mardi 29 décembre 2015

Le cinéma français d'auteur se porte bien, merci..

 A l'heure où un certain blockbuster produit par une très grosse boite américaine d'entertainment défrise à grand renfort de marketing outrancier les classements d'entrées au cinéma, des salles arts et essais continuent à diffuser tranquillement mais sûrement des œuvres intéressantes.
Les cow boys de Thomas Bidegain et La vie très privée de monsieur Sim de Michel Leclerc en sont deux parfaits exemples.
Le premier aborde d'une manière sinueuse, comme le serpent que François Damien piste dès la première demi heure du film, le sujet de l' endoctrinement culturel et religieux.
Il prend le noyau familial comme point de départ, pour mieux le faire éclater. La vie s'arrête au moment où l'un des membres (la fille, Kelly) vient à manquer.
Le père, puis le fils, avec deux méthodes différentes, vont découvrir les arcanes de cette nouvelle guerre qui se joue, loin des champs de batailles traditionnels. Une guerre dont les fantassins se terrent dans des caves d'immeubles ou dans les villages reculés du Pakistan.
Et si les allers retours en pays étrangers ne permettront pas vraiment de retrouver la fille disparue, on a le sentiment que ce brassage de cultures est dorénavant incontournable pour comprendre le monde complexe dans lequel nous vivons désormais.

Le rapprochement à la fois poétique et très dramatique de la jeune pakistanaise interprétée par Ellora Torchia et du frère de la "disparue" : Finnegan Oldfield, fait à cet égard office de symbole fort sur la nécessité de connaissance des autres aujourd'hui.
Nos cow boys Français (des amateurs de country dans l'Ain), symbole d'un certain conservatisme, feraient d'ailleurs bien d'apprendre autre chose que de simples pas de danse en groupe (pour ne pas dire troupeau), s'ils ne veulent pas être complètement rattrapés par la dure réalité d'un monde en mouvement.  C'est un peu le message coup de poing de ce film vérité, témoignage de vingt ans de vie avec Al qaïda.


La vie très privée de monsieur Sim, quant a lui nous fait croire au départ à un film de facture chiche assez classique, où l'on suivrait la vie peu ragoûtante d'un quinqua en pleine dépression, récemment divorcé. Jean pierre Bacri, interprète principal, nous fait à la fois peine et sourire, car il garde encore un peu de philosophie dans les premières minutes du film.
Mais si d'autres personnages, d'abord insignifiants (Valeria Golino, Vimala Pons :  Poppy, Mathieu Almaric : Samuel,  et Felix Moatin, Vincent Lacoste, ......), vont prendre au fur et à mesure une importance scénaristique insoupçonnée, et porter le film vers un intérêt universel, c'est sans doute grâce à la qualité d'écriture de Jonathan Coe, dont ce long métrage adapte le roman éponyme.  

Se servant d'un parallèle de course ratée autour du monde en bateau (l'épisode tragi-comique du navigateur anglais amateur Donald Crowhurst en 1969), le scénariste nous entraine avec son antihéros dans un dédale, aussi bien géographique que mental où le fantastique n'est jamais bien loin*. Le rôle des rond points et du GPS étant à ce propos de premier ordre comique et symbolique. 
(*) Les passages dans la neige, ou sur l'île par exemple.

...On ne saurait dévoiler la fin de cette histoire, inattendue, mais on se permettra juste de préciser que toute errance est utile à un moment de la vie, afin de pouvoir (peut-être) retrouver son chemin... et l'âge n'y peut rien.

> Deux films aux forts messages d'espoir, et d'amour.

samedi 12 décembre 2015

La fille du patron : un film rock ?

Un stade : un barbecue, une équipe locale de rugby, et les femmes, les enfants, qui passent un bon moment. C’est ainsi, sur une musique très populaire, dans le sens musical du terme français (façon musette), que le premier film d’Olivier Loustau débute.
Les dernières scènes (tournées au stade Malleval).
©Laureline Guigue










Vital
, (joué par le réalisateur), entraineur de l’équipe de rugby locale « Tricot », marié et papa d’une fille d’une dizaine d’années (Fanny, jouée par la roannaise Témoé Nouzille) travaille avec ses potes dans une boite de tricotage roannaise dirigée par Baretti (Patrick descamps.)
Dés les premières scènes, Alix, jeune femme assez frêle, qui s’avère être la fille du patron, (Christa Theret), est présentée par l’équipe dirigeante aux ouvriers. Elle est là pour mener une étude ergonomique, et va choisir deux cobayes; dont Vital. C’est le début d’une relation, malheureusement vouée à être dramatique entre eux deux, car cette étude arrive à un tournant de la vie de Vital…

La solidarité comme liant
Le rugby, la moto, les potes, les femmes, la solidarité, le combat social d’ouvriers dans une entreprise en difficulté… sont des éléments simples mais forts qui participent au côté presque docu-fiction de ce premier film.
La liberté...en moto bien sûr.
Un métier chez Bel Maille
©france3-regions.francetvinfo.fr

Un témoignage de métiers quasi disparus
Pour toutes celles et ceux qui ont vécu la travail en bonneterie, et donc beaucoup de roannais, car leur bassin économique des années 50-90 était en grande partie axé sur le tricotage, le fait de voir tourner ces grosses machines,... la peur qu’elles peuvent inspirer lorsque les aiguilles tricotent à toute vitesse.. la relation assez singulière entre chef d’équipe, chef d’atelier, patron… (l’intouchable), les autres postes de l’atelier…amènera évidemment beaucoup d’émotions.

Une poésie palpable, et un hommage à une ville
Mais cela est sans compter sur les scènes simples, de relation sociale, tournées au sein de la ville et dans ses environs directs; qui provoquent un effet sur tout ceux qui ont connu une ville au charme bucolique certain (on est très proche des collines de la côte roannaise) mais dont les entreprises embauchant des milliers de personnes ont finalement toutes fermées. 

Cette ville est filmée entre un mélange de zones un peu vagues, façon road movie : la Villette, quartier de l’ex rotonde de la Sncf, où l’entreprise locale Bel Maille, utilisée pour les besoins du film est située, et d’autres plans plus poétiques :
Certains bords de Loire, très peu fréquentés par les roannais, mais dont une grande partie  marquée par un passé industriel au XIXe siècle a été remis en valeur,
Des boulevards plus récents, utilisés chaque jour, ici passés en moto par notre fine équipe, à la sortie d’une troisième mi-temps bien arrosée.
L’école d’un quartier ouvrier… filmée au moins à deux reprises.. comme pour insister sur l’importance de la relation parents-enfants, et l’éducation qui peut ouvrir des perspectives.. 
Tout cela donne un aspect très Ken Loach à ce premier film. Et on ne s’en plaindra pas.

Lorsque la réalité dépasse la fiction :
©france3-regions.francetvinfo.fr
http://tinyurl.com/oycu5tw

Olivier Loustau, dont la propre mère est originaire de Roanne, a, comme il dit, « été dirigé par des faisceaux convergeant vers Roanne », puisque sa coproductrice aux côté de Julie Gayet, a aussi de la famille ici,
filme la plupart de ses scènes avec le soin du détail « social ». Comme lorsqu’il choisit cette maison au portail en bois bien abîmé, au milieu d’un quartier ouvrier pas si moche que ça, pour bien situer sa propre condition sociale, en plein marasme…
Ou lorsque, assis tous deux sur les marches de l’arrière des tribunes du stade Malleval, Alix et lui dévoilent sous eux un escalier en béton hyper dégradé, tel qu’on en verrait presque jamais dans n’importe quel film à moyen budget aujourd’hui.

La musique, pour appuyer le lien social
Filmer la réalité, oui, mais pas sans poésie, et sans support : c’est le rôle de la musique qui est, sinon omniprésente, en tous cas diffusée avec goût et précision, et dans une ambiance presque intemporelle, quoi qu’un peu axée année 80. 
A part le côté tzigane au départ, composé par Fixi (accordéon), on reconnait les Selecters, avec le tube ska « Too much pressure », bien dans l’esprit, lors de la troisième mi-temps.

Un ou deux autres titres rock moins connus  parsèment le film, et la bande est sinon composée par Fixi Bossard, qui interprète avec son acolyte Winston Mc Annuf le superbe « Garden of love », bande générique de fin, dont les paroles sont éloquentes :

« Here we are on the same boat » …   Here we are on bending knees
, Giving praises to the Almighty  
Yes we will no wear no frown

Because we’re working for a crown
,
Yes we’re living in charity
  Helping those who are in need

No we just can take no bribe
  Because the truth we can’t denie,


You’re welcome, you’re welcome
  In my garden, my garden of love »

Si ce film révèle certainement un réalisateur du réel, qu’il faudra suivre,  il nous permet aussi de remarquer à nouveau le talent d’acteur d’Olivier Loustau, que l’on avait surtout repéré dans les films d’Abdellatif Kechiche.
Une belle surprise.



Winston McAnuff & Fixi - Garden Of Love [Clip... par WinstonMcanuff

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