dimanche 31 décembre 2023

Collecto Web : la quête des vieux illustrés jeunesse (en province)

Comment se met-on à rechercher avidement, trouver et éventuellement collectionner de vieilles revues illustrées ou de vieux albums de bande dessinée lorsque l'on n'est PAS sur Paris ? (Une note pour les amateurs de vieux papiers).

Prologue et conseils

C'est quoi collectionner des vieux papiers ? Quelle est donc cette folie qui nous fait chiner plus que de raison et amasser des vieilleries sentant le renfermé, et étant complètement déphasées du temps dans lequel on vit ? Tout d'abord, il y a l'amour de la culture. La "Populaire" dans l'absolu, celle qui a su faire exister des objets ; des créations générant des sensations. Si l'on est amateur de cinéma, que l'on s'estime cinéphile, il ne fait aucun doute que l'on souhaitera connaitre ce qui a été fait avant. Les grands classiques comme on les appelle. Cela sera aussi valable pour les disques, et donc les livres, les bandes dessinées. Dans ce dernier cas, on s'intéressera autant aux dessinateurs qu'aux scénaristes et l'on souhaitera savoir d'où viennent les uns et les autres, ce qu'ils ont réalisé avant ; avant notre entrée en matière. Dés lors, les travaux de nos prédécesseurs amateurs, plus ou moins érudits, nous serviront. Des sites web et magazines, revues, fanzines, seront incontournables à consulter. Et pour ce qui concerne la bande dessinée, on consultera avec passion les sites suivants : BDoubliées, LaDatabaseduloup, BDzoom, Juventa.fr, Gallica, ComicVine, Petitformats.fr...etc.

Cette quête nous amènera forcément vers les revues illustrées, d'abord des années soixante-dix, puis soixante,

puis cinquante (l'âge d'or), puis quarante... et enfin on atterrira sur les vieux livres illustrés des années 1930, 1920, 1910... 

Le vintage, ça ne s'explique pas vraiment. Ça se ressent. Aimer l'ancien, c'est reconnaitre la beauté et la poésie d'une époque. C'est apprécier des valeurs disparues, ou au contraire, comparer ce qui a changé et sourire d'une certaine naïveté. Dans tous les cas, c'est être témoin privilégié d'un temps passé. On peut aussi aimer apporter la connaissance de cette époque, on en parle un peu en fin de note (voir point 10).

En 2023, il est d'autant plus fascinant de pouvoir, grâce à la magie des brocanteurs et encore davantage internet, chiner dans les affaires de particuliers du monde entier. Si l'on se contentera de l'Europe, depuis le Brexit et les augmentations inacceptables des taxes pour l’Angleterre et les USA, il faut reconnaitre que les sites de ventes d'occasion de type Le bon coin, Rakuten et plus récemment Vinted (voire Ebay), regorgent d'opportunités. Quel plaisir de pouvoir prendre le temps de fouiner, chercher et...trouver quasiment tout ce que l'on rêve de récolter. Que ce soit des anciens collectionneurs se séparant de leur propres collections, ou des familles dispersant aux quatre vents ces dernières, il y a fort à parier qu'avec un peu de temps et de rigueur, et sans vouloir absolument trouver LA pièce en état neuf, on puisse se faire avantageusement plaisir. C'est ce qui m'anime depuis quelques années. En vérité, j'achète par correspondance depuis le début des années quatre-vingt, ayant commencé avec la collection L’œuvre intégrale d'Hergé. Quel plaisir c'était de recevoir chaque mois son volume dans la boite aux lettres. Cela m'a donné le goût de ce Noël avant l'heure, où tout est permis. Entre temps j'ai intégré avec grand plaisir les lois du Web market, et des plateformes d'occasion (d'abord Priceminister, puis bien d'autres sites, pour des BD d'occasion et des disques), puis ensuite les autres sus-nommées. 

 

Quelques règles de base sont à respecter lorsque l'on souhaite se lancer dans de la chine de qualité sur le web :

1 - Tout d'abord, lire. Beaucoup. Se renseigner dans de vieilles revues, des articles sur le web, et connaitre la rareté et ou la valeur de ce que l'on cherche.

Cela permettra de ne pas faire et dire n'importe quoi. (Mais aussi hésiter trop longtemps ou trop négocier avec le vendeur, ou à l'inverse, payer trop cher une vieillerie

en très mauvais état). Évidement, plus on recherche, plus on lit, plus on découvre, plus... on souhaite avidement d'autres choses. C'est le paradoxe cynique de la chose, mais... on aime le vintage et les vieux papiers, ou pas ?

2 - Ne pas perdre de vue que dans l'absolu, ce que l'on cherche doit d'abord rester un plaisir, lié à différentes raisons (Madeleine de Proust, ou simple plaisir de la découverte).

3 - Un lot sera toujours plus intéressant qu'un achat à l'unité. Pour vous comme pour le vendeur. On négocie d'ailleurs mieux dans ce cas. Ne pas le perdre de vue et orienter ses recherches en ce sens en majorité.

4 - Il en découle qu'on ne se lance pas dans de la recherche et de la collection si l'on a pas un sou vaillant.

5 - Bibliographie.
Bien se documenter avant et lors de ses recherches ; prendre des notes, ne pas se tromper, car il existe des éditions parfois assez similaires, qui n'ont pas la même cote. On pourra en effet trouver des livres du même éditeur, de la même année, mais qui ne possèdent pas les mêmes illustrations ou alors pas celles pleine page couleur...etc. D'où la différence de prix. Ne pas hésiter à demander des photos, à se faire préciser l'état. En restant très poli.

6 - Voir ce que le vendeur propose d'autre. Des pièces isolées dans une vente étant souvent synonymes de bon plan, issues d'un vendeur ne connaissant pas trop la rareté ou le marché, tandis qu'une armada de belles pièces sera plutôt synonyme de prix "à la pleine cote" d'un collectionneur souhaitant se faire un maximum d'oseille.

7 - Une fois le contact pris, avec politesse, rester en bons termes et bien remercier. Cela peut paraître une évidence, mais être acheteur n'est pas une fin en soi. On peut être amené à reprendre contact pour une raison ou une autre avec le vendeur et celui-ci sera sans doute heureux de pouvoir refaire affaire avec vous, de manière des fois très sympathique. 


 8 - Dans cet état d'esprit, ne pas hésiter à échanger avec amabilité, voire engager une discussion sur votre passion. On peut être très surpris de ce que certains collectionneurs (anciens souvent, et belges très souvent) sont ravis de pouvoir trouver à "offrir" leur trésors à d'autres amateurs. Il m'est personnellement arrivé d'avoir la surprise de trouver des bonus dans mon paquet, et pas des moindres, ou de ne pas payer une commande effectuée, récupérée par un ami de main à la main, car le vendeur m'en faisait cadeau.

9 - État. Dans mon cas, je préfère un état moyen, mais complet (voir légèrement incomplet), mais qui se tient, à un très bon prix, plutôt qu'une superbe pièce inatteignable en termes de budget. Sachant que j'estime en amont les moyens qu'il me faudra pour réparer, améliorer ou compléter le volume que j'acquiers. De fait, s'il s'avère après recherches poussées, que le volume est vraiment rare en bon état, le budget devra être augmenté. Se posera alors la question de l’intérêt de posséder ce dernier, mais... une fois que la recherche est lancée, difficile de faire machine arrière; cela devient un défi.

10 - Conservation- catalogage.
Il va de soit que dans ce travail organisé de recherche et d'amassage de ressources physiques, peut apparaitre une notion de conservation. Le collectionneur a plus ou moins conscience de sauvegarder une partie du patrimoine populaire. Dés lors, il sera avisé (ou pas) de bien conserver ses acquisitions (avec restauration éventuelle, mise dans des pochettes plastiques, des boites au sec...etc.), et il cataloguera plus ou moins efficacement tout cela. Voire, il le partagera. Cela pourra se faire de manière distraite via des photos et des notes sur un réseau social, ou de manière un peu plus érudite, sur un ou des sites spécialisés. 

En conclusion : on l'a vu : la chine "organisée" sur le web n'est pas à la portée du premier venu. On peut s'y perdre, et la recherche est souvent, comme la fameuse "sérendipité" propre au web, induite et déroutée par ce que l'on trouve sur son chemin. C'est en tous cas ce qui m'arrive souvent lors de mes recherches. Parti pour, par exemple, trouver des éditions en bande dessinée de Robin des boisau fil du temps, je (re) fais connaissance avec des revues, des noms d'artistes, et je me laisse dérouter. Soit par d'autres produits d'un vendeur bien achalandé, soit par d'autres pistes intéressantes. Ce dédale doit être néanmoins parsemé de repères, si l'on ne veut pas se perdre complètement. Car le temps lors d'un achat est une notion importante, voire cardinale, on l'a déjà vu auparavant. (Des photos d'écran collectées en albums me servent à m'y retrouver). Trop hésiter ou ne pas poser de jalons, de repères, risque de nous faire perdre la piste, et l'achat. Cela peut être parfois source d'un grande frustration.

Et, au fait, n'oubliez pas : de lire vos acquisitions ! :-)

Bonne chine !

Témoignage

Tout a commencé avec un lot de Coeurs vaillants 1952-56 et un recueil Coq hardi (#6) de 1952 gentiment légué par mon beau père lors de son déménagement en 2022. Fasciné par certains récits de Coq Hardi, et entre autre Jacques Canada de (Dick Fletcher,) ainsi que Sitting Bull de Marijac et Dut. Je me mets à vouloir compléter ces récits. Là dessus, je tombe sur des pages documentaires et illustrées, en couleur, décrivant la vie de pionniers et indiens, réalisées par un certain Joe Hamman

 

Je me renseigne, et constate qu'il a dessiné pas mal de fiches, entre autre dans Coq hardi et Pierrot. Sa vie est formidable. Il a été aux Etats-Unis du temps des premiers Wild West Show et est devenu ami avec Buffalo Bill. Il a aussi visité la réserve Sioux de Pine Ridge et s'est lié d'amitié avec Red Cloud, un des chefs indiens ayant participé à la fameuse bataille de Little Big Horn, avant de revenir en France, et de réaliser et jouer dans de nombreux films westerns, jusqu'en 1937 environ. Ensuite, fort de son bagage académique de dessinateur, il a commencé une carrière d'illustrateur et raconteur de cette vie du far West dans des périodiques pour la jeunesse ainsi que dans des livres d’aventure ou documentaires. Un jour, par hasard, je tombe sur l'un de ses nombreux livres illustrés dans une brocante. Puis je réalise qu'il est crédité sur une histoire de Red Cloud, le chef indien, dans une poignée de Coeurs vaillants datés 1951. (1)

Je m’empresse donc d’acquérir un maximum de revues où apparaissent ses chroniques. Je me renseigne aussi sur Buffalo Bill et les premières publications liées au personnage et trouve par chance un rare recueil de fascicules consacrés à ses histoires, daté 1946, par Fronval et illustré par Brentone. Ces fascicules sont une sorte de second chapitre faisant suite aux tous premiers fascicules (« Dime novels », ou roman à quatre sous), consacrés au personnage. William Cody avait en effet donné son accord à la fin du 19eme siècle pour conter ses histoires (imaginaires et/ou exagérées/romancées). "Buffalo Bill" étant la traduction d’une série de « Dime novels » (romans à 10 cents) publiée par la firme new-yorkaise Street and Smith. La première aventure paraissant en 1869 dans le Street and Smith’s New York Weekly. 


Le mythe de Buffalo Bill, forgé de toutes pièces par Edouard Zane Carrol Judson dit Ned Buntline (1821-1886), fut entretenu après lui par de nombreux écrivains. En Europe, ces aventures furent éditées, sans indication d’auteur ni de traducteur par la firme allemande A. Eicher à partir de 1906. (Source : Gallica).

Les Dime novels de Street & Smith (approximate Dates of Issue: 1902-1915) Approximate Number of Issues: 591. https://dimenovels.org/Series/162/Show

On compterait 385 fascicules européens Eichler d'après le site https://www.papy-dulaut.com/article-eichler-les-aventures-de-buffalo-bill-119867142.html

Après guerre, c'est Georges Fronval qui repris le principe, avec son collègue illustrateur René Brantone

 

Fasciné aussi par le Western depuis mon enfance, je me mets à vouloir compléter d’autres récits de classiques de ce genre, illustrés. Fenimore Cooper apparaissant comme l’un des fondateurs. Années cinquante, années quarante, années trente... d’autres noms comme Thomas Mayne Reid apparaissent et je retrouve aussi au passage des illustrateurs connus : Le Rallic, René Follet… et fait connaissance avec d’autres. Mon voyage en Ecosse et entre autre dans les Highlands, et un passage à Culloden et dans la forêt de Sherwood me donnent aussi envie d’en savoir davantage sur Robin des bois, Walter Scott, mais aussi Robert Louis Stevenson (Le maitre de Ballantree)… C’est ainsi que que je me tourne aussi

vers les Classiques illustrés et les Mondial aventures, publiés par les publications classiques internationales et la société parisienne d’édition, dans les années 1954 et 1957. Cherchant à compléter des fascicules et des histoires devenues rares, je trouve des recueils à bon prix, puis, tout en cherchant encore à compléter certains récits, tels Quentin Durward de Walter Scott, je tombe sur sa publication en récit illustré dans le journal Fillette de la SPE en 1951. Ni une ni deux, je me mets en chasse et trouve.

Une quête à la fois excitante et sans fin, semble t-il, où seul le temps permettant de tout lire en détail manquera, cela ne fait aucun doute ;-)

Florilège de pages de Mondial aventures (en recueil) et de Fillette...




















 

 

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