un milieu hostile, car froid et éloigné de tout.
Le peu que je connaissais du Convoi, était surtout lié à quelques extraits vus ci et là (dont une partie à la télévision étant enfant), et au bateau très particulier de cette expédition (une sorte de grosse embarcation en bois, à moitié couverte par un toit, avec de long rames, sur lesquels les trappeurs positionnaient toutes les fourrures découpées sur les rives.) Je n’avais pas idée de la suite du récit dans la neige. C’est pourquoi dans The revenant, les premières scènes m’ont frappées.

Un réalisme exacerbé par la bande son.


On peut toutefois remarquer d’autres éléments marquant de ce nouveau film d’Inaritu, et les mettre en perspective avec un film se déroulant pour le coup, dans un tout autre environnement géographique : Le nouveau monde, de Terrence Malick.
Dans les toutes premières scènes de the Revenant, le réalisateur donne à entendre ce que les personnages sont en train de vivre : les oiseaux qui s’arrêtent de chanter, les flèches des indiens qui se plantent violemment dans les troncs ou dans les corps, le clapotis de l’eau…
On ressentira ensuite de l’oppression lorsque Hugh Glass* se retrouve au fond de la forêt, avant de faire la rencontre que l’on sait. Là, c’est un couvert de mousse, avec de grands arbres bougeant dans le vent, qui craquent… puis c’est le silence et les râles de notre héros blessés à mort… Tout comme le clapotis de l’eau à nouveau, souvent proche.  Et le cri de quelque animal nocturne, à la tombée de la nuit…
Une scène de 'Le Nouveau monde"
Inaritu a soigné sa bande son, tout comme l’avait déjà fait avant lui Terrence Malick dans le Nouveau monde, afin de nous immerger dans ces contrées sauvages où l’homme n’est rien.. ou pas grand chose, s’il vient en conquérant.
Déjà, on avait ressenti de grands arbres frémir, dans une forêt de l’est, tout comme les grandes tiges de Mais au vent, avant une attaque…
Le réalisateur soigne ses ambiances et filme aussi à hauteur d’homme, pour que l’on sente l’humus, la boue, l’eau, la chair de l'animal tué… que l’homme qui chute et rampe est obligé de sentir lorsqu’il est tombé. C’est un pari gagnant.

Des personnages insensibles ?
L'autre aspect intéressant de The Revenant, pour ceux qui apprécient le genre western, c'est de découvrir des indiens un peu différents de ceux que l'on a l'habitude de voir dans les films plus Hollywoodiens. Il s'agit des Pawnees, mais surtout des Arikaras (ou Sahnishs), tous deux du Dakota du nord. Leur aspect, leur opiniâtreté à poursuivre le même homme durant plusieurs semaines, leur traitrise (voir témoignage d'Hugh Glass* qui explique leur changement de comportement au départ de leurs commerces, puis leur attaque soudaine, et le fait qu'il se fassent passer pour une autre tribu plus tard) apporte un attrait supplémentaire au film. L'être humain doit être dur dans ce milieu sauvage pour survivre, et si un personnage en particulier est désigné comme le parfait méchant (Fitzgerald), la troupe des Québécois, vue deux fois, d'abord lors d'un échange perdant-gagnant avec les Arikaras, puis lors de ce qui déclenchera leur perte (la pendaison d'un Pawnee pacifique, mais surtout l'enlèvement d'une squaw Arikara), ne donne pas non plus une très belle image de nos cousins francophones. Être trop sensible amène à sa perte.

De nombreuses scènes dans le film resteront mémorables, de part leur étrangeté, leur violence ou âpreté, ... c'est aussi l'un de ses attraits.
Et même si deux heures et demi pourront être ressenties par certains comme une durée trop longue, il est en tous cas agréable de pouvoir ressentir autant de maîtrise et de références.

Une sorte de condensé finalement de ce que le western « hors normes » a produit de mieux depuis les années cinquante. Et il sera difficile de finir ce bref exercice sans citer Jérémiah Jonhson (Sydney Pollack, 1972), auquel on pense bien évidemment aussi en suivant les aventures exceptionnelles de ce Hugh Glass, autre mountain man célèbre que les Etats-unis d’Amérique ont connues lors de leurs grandes heures de construction.
Une époque rude, remise en perspective par le truchement de ces films.


(*) A lire : la vraie épopée de Hugh Glass, trappeur survivant à une attaque de Grizzly en 1823  (Wiki)


Une page traitant aussi d'Hugh Glass (en anglais)

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