lundi 19 juin 2017

Winsor Mc Cay, comme jamais vu, à Cherbourg !


Dans le cadre de la huitième biennale du 9eme art, le musée Thomas Henry de Cherbourg-en-Cotentin organise, sous l'égide de Francois Schuiten et Benoit Peeters (respectivement commissaire et scénographe) et avec l'aide du collectionneur Barnard Mahé, une rétrospective d'un des grands maitres de la bande dessinée.
L'occasion d 'initier un cycle sur les auteurs américains et de relier Cherbourg à son histoire transatlantique.

« Présente-t-on encore Winsor McCay, (1869-1934), le créateur de Little Nemo, personnage parmi les plus emblématiques de la bande dessinée et des arts graphiques américains, dont il fut l’un des pères fondateurs ? Ce pionnier du dessin animé est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands auteurs et illustrateurs du siècle dernier. (1) 


Pourtant, les rares expositions monographiques qui ont pu lui être consacrées sont restées au sein de galeries ou de musées spécialisés dans la bande dessinée. La Ville de Cherbourg-en-Cotentin a choisi de lui rendre hommage à travers une grande rétrospective au sein de son musée des beaux- arts, le 3e de Normandie. Elle replace l’œuvre de Winsor McCay dans le contexte artistique, économique et social de son époque, et met en perspective son héritage, considérable dans le domaine des arts visuels. L’exposition ne sera pas qu’historique. À travers les regards et les voix de Schuiten et Peeters, qui accompagneront le visiteur tout au long du parcours, elle fera dialoguer les chefs-d’œuvre créés par Winsor McCay et la création d’aujourd’hui.» (Issu du communiqué de presse)


Les planches originales de Winsor Mc Cay se font rares, ayant été perdues, détruites par son propre fils qui souhaitait créer de nouvelles séquences, ou détériorées au fil du temps. Les restantes, conservées par des collectionneurs privés, n'ont jamais été montrées au public.


L'exposition proposera pour la première fois un ensemble exceptionnel réuni par le collectionneur et expert Bernard Mahé, toutes issues de collections privées. Ces originaux, soixante pièces, dont une trentaine de planches de Little Nemo, dialogueront avec celles de contemporains de l'artiste : de Richard F. Outcault à Cliff Sterrett, et de Sunday pages en couleur. Mais aussi avec des photographies, des affiches, des journaux et des films d'époque. Sera notamment projeté son film sur la catastrophe du Lusitania (2)
Une occasion en or de découvrir ou de de se ravir d'originaux d'une œuvre exceptionnelle, très poétique, et moderne avant l'heure, qui a véritablement transformé le neuvième art et la relation que l'on a avec la lecture.


Franck GUIGUE 




(1) Le lendemain de sa mort, l’Herald Tribune publie, en même temps que le dessin qu’il n’a pu achever, les témoignages admiratifs des principaux dessinateurs du pays. Au fil des ans pourtant, son œuvre sombre peu à peu dans l’oubli. Il faudra attendre les années soixante pour que, lentement, ses bandes dessinées et ses films d’animation commencent à retrouver leur place. Sa gloire, depuis, n’a cessé de grandir. Admiré par Moebius et Miyazaki, Art Spiegelman, Chris Ware et d’innombrables autres auteurs à travers le monde, Winsor McCay est considéré aujourd’hui, tous domaines confondus, comme l’un des artistes majeurs du début du vingtième siècle.



(2) Le 05 Juin 1915, le paquebot britannique Lusitania parti de New York sombrait, après avoir été torpillé par un sous-marin allemand. En pleine Grande Guerre, ce naufrage indigna les États-Unis et suscita de nombreuses théories. Winsor Mc Cay ayant découvert les prémisses du film d'animation en 1911 à travers les flip books rapportés par son fils et les premières œuvres d’Emile Cohl et James Stuart Blackton, il s'enthousiaste d’emblée et créé ses propres films, dont un « Little Nemo » pour commencer. Il sera suivi en janvier 1912 de « How a Mosquito Operates ». Puis «Gertie », le gentil dinosaure. Avec « Le Naufrage du Lusitania », en 1918, il créée le dessin animé documentaire : en présentant sous tous les angles le navire qui s’enfonçait lentement dans les flots, le dessinateur donnait à voir ce qu’aucune caméra de prises de vues 
réelles n’était parvenue à montrer.
Nb : A l'occasion de l'exposition, un petit livret de 64 pages a été édité : 26 pages ou détails de pages de "Little Nemo in Slumberland" commentés par François Schuiten et Benoit Peeters.
Un livre géant luxueux reproduisant les planches originales est aussi publié à la même occasion par la galerie 9e art, à un tirage très limité. (180 exemplaires).


 Disponible à l'exposition "Winsor McCay", au Musée Thomas Henry de Cherbourg ou à la galerie 9e Art à Paris. contact@galerie9art.com


Exposition « Winsor McCay, de Little Nemo au Lusitania » du 23 juin au 1er octobre, musée Thomas Henry

Le Quasar, Esplanade de la laïcité
50100 Cherbourg-en-Cotentin
Tel : 02 33 23 39 30
musees@ville-cherbourg.fr






mardi 6 juin 2017

La Malédiction de Rowans


La mode est un peu à la sorcellerie et aux esprits ces dernières années : comics « Harrow County », « Rachel Rising », diverses séries franco-belges, films ou séries « Penny Dreadful », en ce moment « L'Autopsie de Jane Doe »… et ce comics one shot surfe un peu sur la vague. Néanmoins, son rapport à la jeunesse rappellera davantage le célèbre « Scream » du réalisateur Wes Craven. Voyons ce qu'il en ressort…

Katy, jeune étudiante américaine, cherche un appartement à partager afin de passer ses vacances d'été. Elle trouve une opportunité inespérée grâce à Emily, une jeune anglaise qui vit dans une belle maison ancienne. L'échange opère et Katy débarque comme prévu à Rowans Rise, sur la commune de Stratford. Mais rapidement, alors que les deux filles échangent par messagerie électronique, Katy se rend compte de choses anormales dans la vieille maison. Elle sent la présence de spectres, et la chambre qu'elle ne devait pas visiter a été étrangement emménagée de gris gris.
Elle se met à enquêter sur la vie d'Emily, qui lui cache apparemment un grave secret…



Ce prologue sert de prétexte à l'auteur pour présenter la vie d'une petite commune du centre de l'Angleterre, ce qui n' est pas si courant dans les comics. (1) Mike Carey aborde aussi le sujet des traditions ancestrales et de la sorcellerie. Pourquoi les habitants du XIIe au XVE siècle cimentaient des os de coquelets sur leur linteaux, ou plaçaient des branches de chêne (arbre Dule de la connaissance) dans leur chambre ? On se croirait dans le très bon « Harrow County » de Tyler Crook et Cullen Bunn. (Glénat Comics, trois tomes 2016-2017)

Seulement, là où ces deux autres auteurs américains ont choisi de développer leur scénario en série, nous immergeant dans un univers original, complexe et riche, Mike Carey se contente de 88 pages d'une histoire un peu téléphonée. Mais ne soyons pas trop dur : même si l'idée d'une maison accueillant une jeune femme quelque peu isolée, se faisant agressée par une ambiance ou des éléments extérieurs, ne date pas d'hier (2) « Rowans Ruins » (son titre original) ne joue pas tout à fait sur le même fil conducteur. Le sentiment cependant, en se rapprochant du dénouement, est que l'auteur hésite tout du long entre récit d'horreur et chronique sociale. Il nous fait part de la communication mail entre les jeunes femmes, entre Katy et ses parents... On visite avec elle les archives de la bibliothèque de Stratford, on partage sa relation naissante avec le bobby du coin… Mais ce qui se passe à la maison n'est finalement pas si important que ça, semble t'il. Pourtant un drame est en train de se jouer. 
L'auteur mixe donc bien toutes les références précédemment citées, mais sans apporter suffisamment d'éléments narratifs neufs. On aurait apprécié un peu plus de personnalité, un peu plus d'horreur, et je ne vends pas la mèche pour la conclusion, que je vous laisserai juger.
Le suspens est pourtant maîtrisé, un certain charme opère, et les dessins de Mike Perkins, que l'on avait pu apprécier au préalable sur la série adaptée de Stephen King « Le Fléau » (12 tomes chez Delcourt, avec Roberto Aguirre-Sacasa) sont tout à fait pertinents, mais plutôt classiques dans ce genre de comics.

Une demi réussite malheureusement, d'un éditeur : Boom Studios (3), pourtant pas en manque de talents dans son catalogue.



(1) Je me plais à rappeler souvent l'antécédent superbe de « Spider-Man esprits de la terre », par Charles Vess, qui se déroule dans les landes du nord de l'Angleterre.

(2) « Halloween la nuit des masques » nous avait introduit à ce suspens, et « Scream », dans les années quatre vingt dix a recyclé le genre, l'adaptant aux adolescents d'une époque plus permissive.

(3) Boom Studios est une jeune maison d'édition américaine de comics spécialisée en horreur et science-fiction, créée en 2005 par Ross Richie et Andrew Cosby. Le célèbre auteur Mark Waid a aussi fait partie du conseil administratif, qu'il a abandonné depuis 2011 pour se consacrer uniquement à ses histoires. Boom Studios publie ou a aussi publié, entre autres, les licences « Adventure Time », « Warhammer », « 28 Days Later » « Hellraiser » et « Planet of the Apes »


« La Malédiction de Rowans » par Mike Perkins et Mike Carey
Éditions Delcourt (15,95 € ) - ISBN 978-2-7560-8296-7

Mes autres chroniques cinéma

Mes autres chroniques cinéma
encore plus de choix...