samedi 26 octobre 2019

Fête du livre de Saint Étienne 2019 : pas d’ondées pour les indés...


L'idée était simple : passer rapidement à la fête du livre, profitant d'un bon concert punk rock en soirée samedi, afin de faire quelques rencontres et dénicher deux ou trois nouveautés sympas.

D'abord un saut très rapide sous le chapiteau principal de la place de l'hôtel de ville, où, une fois n'est pas coutume, Gérard, de la librairie L'Etrange RDV occupait, avec ses nombreux invités, un pan presque entier d'un des côtés du couvert. L'occasion de voir Anthony Pastor en action, lui qui vient de conclure le tryptique « No War » chez Casterman, (premier cycle), superbe série d'anticipation écologique et social politique qui donnait lieu à une petite exposition à l'école nationale d'architecture. L'occasion d'une piqure de rappel sur l'importance réelle de cette œuvre, graphiquement réussie (à part ses couvertures ?) Et son propos, mélangeant traditions et héritages nordiques, et enjeux politiciens économiques modernes.





Sous ce même chapiteau, découverte très plaisante d'un jeune auteur fraîchement publié chez 1caseenmoins (tiens?!), collection de chez Delcourt : Weldohson, alias Felipe Jiménez, pour « White Spirit », réalisé avec Dedo (du Jamel Comedy Club) en janvier dernier. Une association étrange, pour un premier album fricotant tout à la fois avec les EC comics et la rigolade, mais goûteux, au style graphique noir et blanc accrocheur, rappelant par moment Derf Backderf. Pas mal... Lorsqu'une première impression dégage autant de bons feelings, c'est plutôt bon signe...





Dimanche matin, direction la Bourse du travail où cette année, pour la première fois, le salon des éditeurs indépendants tient place dans ce bâtiment cossu, afin de jouer à la place qu'il mérite, sans être mis de côté. L'occasion de belles découvertes, mais aussi de revoir quelques habitués (1).
Premier arrêt auprès de Limax éditions. Découvert il y a deux ans en librairie stéphanoise à l'occasion de la parution du Fanzine grand format « Driiing » (2017), ce collectif issu des Beaux arts à ce je ne sais quoi d'enthousiasmant, typique de ce genre de publication. Couverture sérigraphiée, et contenu hétéroclite où l'on devine (ou recherche) la pépite qui verra éclore qui sait , le future Chaland ou Clerc.

Le tout nouveau numéro est un petit format, de fait plus épais, aux couvertures multiples, ce qui décuple aussi le plaisir et l'envie. À suivre, bien sûr, même si les publications épisodiques sont assez espacées dans le temps. 





La deuxième pause s'effectue sur le stand de Epox et Botox, invité par les locaux de Prisme éditions. Aude Carbone présente son travail d'artiste mais surtout de directrice artistique, dans une structure qui pratique "la chirurgie plastique appliquée au fond et à la forme". Superbes fanzine's A5 sérigraphies couleur, avec découpes, comme dans ce très beau « Vendetta 451 » ou encore le rougeoyant « Oniric Planet », de l'italien Bernardino Constantino. 

Je sais qu'Aude appréciera moyennement, mais impossible de ne pas penser aux éditions de sérigraphie underground marseillaises bien connues, en se perdant dans le catalogue de Epox et Botox. Sensations de fascination totale face à ces posters ou fanzines, aux couleurs vives, limitées et découpées à la main. Du très beau travail, dirigée par la charmante Aude, basée en Savoie -Isère.





Prism édition (Prism fanzine), certes dans un registre un peu plus classique en comparaison, propose un catalogue de fanzine petit formats, noir et blanc, de très bonne facture. 




Eina est une structure d'origine Angoumoisine, dont les membres fondateurs ont suivi l'école graphique. À Saint-Etienne depuis deux ans, leur travail éditorial force le respect, les rapprochant, au niveau exigence, de collègues tels Tanibis ou Fremok.

Une de leur récente parution : "La vallée des merveilles", imposante anthologie thématique multi artistes sur un lieu méconnu, dos carré collé, est l'exemple typique de l'ouvrage de référence fascinant pouvant être produit par un éditeur indépendant. Un indispensable pour tout amateur de lectures graphiques différentes, et un achat recommandé pour toute bibliothèque municipale désirant sortir des sentiers battus.

https://www.einacollectif.com/



Tanibis, lyonnais invités, proposaient leurs dernières nouveautés dont deux Alexandre Kha (l'un d'eux chroniqué ici-même ce été : http://bdzoom.com/144375/comic-books/selection-comics-ete-2019/). L'occasion d'échanges amicaux avec Josso, artiste maison de permanence à ce moment-là, et d'évoquer l'existence d'un nouveau numéro du fanzine Les Chroniques d’Oneiros, d’Edouard K. Dive, avec le même Alexandre Kha aux dessins, que l'on souhaiterait pouvoir apercevoir de temps en temps sur les stands, ne serait-ce que pour échanger. Alex, si tu nous lis !?

http://www.tanibis.net/
 
Enfin, les « vétérans » du 42 : les biens nommés Jarjille, connus des lecteurs de 40/30/30 et de BDzoom, que l’on ne présente plus, drivés par Michel Jacquet (Alep) et Zac Deloupy. Ceux-ci nous présenteront, entre autre nouveautés en janvier prochain, pour Angoulême : « Le collectionneur » 4eme opus des aventures de la librairie l'Introuvable.

http://jarjille.over-blog.com/
© Deloupy-Alep (Facebook de l'auteur)

Belle initiative ce salon...En tous cas, cela prouve que les petits éditeurs bossent bien.

...Normal vous me direz, vu le lieu du salon choisi ? ;-)


Je suis désolé pour les autres éditeurs ou auteurs qui étaient présents, et que je n'évoque pas. Soit ils étaient moins associés au genre bande dessinée, soit ils ont un peu moins retenu mon attention, soit je n'ai tout simplement pas eu le temps de les rencontrer. Ce retour très subjectif n'a de toute façon pas valeur d'exhaustivité.


Toutes ces parutions peuvent néanmoins se trouver à la librairie Mauvais genre, 5 rue Notre Dame, 42000 Saint-Etienne, mais aussi à la : Bédothèque, les 1er et 3e e vendredi du mois. (Salle polyvalente, Arts du forez, 4 Bld Robert Maurice, Saint-Etienne. )


FG



(1) Je ne cite volontairement que les éditeurs en lien avec la bande dessinée ou les arts graphiques auprès desquels je me suis arrêté, mais on trouve la liste complète et leurs contacts ici :

lundi 7 octobre 2019

« Cassandra Darke » où l’art du feuilleton à l’ancienne en album


Retour de lecture sur cet album incontournable du début d’année.

Posy Simmonds nous ravit de nombreux bijoux, depuis 2000 en France, grâce à la bande dessinée qui l’a vraiment révélée ici cette année-là : « Gemma Bovery » (Denoël Graphic) suivi de « Tamara Drewe » (2008). Deux album adaptés au cinéma, dans le désordre dira t-on, en en 2010, pour le plus récent alors (« Tamara Drewe »), par Stephen Frears, et en 2014 pour le plus ancien « Gemma Bovery », par Anne Fontaine (et avec dans le rôle titre à chaque fois : Gemma Artyerton).

Elle pratique ce médium cependant depuis au moins 1977 et son premier album en anglais, tournant en dérision le lectorat intellectuel de gauche du journal the Guardian, bien qu’elle ait commencé le dessin de presse en 1962 (1). Tout en prenant la suite de ses précédentes œuvres appréciées, et déjà citées, mettant en relation des quadragénaires évoluant dans un milieu un peu bobo, mais surfant sur son recueil de planches
« Literary Life  : scènes de la vie littéraire », paru en 2014, décrivant de manière assez acide mais avec beaucoup d’humour son expérience du milieu littéraire, elle propose avec « Cassandra Darke » une approche policière du même milieu.

Cassandra Darke n’est pas une vieille fille qui, comme souvent dans ces cas là, vit avec ses petites habitudes et ses idées arrêtées sur tout, car elle a été mariée durant quelques années. Malgré ou à cause du diagnostique Alzheimer de son mari, intervenu après leur divorce, elle continue à gérer la galerie d’art londonienne qu’elle a monté auparavant avec lui, s’occupant de tout, l’ami ayant repris l’affaire n’étant jamais sur place. De quoi se laisser tenter et jouer avec le feu, en vendant plusieurs copies de reproductions signées par exemple. Un jeu qui pourrait bien la conduire en prison. Le plus inquiétant cependant réside plutôt dans le petit appartement qu’elle a loué à la fille de cet ami : Nicky, afin de l’aider dans ses études artistiques. Cette dernière n’a malheureusement pas eu les fréquentations idéales, et le tourbillon dans lequel elle s’est fourrée, avec un copain d’un soir, va ricocher sur la vieille dame…


Le Style narratif de Posy Simmonds destabilisera certainement les amateurs de bande dessinée dite
« classique », avec système de gaufrier. L'auteure pratique en effet un genre davantage lié à l’illustration, issu de son expérience « journalistique », car, malgré des phylactères nombreux, parfois utilisés sur plusieurs pages d’affilé, ce sont aussi de nombreux pavés de textes qui ornent les pages, qui sont elles-même coupées par de grande illustrations couleur ou des têtes de chapitre, donnant cette impression de feuilleton. Au delà d’une histoire superbement ficelée, que n’aurait pas reniée une Agatha Christie, c’est donc bien ce traitement de mise en page et narratif qui fait le sel des ouvrages de l’auteure.
Les sentiments sont justes, la société examinée et rendue avec beaucoup de réalisme, et Posy Simmonds laisse transparaitre ce qui doit être sa vision personnelle de notre société : une société où l’on peut vivre tout à la fois avec ses traditions, ses coutumes, ses habitudes, et ne pas renier l’air du temps qui flotte à nos côtés. De fait, Posy Simmonds parvient magnifiquement à célébrer la modernité dans la nostalgie. Associé à une écriture juste et poétique, c’est une vraie marque de fabrique.
Un thriller magnifiquement enjoué.

FG

Dessin de presse © Posy Simmonds



(1) On pourra se ravir de ses nombreuses illustrations et courts récits dans la superbe et première monographie, parue à l’occasion de l’exposition qui était consacrée à l’auteure lors du Pulp festival 2019 à la Ferme du buisson :
« So British ! : l’art de Posy Simmonds » par Paul Gravett (Denoël Graphic 2019)



« Cassandra Darke » par Posy Simmonds
Éditions Denoël Graphic (21 €) - ISBN : 9782207142813

« Buzzkill » : juste un doigt alors !

Un titre paru fin août, qui m'est parvenu trop tard pour être chroniqué à la rentrée.

« Buzzkill », sous un concept scénaristique osé : associer le super-héroïque à la prise de drogues, permet de retrouver Donny Cates, auteur ayant le vent en poupe depuis quelques temps dans l'écurie Marvel. Que ce soit sur des licences ou en alternatif. On a d'ailleurs déjà eu l'occasion de dire du bien d'au moins quatre de ses dernières créations : « God Country », « Baby Teeth », (sur ce blog) « Ghost Fleet » et « RedNeck » (BDZoom), sans parler de l'étonnant (et enthousiasmant) « Cosmic Ghost Rider », lu chez Panini.

Dans cette histoire mettant en scène le jeune Reuben, toxico de son état, (alcool, cigarette), aux prises avec une malédiction lui octroyant des pouvoirs surhumains lorsqu'il "consomme", on a un peu de mal à voir où l'auteur souhaite nous conduire, ou en tous cas dans quel sens. En effet, si l'objectif de cette mini série en quatre épisodes est de dénoncer les ravages de la drogue sur soi-même et son entourage, cela est plutôt réussi.



L'aspect dramatique joue à plein, avec de nombreuses scènes violentes, plutôt bien mises en images par le trait fin et tranchant de Geoff Shaw et les couleurs de Laurent Affe. On apprécie aussi le travail de trame des scènes du passé. Cependant, le récit débutant sur les chapeaux de roue, nous plongeant dans le constat d'un personnage déjà en rupture avec sa petite amie (Nikki) et son (ex) équipe de super héros, on a un peu le sentiment que l'on a loupé un épisode...finalement, les scènes du quotidien de Reuben résonnent avec davantage de force que celles présentant ces héros dont on ne sait pas grand chose, et le dénouement semble nous donner raison, en suggérant, à l'aide d'une métaphore à peine voilée, que ces histoires de super pouvoirs ne seraient que foutaises, laissant l'unique responsabilité de ses méfaits à l'homme "normal", le citoyen ayant abandonné...


C'est un constat que Donny Cates a déjà abordé, d'une autre manière dans « Country God », et si l'on devait faire un parallèle, je citerai bien, à la fois « The Cape » de Joe Hill, pour l'aspect dévastateur, et le poids de la culpabilité que l'on souhaite déverser sur autrui, mais aussi : « The Mask », car il est facile de se cacher derrière un "alibi". (1)
« Buzzkill » est intéressant, mais mélange trop les genres et aurait sans doute gagné à aller plus droit au but.


FG

(1) « The Mask » dont on parlera très bientôt sur BDzoom, puisque les éditions Délirium ont eu l'excellente idée d'éditer les premiers épisodes du comics. (Album à paraitre le 18 octobre.)


« Buzkill » par Donny Cates, Mark Reznicek et Geoff Shaw
Éditions Delcourt (15,95 €)- EAN : 978-2-413-01661-8

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