dimanche 17 novembre 2019

« J'accuse » : certes polémique, mais indispensable.


Vu hier au soir « J’accuse », de Roman Polanski.
Beaucoup apprécié ce film, d’une histoire vraie : « L’Affaire Dreyfus » que la plupart d’entre nous, (de plus de vingt ans), connaissent normalement par le lycée.

C’est tout d’abord un réel plaisir que de voir reconstitué avec talent cette époque de la fin XIXeme siècle, (nous sommes en 1894), à Paris. Pas de chichi, peut-être manque t-il, sur certaines scènes un chouilla de population dans les rues, mais le film se situe assez souvent dans des bâtiments militaires ou dans des beaux quartiers (officiers obligent). Néanmoins, Polanski, se basant sur le roman « D. » de Robert Harris (2013), parvient à instaurer un ton sombre et dramatique (il valait mieux), sur l’ensemble du film, évitant tout mélodrame et tout sensationnalisme. Il apparaît, soit dit en passant, dans un caméo, en spectateur aux rouflaquettes, d’un concert privé dans un salon.

Jean Dujardin interprète un colonel Picard, découvrant la « machination », avec un brio, que l’on lui reconnait sans problème, au moins depuis 2011 et « The Artist » . Il s’agit d’un acteur parvenant à interpréter à la fois les rôles comique et dramatiques, comme peu savent le faire. Louis Garel, pour sa part, se glisse avec une prestance incroyable dans la peau du capitaine stagiaire Alfred Dreyfus, lui conférant une tenue et une froideur impressionnante. La ressemblance entre les deux hommes, acteur et vrai Dreyfus, est d’ailleurs frappante.


Ce que je reteindrai de ce film, en dehors de cette reconstitution assez agréable et « sonore » - les pas sur les parquets des immeubles d’époques restent gravés -, et ces autres petits détails, comme cette fenêtre qui ne s’ouvrira pas, dans le bureau du renseignement du colonel, décrivant à sa manière, le manque de moyens de structures administratives fantoches, ou bien encore les prémices de l’espionnage en France…c’est une leçon.
Comment un homme, et presque un seul, par l'unique biais de son éducation, parvient à accéder à une somme de valeurs qui vont lui permettre de se placer en rempart unique face à une machination ourdie par une communauté entière (la grande muette pour le coup, c’est à dire l’armée), plus une partie de la population,au risque de sa vie. Certes il va être aidé, lorsqu’il comprendra que seul il ne pourra arriver à ses fins, mais le prix à payer restera élevé.

Il faudra bien une longue vue pour décrypter la machination...
mais l'intelligence jouera un meilleur rôle cependant.

Aujourd’hui, on parle de héros lorsqu’un citoyen saute à l’eau ou monte à mains nues le long d’un immeuble pour sauver un enfant en détresse, mais alors, comme appeler un militaire qui accepte de faire un an de prison pour défendre la justice, « sa » conception de la justice, que l’on n’hésitera pas à tenter d’assassiner d’ailleurs. Même Zola, qui écrit ce fameux édito « J’accuse » dans le journal l’Aurore, sera condamné à de la prison. Cela, je l’avais zappé, imaginant bêtement q’un auteur de cette notoriété aurait été suivi par tous. C’est loin d’être le cas, et la scène d’autodafé de ses livres en pleine rue de Paris, par les partisans du « lobbying juif » est à cet égard assez perturbante. Elle renvoie d’ailleurs à un certain nombre d’affaires récentes, basée sur cette notion de complot, mais on ne peut évidemment s’empêcher de penser aussi à la monté du nazisme quelques années plus tard en Europe, et surtout au conflit 14-18, qui verra ces beaux militaires droits dans leurs bottes, subir une invasion honteuse durant toute la première partie de la guerre, avant de la "gagner", mais à quel prix. Ceci amenant d’ailleurs cela…

L’engagement et la perspicacité, la droiture et la foi en la justice.. sont les maîtres mots de ce film historique percutant. Il faut aller le voir, au delà des polémiques. Il pourrait bien servir à pas mal d’entre-nous, dans la vie d’aujourd’hui. 

FG

lundi 11 novembre 2019

Jonathan Struppy de Joan Boix : « Phare » away from home…



Joan Boix fait partie de ces auteurs – dessinateurs dont on avait un peu zappé le travail, et surtout le nom, même si à l’occasion, une ou deux de ses histoires ont bien du nous passer sous les yeux dans quelques revues de bande dessinée, et nous marquer immanquablement la rétine.
Toujours est-il que les éditions Mosquito, après avoir proposé un recueil de son « Robny le Clochard » en 2016, ont récidivé en février de cette année, avec ce recueil des histoires du gardien de phare Jonathan Struppy.







Lorsque l’on parcoure les récits remplis de tristesse et de fatalité, souvent, des ancêtres aventuriers de ce vieil homme, isolé dans son phare, dernier d’une lignée de navigateurs et seul qui n’a jamais quitté la terre ferme, on ressent une partie des émotions éprouvées à la lecture des classiques d’horreur des années 70. Il faut préciser que Joan Boix n’est pas un amateur découvert en 2016, à l’occasion du premier recueil espagnol de ces histoires, chez Aleta, publiées originellement sous la forme de trois « tebeos » en 1998 et 2000 en auto édition (1), mais est présent dans le métier depuis les années cinquante. Il a cependant concrètement marqué, à sa manière, ces fameuses années soixante-dix, avec des récits d’horreur ou de suspense, que ce soit pour Marvel avec les Monsters Unleasehd, Eerie (Rufus en Espagne), Creepy (Wampus), Fog (chez Arédit), ou dans les années quatre-vingt dans les revues Thriller, Circus, ou Cimoc, Totem, mais encore 2000AD.
Son style graphique, certes relativement classique, au trait noir et blanc, dans la ligne assez traditionnelle des auteurs espagnols que l’on a pu découvrir dans ces années-là , bien que l’on puisse y trouver aussi un peu de réminiscences d’autres bandes, italiennes celles-ci, de l’écurie Bonelli, délivre néanmoins toute sa qualité dans les pages moyen format de l’édition Mosquito, dont les cases sont couchées sur un papier au grammage adéquat et à l’impression éclatante. Quant aux scénaarii, Joan Boix fait partie de ces auteurs dont le talent de conteur n’est pas à démonter.  Ce qui peut paraître impénétrable au premier regard, avec des filiations anciennes et des souvenirs lus par le gardien de phare, via de vieux manuscrits, prend rapidement le ton d’un livre du soir, que l’on a adoré écouter, enfant, blotti sous ses draps. Le vieux Jonathan réagit à l’occasion, de ses remarques outrées, et redonne du rythme au récit. Tout un art…

Que l’on voyage en arctique sur les traces de Jérémy, lors d’une expédition polaire qui tournera mal, du hollandais volant, co équipier de Joan ; Mateo, amant de la femme esclave de son capitaine, alors que la peste fait rage ; Morgan le corsaire, Ofir le Phénicien, ou Lucrecia, riche propriétaire en Jamaique, tous ces récits donnent l’occasion de voyager au fil des siècles par procuration, mettant en avant cet amour de l’aventure et de l’histoire, si propre à certaines BD classiques.
Cette édition permet de réaliser l’aubaine que l’on a de pouvoir se délecter de récits, restés trop longtemps oubliés dans les pages jaunies de revues maintenant assez anciennes. Il est cependant un peu dommage que la politique éditoriale des éditions Mosquito ne juge pas utile la présentation de quelques pages sur l’auteur dans ses publications « classiques ». C'est pourquoi on se reportera sans retenue sur l'excellent travail patrimonial produit par Gilles Ratier sur BDzoom.com : http://bdzoom.com/97925/patrimoine/joan-boix-un-maitre-espagnol-inconnu-en-france/.

FG

(1) Tebeos toujours commandables sur son blog, d’ailleurs : https://joanboix-art.blogspot.com/


« Le Phare » de Joan Boix
Éditions Mosquito (18€) – ISBN : 9782352835134


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