mercredi 1 novembre 2023

Le règne animal : qui suis-je face aux autres ?

Vu hier au soir au cinéma : le Règne animal. Un film angoissant, sur notre relation à l'autre, et notre rapport à la nature sauvage. 

Alors que le monde, suite à une maladie affectant les gènes humains, s'est tout juste habitué à une transformation d'une partie de sa population en "créatures", François et son fils Émile adolescent, déménagent dans les landes, afin d'accompagner le déplacement de Lana, la mère d’Émile, "atteinte", dans un centre spécial fermé. Logés dans un camping à côté de ce dernier, ils sont avertis d'un accident grave du camion transportant Lana et d'autres créatures, où certains ont trouvé la mort, mais apparemment pas elle. Tous deux se lancent donc à sa recherche dans les bois attenants. Julia, adjudant de gendarmerie, tentant d'aider François, à sa manière. Pendant ce temps, Émile, qui a incorporé une nouvelle classe pour les deux mois avant l'été, se comporte de plus en plus étrangement... 

 

Thomas Cailley ne va pas nous refaire Le loup garou de Londres (pas si rigolo, exagéré ni fantastique), ni Sweet Tooth (très Disneyien quelque part, malgré son scénario alternatif dénonciateur ne manquant pas de dureté). Non, tel un conteur, inspiré par l'histoire de la Belle et la Bête, il va nous donner à voir, entendre et ressentir les difficiles relations entre éléments d'une même famille, d'une même communauté, s'éloignant progressivement, mais inexorablement les uns des autres, à cause de différences, d'abord minimes, puis de plus en plus prégnantes. Et pourtant, cette progression devrait nous permette une adaptation, et l'empathie nécessaire. L'humain est cependant ainsi fait qu'il se laisse envahir par la peur et la haine. Ces êtres humains transformés, choisis par le destin - tel lors d'une pandémie inconnue et récente frappant au hasard et détruisant des familles - subissent, et perdent progressivement jusqu'à la parole, en plus de leur apparence, développant par ailleurs d'autres "qualités". Repoussés, torturés, puis traqués, ("Pas de bestioles ici !") ils auraient pourtant besoin de compassion, d'accompagnement. Cela vous fait penser à quelque chose ? La période Covid 19 bien, sûr, mais surtout les migrants de tous pays. Le même sort leur est réservé. Quant à la forêt, dernier et seul refuge inespéré, ne la leur doit-on pas ? Cette forêt que l'on détruit aussi, et pour laquelle on a assez peu de considération. Finalement : Thomas Cailley ne parle pas autant d'un quelconque règne animal dont on voit mal comment de fait il pourrait régner - vu notre armada toute puissante à contrer ses congénères - que de nous-mêmes, les vraies "bêtes" que l'on cherche à mater. Et cette "maladie" qui nous tombe dessus sans prévenir, n'est-elle pas simplement le signe évident de notre défaillance, de notre capacité à nuire, en tant qu'humain, auprès de la nature et de nos semblables !?


Mention spéciale aux acteurs, dont Paul Kircher (Émile), Billie Blain (Nina), et bien sûr Romain Duris, et au ton du film, assez réaliste et juste fantastique ce qu'il faut. On aurait aimé cela dit comprendre pourquoi ce changement de gêne affecte autant les humains, en poussant certains à se transformer autant différemment : de mammifère à batracien, poulpe ou même insecte (!?!), et pourquoi ces élèves de...lycée ? se conduisent comme de bien matures jeunes adultes, capables de discussions tellement sérieuses et construites, et d'engagements socio-politiques, alors que cela est si différent dans la vraie vie ? Nous ferait-on prendre des vessies pour des lanternes ? Ou bien un changement de gêne est-il déjà aussi à l'œuvre chez eux ? Le Règne animal, c'est bien cela : un conte moderne, où la bête n'est pas celle que l'on croit. 

FG 


A lire : un article intéressant sur la prouesse des effets spéciaux du film, et une comparaison (influence) intéressante du réalisateur entre le comics Black Hole de Charles Burns et son film : https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Le-Regne-animal-une-prouesse-d-effets-speciaux-pour-ce-bijou-de-SF-francais


A voir aussi : le Tumblr de Frederik Peeters, proposant les dessins préparatoires aux diverses créatures du film : https://frederikpeeters.tumblr.com/


lundi 25 septembre 2023

Le dessinateur, l'aquarelliste et le photographe. (Un retour sur l'exposition du cercle Indigo 2023)

C'est intéressé par les derniers feux de l'exposition riorgeoise mettant en avant la technique de l'aquarelle, que je me suis rendu ce dimanche après midi ensoleillé en vélo au château de Beaulieu. Au premier étage, le Cercle artistique Indigo de Pouilly les Nonains présentait les œuvres de ses membres, mêlant huiles, acryliques et aquarelles autour de la thématique : L’eau sous ses différentes déclinaisons. Retour très subjectif :

Ci-à gauche : reproduction d'une œuvre d'Abel Antonysamy, tirée de la page communication du site de la ville de Riorges. (DR) Les autres photos sont : Franck Guigue sauf exception.


Jean-Christophe Ronzier,
aquarelliste roannais, était l’invité d’honneur de cette partie de l’exposition. Se disant lui-même assez moyen dessinateur, il nous invite dans des univers bizarrement colorés où la difformité de certains éléments du décor apportent une touche quasi surréaliste à ses œuvres. Intriguant et agréable à la fois. (Ci-dessous : photo d'une des œuvres exposées, issue de la page Instagram de J.C Ronzier).


Les aquarelles d'Andrée Wills, autre exposante du club, bien que plus classiques dans leurs sujets démontrent une très bonne technique et une belle sensibilité aussi.
(Photo d'une des œuvres exposées d'Andrée Wills d'un bateau dans les glaces, ci-dessous à droite. Particularité de cette dernière : avoir été réalisée sur une...toile !)

Au 2e étage, le public pouvait découvrir le travail artistique d’Abel Antonysamy, aquarelliste venant de Pondichery (Inde), ayant été invité d'honneur de l’édition 2022 du festival d’aquarelle de Pouilly-les-Nonains. Il a animé deux stages à Riorges les 19 et 20 septembre puis les 22 et 23 septembre. Approché avec envie, car son œuvre magnifique, basée quasi exclusivement sur les ambiances et la culture de son pays, émerveillent, je lui ai posé cette question : "un artiste comme vous,  maîtrisant cette technique, dans le cadre de tableaux basés sur des scènes quotidiennes, doit-il aussi être un bon photographe ?"  Ce à quoi il m'a répondu avec malice : " bon photographe, bon dessinateur, bon artiste".
Arriver en effet à révéler la poussière d'une fête traditionnelle (le Pongal tamoul, en l'occurrence) grâce à l'eau et la couleur, n'est pas chose si aisée, tout comme il est important de laisser "vivre" et respirer son tableau avec des blancs de papier équilibrés et justement répandus. Tout cela et bien plus encore, Abel Antonysamy le maîtrise, et c'est ce qui fait toute la force et la beauté de ses œuvres.  
 

 Scène de pêche à l'aquarelle d'Abel Antonysamy, digne d'une belle photo.
(Photo d'une des œuvres exposées).

 
Une de ses élèves et amie, mais aussi secrétaire du cercle Indigo : Christine Kibkalo, travaillant différentes techniques depuis une dizaine d'années déjà, férue de voyages exotiques et s'étant déjà rendu au moins deux fois en Inde, mais aussi au Vietnam -  dont elle a ramené de nombreux carnets de voyage - n'aura sans doute bientôt plus grand chose à envier au maître, tant cette passionnée de Pouilly les nonains a su trouver sa voie. Il suffit de regarder ses aquarelles magnifiques et pleines de vie, telle ce passage en barque sous des frondaisons du Mékong (voir ci-dessous), ou bien ce ramasseur de légumes et herbes aromatiques dans l'eau terreuse, mais aussi les quelques acryliques présentées, comme celle d'une femme indienne poussant une barque, pour s'en persuader. Une belle exposition, et des élèves doués.

FG
 
 Ci-dessous : quelques photos des œuvres exposées de Christine Kibkalo :

vendredi 25 août 2023

Une drôle de chouette vie, par Hideyazu Moto

Première publication française d'un mangaka quinquagénaire doué, cette compilation de récits courts détonne par son surréalisme et son absurdité douce amer. Alternativement dingue et acide !

Dans « Ton ami », une invasion de vénusiens, bizarres créatures faites de parties métalliques plus ou moins bien agencées, viennent en repérage sur la terre. Kaneka, le chef, envoie Denkichi, le plus jeune, en mission. Celui-ci se lie d’amitié avec une famille, apprenant aussi le sens de la beauté, qu’il ne connaissait bas, car issu d’une caste « moche », puis  revient faire son rapport. « Comment son les terriens ? » lui demande son supérieur. « Nuls. Que des gens bizarres. Extermine-les au plus vite ». Denkichi n’étant occupé qu’à admirer la vis sur la tête de son supérieur, le rendant si beau à ses yeux. Dans « Un ami cher ». Kenichi, jeune garçon, va aujourd’hui pêcher avec son ami Soegusa. Il espère passer un bon moment. Un homme avec un bouledogue passe. Kenichi s’amuse à imaginer ce que donnerait la tête du chien sur l’homme, mais se fait mordre toute la main, qu’il perd. En sang, mais pas démonté, il décide de corriger la bête, mais frappe par erreur l’homme, ayant vraiment pris une tête de chien entre temps. Ce dernier ne supportant pas la violence, lui arrache la tête avec sa gueule. Kenichi, sans tête, sans bras, rejoint dés lors son ami. Après un moment d’hésitation, Soegusa l’invite à monter dans sa barque et tous deux partent au milieu du lac pêcher. « C’est beau l’amitié » pense Kenichi. 

La couverture est trompeuse avec ses couleurs vives et ses personnages familiaux posant ou gambadant dans une nature idyllique. Quoi que le héros à grosse tête : Amo, un des personnages principaux de ces 18 histoires, semble sourire jaune, comme si lui seul était conscient de la farce et des histoires pas nettes qui se jouent autour de lui. Hideyasu Moto a débuté sa carrière de mangaka en 1995 au Japon dans la célèbre revue Garo, alors en passe de disparaitre, un an plus tard, au décès de son créateur Katshuichi Nagai. Garo était à l'origine une publication pour enfants, créée en 1964 et a publié entre autre des histoires de Toshiharu Tsuge (la Vis). Elle évolua cela dit vers un ton de plus en plus décalé et c'est en son sein qu'en 1976 le courant Heta-Uma (malhabile mais appréciable), fut créé sous le crayon de Teruhiko Yumura. Hideyasu Moto s'emparant du genre, l'accorda à sa sauce, avant de partir ensuite travailler pour la revue Ax (la hache). C'est là qu'en 1998 paru la première version de "La vie heureuse", dont la version remaniée de 2012 nous est aujourd'hui proposée par les éditions Misma. Cette compilation d'histoires courtes dérange dés son premier épisode. Le Meta-Huma révèle effectivement un genre mêlant un dessin minimaliste, de style comique bien que malhabile, où les corps volontairement déformés de certains personnages accentuent l'effet étrange. Les scénarios quand à eux proposent des situations souvent surréalistes, improbables, ou au contraire tirées de la vie quotidiennes, mais où un élément dramatique violent vient souvent s'inviter, au détriment de toute logique, ou compassion. L'exemple des vénusiens dans « Mon ami » en est un exemple probant. Amo, de son côté, est souvent la victime des maltraitances d'autres copains ou de sa propre famille, lorsqu'il n'est pas le bourreau à son tour, sans pitié, quoi que de manière dilettante et peu assumée. Des histoires d'enfance vues sous l'oeil d'un adulte moqueur et cynique. On essayera vaguement de comparer ce genre en France aux forfaits de noms tels Charlie Schlingo, Fred Neidhardt (Monsieur Tue tout), ou peut-être Vuillemin, mais Hideyasu Moto reste unique. Une découverte surprenante, réjouissante, et, osera t-on le dire : jouissive, marquant d'une pierre blanche l'univers manga déjà passionnant. Préface et Avant propos accompagnent les histoires. Chouette !

FG 


Une chouette vie par Hideyazu Moto
Éditions Misma (23€) - ISBN : SBN 9782916254982

dimanche 2 juillet 2023

White Boy : petit homme blanc perdu dans un ouest humaniste rêvé

Cet étonnant et rare Strip western publié de 1933 à 1935 dans les pages du Chicago Tribune a été proposé pour la première fois en français l'année dernière dans un magnifique album grand format à l'italienne, agrémenté d’éditorial enrichissant. Une aubaine patrimoniale remarquable.

La tribu des Arc en ciel vaque à ses occupations d’indiens des plaines lorsqu’une troupe revient d’un raid avec un jeune blanc prisonnier. Celui-ci va être adopté par le chef et va devoir apprendre la langue et les mœurs de la tribu. Il va se faire deux amis : lumière d’étoile, une belle jeune squaw, et Marmotte, un jeune indien un peu obèse, pas très débrouillard. Rapidement, un troisième larron : un trappeur ayant sauvé les amis d’une attaque Sioux va intégrer la bande. Tous vont être confronté à diverse péripéties et surtout découvrir lors de la migration de leur camp une autre tribu inconnue, aux mœurs bien différentes...

Garrett Price a réalisé l'essentiel de sa carrière auprès du Chicago tribune, mais a aussi beaucoup fourni des illustrations et couvertures pour le New Yorker, dont les débuts en 1924 ont coincidé avec les siens. Né en 1895 à Bucyrus, Kansas, et fils d’un médecin itinérant dans les états de l’ouest des États-unis, il intègre le Chicago Institute of Art entre 1914 et 1916, et décroche un poste au département artistique du journal Chicago Tribune où en plus de dessins, il rédige des chroniques, dont une sur l’esprit et l’humour de l’ouest. Repéré par J. M. Patterson, son éditeur, il se voit proposer en 1924, suite à un séjour puis son installation à New York, une bande western qu’il assume en indépendant pour le compte de son ancien patron dans les pages du Dimanche du Tribune. Thématique pas si courante que ça pour l'époque dans les comics et encore moins les strips, mais il faut dire que sa jeunesse dans le Wyoming avait tout pour l'inspirer. Au Tribune, il fait connaissance avec Frank King, et devient ami avec cet auteur déjà reconnu, qui a explosé en 1921 en ajoutant un personnage d'enfant à sa série Walt & Skeezix débutée quatre ans plus tôt. On pourra assez aisément voir l'influence de ce grand auteur dans les constructions et couleurs des planches de White Boy. Son dessin aussi, un peu, pourrait-on ajouter. Il n'en demeure pas moins que ces bandes, inédites en France, dont l'éditeur a réuni ici le meilleur des planches dominicales*, ont tout du trésor déterré. Leur présentation dans un grand album à l'italienne, respectant le format des strips originaux est tout d'abord majestueux. Rares sont les bandes dessinées d'ordre patrimonial pouvant se targuer d'un traitement aussi classieux, imprimé sur un Sen Lawrence FSC de 150g. On l'a dit : le dessin de Garrett Price rappelle beaucoup celui de King, tant dans les formes que les attitudes des personnages, mais on remarquera néanmoins un traitement beaucoup plus dynamique des pages, l'action de ce western saugrenu mais pas tant que ça étant parsemé de beaucoup d'actions, de mouvements. Une des scènes les plus extraordinaires à ce sujet étant la tentative d'enlèvement de Lumière d'étoile par les Sioux, (planche du 26 novembre 1933), correspondant à la page 9 de l'album. Une scénographie et une succession de cases particulièrement violentes, où la jeune indienne est désarçonnée du cheval où elle est en croupe à l'arrière avec son ami, puis tirée par les tresses, quasi écartelée entre deux chevaux au galop. Avant que l'indien responsable, contorsionné dans une pose anatomique puissante rappelant des tableaux de Delacroix, soit tué par balle et après que la chevelure de lumière d'étoile ait été tranchée par elle afin de se libérer.


La page du 08 avril 1934, évoquant le raid dans la tribu sioux, de nuit, là encore convoque la peinture et la gravure dans au moins deux superbes cases crépusculaires, dont une géante. Un passage de la troupe d'amis, deux pages plus loin, sous un couvert de petits arbres aux feuilles d'or, tout comme les scènes du feu de plaine, se terminant sous un amoncellement de nuages noirs, évoque là encore fortement les beautés formelles et poétique de Walt & Squeezie. On arrêtera là la comparaison, car Garrett Price mélange trois aspects très marquant dans sa série : 

- Le documentaire, d'une tribu Arc en ciel dans laquelle on s'invite, en même temps que ce White Boy devenu très vite l'un d'eux.
- L'humour, tiré parfois à l'extrême limite du surréalisme.
- Le fantastique.



Des scènes de toute beauté

Sur l'aspect documentaire, peu de bandes dessinées ont réussi à évoquer avec autant de réalisme la vie d'un camp amérindien. On retrouvera même, et c'est notable pour une "antiquité" de 1933, l'allusion à l'homosexualité, (Heemaney dans Little Big Man d'Arthur Penn 1970), ou à "l'inversion" (Quatre doigts de Milo Manara, Dargaud 1982). Ici, ce sont les poèmes de l'indien Chant d'alouette.
Au delà de cet aspect, visible à d'autres endroits, comme les raids entre tribus ou leur migration vers d'autres territoires (ces indiens des plaines étaient nomades), leurs légendes, ou bien encore la lutte territoriale des bisons, on retrouve les canons classiques d'une structure narrative séquentielle de strip, attachée à proposer en fin de chaque page un cliffhanger pour la semaine suivante. Et l'humour très exagéré, dans l'esprit du Popeye de Segar, entre autre par le truchement du petit gros indien Marmotte, puis plus loin avec le cheval à dos creux, se réparti à part quasi égale avec l'action.
Par moment enfin, le fantastique émerge, avec d'étonnant geysers faisant s'écrouler un pan de montagnes et dériver notre héros, un "fantôme" à dos de bison, une tribu étrangère inconnue, dont les traditions et la présence d'une reine blonde rappelleront les thématiques SF de Flash Gordon, pourtant à peine plus vieux puisque débuté en janvier 1934. Mais on pensera aussi et surtout au royaume des rêves (Slumberland), par lequel on arrive par un passage secret (ici aquatique) et donc au classique Little Nemo de Winsor Mc Cay, lui bien antérieur. Si ces références ne prêchent pas vraiment pour l'inventivité formelle de White Boy, on ne lui retirera pas sa modernité et son originalité, qui n'auront malheureusement pas suffit à lui assurer un succès mérité, la bande étant interrompu subitement dans son cours pour laisser la place à une suite bien plus classique. Une belle pépite issue du passé, dont les couleurs chaudes et douces, la générosité et la sincérité appellent toute notre attention. 

(*) Cette édition regroupe « le meilleur » des Sunday Pages car l’édition anglophone de 2015 propose l’intégralité de la série, à savoir les 2 chapitres suivants, un peu moins originaux, dont Skull Valley, ayant paru jusqu’à fin août 1936.


FG

Est-on à Slumberland ? 


 
White Boy par Garrett Price

Éditions 2024 (35€) – ISBN : 978-2-383870-37-1

Toutes images : ©GarretPrice Estate/éditions2024

Une étonnante modernité

jeudi 22 juin 2023

Louise Petitbouchon : double Shot de Rhythm'n'Blues !

"Mieux vaut tard que jamais..." (se dit l'auteur de cette note, car il a trainé à lire cet album acheté pourtant dès sa parution).

Il existe des séries, des auteurs...qui n'ont pas de chance, ou bien si. Louise Petit bouchon, créée par Jean Depelley et Éric Albert, a eu les honneurs de deux albums regroupant quelques courtes histoires en 2018 et 2019 aux éditions du Long Bec, avant de galérer quelques temps, cause débandade de l'éditeur et crise du COVID. On n'arrête cependant pas une bonne idée, et cette bande dessinée à l'héroïne inspectrice de police a tous les atouts pour s'inscrire honorablement dans la droite lignée d'une fameuse série belge créée par Maurice Tillieux. Car après Félix, Gilles Jourdan, Cerise, Crouton, Libellule et ses blagues à deux balles, revoilà une série d'un classicisme dépoussiéré, quoique surfant allègrement sur le côté vintage des années cinquante, que les amateurs de la grande époque Heroïc albums et Spirou apprécieront. 

Ce troisième tome d'une longue histoire entièrement en couleur accueillie chez Paquet, voyant une partie de son action se dérouler à Liverpool, (clin d’œil du scénariste musicos et passionné à ses années folles), avec une ambiance guerre froide sympathique, signe un vrai redémarrage pour Louise Petit bouchon, et c'est ce qui motive sans doute le cadeau fait à ses premiers lecteurs. En effet, un fascicule format comics, en papier très épais, reprenant la présentation des couverture Heroïc albums bien connus des amateurs, est inclus en bonus dans l'album et propose une courte histoire noir et blanc de 15 pages : Crime au champ de juillet, une de celles comprises dans le tout premier tome de la série. Un cadeau au top et un épisode particulièrement savoureux, revenant avec pertinence (à moins que ce ne soit plutôt l'inverse) sur le passé du père de Louise en Algérie, ainsi que la relation entre notre héroïne et son amie Rose, au cœur de l'intrigue de ce nouvel album liverpoolien. Comme quoi un peu moins de blagues de l'inspecteur Plumier fait des vacances aussi (sourire). Swinging Liverpool donne à voir, dès sa superbe couverture, un duo d'auteurs prenant beaucoup de plaisir, et risque d'installer dans la durée, cette fois-ci c'est presque sûr, Louise dans le paysage de la BD française. Un beau double "Shot de Rhythm'n'Blues" !

 

FG

Louise Petitbouchon : Swinging Liverpool, par Jean Depelley et Eric Albert
Éditions Paquet (14;50 €) - ISBN : 9782889524686
Paru en janvier 2023.

  

"Et ces pages de gardes, elles sont pas magnifiques ces pages de garde !?"

Deux des superbes bonus graphiques inclus en fin d'ouvrage.


jeudi 18 mai 2023

« J.G is back »  ou : « l’ascension de Jérôme ». (An Egoscopic Tale).

C'est lors du dernier festival BD d'Angoulême, où j'étais en mission avec d'autres collègues pour le site Planète BD que, me rendant pour une pause dans la salle de presse de l'hôtel de ville, je me suis assis à une table occupée par un quinqua comme moi. Il faut dire que les places (en carton Raja) sont chères à cet endroit, convoité pour les diverses interviews d'auteurs. Après que nous nous nous soyons présentés mutuellement, ce gentil petit bonhomme à Lunettes m'a sorti quelques ouvrages dont il était responsable, comme éditeur et scénariste-dessinateur. 

Lui, c'est Jérôme Gorgeot, journaliste en Haute Marne durant treize ans, avant d'exercer en politique, tout en pratiquant sa passion. Laquelle ? : la bande-dessinée indépendante et l'autobiographie, plus particulièrement, pour lequel il a créé en 1997 le fanzine personnel Gorgeous comix. Il écrit aussi des pièces de théâtre (dont Jésus Is Back, joué entre autre dans sa version courte en 1994 à Chaumont, puis, dans une version rallongée (d’une heure) en mars 2019 sur la scène de Nantheuil  (Dordogne), par la troupe des Chatignols, mis en scène par Albert Verhees. Sans parler de la version courte jouée aussi en juin 2019 à Nice, par les élèves de l’atelier de Numas sadoul lui-même. Il s’agit d’un petit bijou de drôlerie, certes peu respectueux de Dieu, Jésus et des femmes, mais tout cela est traité avec un troisième degré et un humour potache réjouissants.

Quant au fanzine Gorgeous comix, il est de belle facture et a été suivi en 2012 d'un collectif : Egoscopic, édité par l'association FGH (les copains David Foissard, Jérôme Gorgeot, Olivier Husson).

Il s'agit d'un petit format couleur dos carré d'une centaine de pages pour lequel une vingtaine de numéros a paru, aux côtés d'une poignée de petits comix, dont Allergies de Jean-Pierre Dufour, un ami de longue date. Jérôme m'a gentiment offert le numéro 17, paru en 2020, en plein COVID. Du beau travail, sur papier couché brillant où se croisent d'élégants auteurs et autrices - abordant leurs angoisses et analyses philosophique à hauteur d'homme et de femme de cet épisode inédit - dont des noms bien connus du fanzinat et de la Small Press, tels : Big Ben, BSK, Placid, JP Jennequin… Un bon collectif, très professionnel, agréable à lire, qui vous donnera l'occasion de découvrir une facette du vivier actuel de la bande dessinée autobiographique sous ses plus beaux atouts. Je recommande même l'abonnement à toute bibliothèque qui aurait un petit budget.


Pour peu que l’on s’intéresse à la bande dessinée alternative, autobiographique et que l’on fréquente les réseaux sociaux un tant soit peu culturels du web, Jérôme Gorgeot est un incontournable. Où que l’on aille, on tombera toujours sur lui.  Un peu comme (son) Dieu finalement ?*

FG


Contact et renseignements, commandes d’Egoscopic :
https://egoscopic.blogspot.com/p/commander-nos-autres-livres.html?m=1

 (*) Allusion à la pièce de théâtre ci-dessus citée. 

Photo Jérôme Gorgeot : ©Franck Guigue

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