samedi 27 octobre 2018

Venom et les super-héros au cinéma : un pas vers l’extropisme ?

http://villains.wikia.com/wiki/Carlton_Drake
La mode est aux films de super-héros depuis le début des années deux-mille, et l'on peut se poser certaines questions aujourd’hui quant aux messages qu’ils véhiculent en arrière-plan. La thématique du Trans humanisme est une piste sensible…


Je suis ressorti de la séance du dernier Marvel « Venom », l’autre soir, avec la sensation d’avoir vu un assez bon film de science-fiction, et un Marvel réussi. Je connaissais sans plus le personnage d’Eddie Brock, ce journaliste engagé (dans le film), qui, parce qu’il fait les mauvais choix, perd son job, sa fiancée et son appartement. Dans ce Blockbuster réalisé par Ruben Fleischer, un auteur pour l’instant plus connu pour des comédies, on fait la connaissance du symbiote extraterrestre Venom, ramené sur terre lors d’une mission spatiale de Life foundation, société privée du scientifique milliardaire Carlton Drake. Celui-ci, qui ne cache pas son attachement viscéral à l’évolution de l’être humain, vu l’inexorable déchéance qui guette notre race d’après lui, souhaite se servir de ce symbiote pour « magnifier » nos pairs, lors d’expériences terribles sur des « rebus » de la société (sans abris, malades mentaux abandonnés…etc.). Il se trouve que par hasard, Eddie Brock ayant été mis au courant de ces agissements et souhaitant enquêter sur ces laboratoires, va se révéler être LA personne qui pourra le mieux se « coupler » avec le parasite. 

Il me semble que dans un film tiré de comics, et donc un film d’Entertainement (de divertissement), le sujet du transhumanisme n'avait pas encore été évoqué avec autant de force et sans détours, via le discours du scientifique. On pourra néanmoins se référer à d'autres films, tels « Prometheus », ou d'autres listés plus bas (2). Etonnant d’ailleurs de constater combien la fiction rejoint la réalité, eut égard seulement à la ressemblance entre un personnage comme Carlton Dracke, dans « Venom », et le milliardaire Elon Musk, lançant lui aussi des vaisseaux dans l’espace, de nos jours. Il est donc aisé de se demander dans quelle mesure cette œuvre de fiction n’a pas comme ambition sous-jacente de véhiculer les théories eugénistes du transhumanisme, voire de l’extropisme (1), à des spectateurs venus au départ simplement se divertir .  


Le fondateur de la société Weyland dans Prometheus
http://avp.wikia.com/wiki/Peter_Weyland 


Marvel et les super-pouvoirs : vers le super-humain ? 

Il fut un temps où voir un super-héros comme Iron-Man laissait un sentiment mitigé, entre ébahissement devant tant de savoir-faire et de pouvoirs, et dégoût de la vanité face à la richesse qu’un tel homme peut brasser. La plupart des super-héros, tirés de l’univers des comics Marvel, bénéficiaient de pouvoirs soit technologiques, soit biologiques, ou liés à des expériences ayant mal tourné, et ces comics, issus pour la majorité des années soixante, étaient liés aux débuts de l’ère nucléaire. Le propos des fascicules originaux était davantage axé sur la critique de ces expériences, même si une réflexion sur le devenir de l’humanité face à ces évolutions a pris du poids au fil du temps, des auteurs impliqués, et des nombreux numéros parus. 

Iron Man 1

On a pu voir les films des années deux-mille comme de simples adaptations de ces histoires, mais il est intéressant de constater que depuis se sont développées des théories transhumanistes prônant la nécessité de rendre l’homme meilleur. Meilleur dans sa conception, et donc obligatoirement amélioré, augmenté par l’évolution des technologies, par le biais de prothèses de plus en plus sophistiquées, d’implants, puis de circuits électroniques reliés au web, pour terminer, au final, vers une parfaite osmose entre ce qui resterait de l’homme, et une intelligence artificielle. Le but avoué de tout cela étant de vivre plus longtemps, voire éternellement, et de pouvoir, qui sait, exploser les frontières de notre planète, afin de conquérir la galaxie, sans soucis « mécaniques/biologiques ». (Voir entre autre le livre « Le Mythe de la singularité : faut-il craindre l’intelligence artificielle ?, Jean Gabriel Ganascia, Seuil 2017). 

La scene d'Adamentium de Wolverine (XMen origins)


Des théories pouvant se révéler dangereuses 

Les fondations et sociétés se trouvant derrière ces théories sont déjà puissantes, en majeure partie basées aux Etats-unis, et usent d’un lobbying très fort pour contrer toutes celles et ceux (écolos, anti OGM, pro humain…) qui osent bloquer cette évolution, jugés par eux évidente et obligatoire. Dès lors, et pour revenir à Venom, comment ne pas voir dans ce symbiote permettant à Eddie Brock de mieux vivre, de survivre aux agressions, un parfait exemple de ce transhumanisme ? 

Ici, on a de plus l’attrait de la figure extra-terrestre, aux « technologies » et au développement avancés, permettant une parfaite osmose entre l’homme et la « machine », puisqu’une petite voix permet même une communication permanente et constructive entre l’hôte et son parasite. Mais le souci réside de facto dans le fait que ce Venom reste avant tout un « parasite ». Si dans le film, il nous est présenté comme un atout permettant au journaliste de se défendre, et bien entendu, uniquement aux moments opportuns, il disparait ensuite, laissant l’humain libre, plus ou moins, de ses mouvements et le reintégrant dans la vie normale, comme si de rie n’était. Un peu comme si, au final, ce dernier restait maître de la situation. Mais un parasite se comporte-t-il vraiment ainsi ? N’aurait-il pas été plus juste de montrer (démontrer) que celui-ci « dévore » son hôte de l’intérieur, et pas seulement ceux avec qui la symbiose ne s’opère pas ? Quelle est la part d’humain restante dans ce genre d’expérience ? 

Eddie Brock -Venom  (capture d'écran Youtube)
 Lorsque dans la scène finale, Eddie Brock « déchire » son masque, de manière naturelle, pour montrer qui il est au voyou braquant le petit commerce, et qu’il discute avec son parasite pour lui expliquer comment reconnaitre qui doit être considéré comme gentil ou méchant (en vue de lui croquer la tête)… on peut se demander si cette réflexion ne devrait pas aussi s’appliquer à lui-même… car… 

Qui est désormais Eddie Brock ? 

Le final répond quelque peu à cette question, en nous dévoilant dans le post générique de fin (attention : spoiler) une suite à cet épisode, mettant en scène un autre humain, psychologiquement complètement détruit et interné dans un asile (une prison ultra sécurisée) pour grands malades dangereux. Celui-ci va lui aussi, on s’en doute, faire connaissance avec le symbiote, sous le nom de… Carnage. Comme si l’idée était d’avouer qu’être possédé par un Venom, cela est plutôt cool lorsque l’on maitrise la chose (est-ce seulement possible ?)… mais bien moins lorsque l’on est très malade. Il y aurait donc deux poids, deux mesures. Bienvenue dans la communication subliminale 
transhumaniste des comics Marvel au cinéma ! 

Ps : On notera que c‘est justement pour lutter contre ce genre de dérives que des scientifiques éclairés comme Stephen Hawking ont publié en 2014 une lettre ouverte sur l’Intelligence artificielle :



 Franck GUIGUE 


(1) Déclaration extropienne 3.0 « Nous défions la notion de l'inévitabilité du vieillissement et de la mort, de plus, nous cherchons à apporter continuellement des améliorations à nos capacités intellectuelles, physiologiques et à notre développement émotif. Nous voyons l'humanité comme une étape transitoire dans le développement évolutionnaire de l'intelligence. Nous préconisons l'utilisation de la science pour accélérer notre transition de l'état humain à la transhumaine ou à une condition posthumaine. » 

(2) Un article plutôt intéressant sur l’intelligence artificielle au cinéma (site Les Humanoïdes)
https://humanoides.fr/lintelligence-artificielle-au-cinema/ 

La première scène de grimpe de Spider-Man 1

A lire : “Comment les technologies nous transforment en superhéros », sur le site suisse économique Bilan :
 http://www.bilan.ch/techno-plus-de-redaction/sept-facons-de-se-transformer-superheros 

Où Mediapart parle de Transhumanisme dans « Spider-Man Homecoming”
 https://blogs.mediapart.fr/cedric-lepine/blog/271217/spider-man-entre-lutte-des-classes-et-transhumanisme 


Et la liste des super pouvoirs d’humains « modifiés » dans la série Heroes. http://fr.heroeswiki.com/Liste_des_pouvoirs

dimanche 14 octobre 2018

Dilili à Paris : Michel Ocelot nous chante une belle époque pas si rose...

Dans cette nouvelle oeuvre ambitieuse et très réussie, Michel ocelot reprend les éléments qui ont fait son succès : une histoire originale bien écrite, où l’aventure et les scènes d’action sont nombreuses. Des décors superbes, des couleurs en feu d’artifice, et, encore davantage que d’habitude, de très nombreuses références culturelles. Il truffe aussi intelligemment son récit d'alertes sur les dérives de notre société, tout en s'autorisant quelques anachronismes...

Michel Ocelot, bien évidemment connu pour ses précédents chefs d’oeuvres de films d’animation : « Kirikou et la sorcière » (1998), ou « Azur et Asmar » (2006), pour les plus célèbres, n'avait rien proposé depuis 2011 et « Kirikou et les Hommes et les Femmes ». Ce dernier long métrage avait pourtant reçu un succès considérable (un des meilleurs films de 2012 selon Allociné et Wikipedia).

L’action de ce nouveau film explosif se déroule à Paris en 1931 lors de l'exposition coloniale (voir paragraphe suivant) et c’est l’occasion de croiser, dans des décors belle époque de toute beauté, les plus célèbres figures masculines ou féminines de l’époque : Sarah Bernardt, Marie Curie, Claude Debussy, Antoine de Toulouse Lautrec, Degas, Renoir, Monet, Emma Calvé, Suzanne Valadon, Aristide Briand, Edward VIII ….

Louise Michel, Sarah Bernardt et Marie Curie

Dilili est une petite Kanak d’une dizaine d’années, qui a été amenée à Paris, (on le devine plus que cela nous est expliqué lors de la scène d’introduction), afin d’animer le jardin d’acclimatation, avec d’autres membres de sa « tribu ». Cette première scène surprend déjà d’entrée, et fait écho au superbe documentaire  « Sauvages au coeur des zoos humains », diffusé par Arte le 28 septembre. https://www.arte.tv/fr/videos/067797-000-A/sauvages-au-coeur-des-zoos-humains/

Une manière pour Michel ocelot de donner le ton de son film, avec un message que l’on devine en filigrane, comme si le réalisateur lui-même nous avait avoué : « si nous allons passer un bon moment ensemble dans un film que j’ai voulu pour adultes et enfants, sachez que je ne laisserai pas de côté la triste réalité qui existait alors en France et en Europe ».


Cette scène est cependant vite évacuée (trop vite?), et le jeune Orel, livreur en triporteur, qui a repéré la jolie demoiselle, lui donne rendez-vous le soir à l'extérieur du jardin. De là va découler une enquête extravagante où il s'agira de démanteler le réseau des Malmaîtres, association de malfaiteurs procédant à l'enlèvement de petites filles.

Le fait que Dilili puisse ainsi devenir une héroïne, en dehors du jardin, apparaît en soit comme une situation assez improbable en réalité, d'autant plus que la demoiselle est habillée en princesse, parle un Français lettré, (elle aurait eu Louise Michel comme professeure), et se déplace en carrosse. Si c'est une manière pour le réalisateur de bien montrer (ou plutôt démonter) la triste réalité d'alors, où l'on fait passer des kanaks (donc des français) pour des sauvages, réduits à jouer des scènes quotidiennes dans un village « traditionnel » reconstitué, cela marque plus sûrement le début du film dans son aspect fictionnel, et onirique. Dés lors, on comprend (à la toute fin), après avoir suivi les aventures merveilleuses, quoi que rocambolesques de Dilii et ses amis, que tout cela n'était pas vraiment réel, et permettait de mieux faire passer la pilule, pour les publics enfants que nous sommes tous…


Mais, au delà de ce « détail » qui a son importance, Michel ocelot, s'il réussi à nous entrainer dans un récit d'aventure exaltant au coeur des quartiers les plus symboliques de Paris (la butte Montmartre, la place des Vosges, l'opéra, les égouts…) ne manque pas de truffer son film de points où son engagement humaniste ressort avec force. On note en particulier la dénonciation de l'esclavagisme et la place des femmes dans la société (terribles scènes dans les égouts avec les « quatre pattes », faisant immanquablement penser au sort réservé aujourd'hui aux  femmes dans l'état islamique, ou la corruption des élites et de la police.

Des scènes de toute beauté, aux symboles marquants...


Il est aussi particulièrement réjouissant de se délecter de la présence de toutes ces figures constituant l'élite culturelle et scientifique d'alors, (un patchwork saisissant permettant de se faire une culture rapide pour pas cher, et d'aller se renseigner ensuite), et de les voir s'entre aider et aider les plus démunis, dans une cause dépassant leurs propres intérêts. La morale du film est donc encore une fois admirable, même si la fin, en apothéose, comme souvent chez Michel Ocelot, détourne un peu l'attention. On peut en effet, dans ce que cette scène a d'exceptionnel et d'artificiel (1) imaginer qu'elle témoigne cependant de la différence entre le côté fictionnel du film et la triste réalité quotidienne que nous ne devons pas oublier de regarder.


Michel Ocelot fait de l'enseignement culturel et politique pour les plus jeunes publics, (il était enseignant d'ailleurs avant d'être réalisateur) et ça, c'est exceptionnel, même si l'on ne manquera pas de noter quelques anachronismes, comme la présence de Gustave Eiffel, qui reçoit les héros du film dans son appartement de la Tour Eiffel, alors qu'il est mort en 1923, ou celle, plus « symbolique » d'Aristide Bruant, au Moulin rouge, alors qu'il est décédé en 1925 (!). Cela n'est anachronique que si l'on considère la présence de kanaks au jardin d'acclimatation (1931), mais le film est cela-dit censé se dérouler durant la Belle époque (fin du XIXeme siècle – 1914). Que cela ne vous empêche par d'amener voir ce film à vos enfants, et d'en discuter avec eux !

(1) Un concert dans le dirigeable illuminé comme pour Noël, avec tous les enfants retrouvés à bord, en stationnement dans les airs au niveau du restaurant de la Tour Eiffel

Consulter le dossier pédagogique du film : 



Franck GUIGUE



vendredi 12 octobre 2018

« Doggybags presente : Beware of Rednecks » par Mud, Prozeet, Tomeus, Armand Brard et Toth's.

Troisième volume pour cette série lancée par Ankama en février 2014 et reprenant pratiquement à l'identique le principe Doggy Bags original, à savoir trois histoires dans un recueil 170 x 250 mm couverture souple. A la différence près qu'un seul thème rassemble les récits.

« Rednecks » définit ces habitants du sud des États- unis, un peu bas de plafond, plutôt pauvres et souvent racistes. Nos trois équipes d'auteurs choisissent chacun une histoire glauque bien à eux et nous entraînent dans le sud merdeux, ni vraiment réaliste, ni trop fantasmé, du pays soit-disant le plus puissant du monde.








« Dance or Die » par Armand Brad et Thomas nous accueille dans une petite fête privée à Blue Gully, Virginie, où Wesley, un jeune apprenti cameraman a été recruté pour filmer, soit disant, une danse locale. Sauf que les autochtones ne l'entendent pas vraiment de cette oreille et ont plutôt prévu de s'amuser avec le prit gars de la ville...



« The Bad Seed », par Tomeus, choisit lui de mettre l'accent sur les survivalistes, ces américains construisant des abris suréquipés, devant leur permettre de résister à toute guerre ou catastrophe naturelle durant des mois, en autonomie. L'exemple du vieux Hamilton, revenu il y a de nombreuses années d'un séjour en cabane, et qui a payé cher des expériences atomiques sur ses parties génitales, avec les naissances de trois enfants morts nés ou monstrueux. C'est le cas de son petit Jerry, qu'il tient planqué dans son abri sous terrain. Mais que se passe t-il lorsque deux gamin s'y aventurent, en ne trouvant rien de mieux que de lui jeter des pierres ? ..




« Bone Pickers » nous dépose en plein désert, là ou deux frangins se sont planqués avec un de leur ancien codétenu après avoir mis la main sur le collègue pas prévoyant les ayant planté lors de leur dernier coup, ce qui les avait envoyé en taule. Attaché à un piquet en plein soleil, celui-ci devrait passer de sales moments. Mais les flashbacks maîtrisés de Mud et Prozeet, les auteurs, vont rendre ce simple constat de départ bien plus savoureux que prévu, ajoutant au passage de délicieux détails croustillants bien sûr, comme on en a l'habitude dans le genre. Du grand art...























Affreux, sale et méchant, mais tellement fun, « Beware of Rednecks » prouve une fois encore la qualité des scénaristes et dessinateurs du label 619, parvenant en sus de leurs visions déjantées fictionnelles originales et intrigantes, à nous informer, grâce aux pages documentaires ajoutées entre chaque récit. Dans la grande tradition des Warren comics, ou l'éditorial devait constituer une part documentaire des publications pour la jeunesse de l'époque. De la mauvaise graine, peut-être, mais on en redemande !


FG

Le Label 619 propose aussi un recueil de nouvelles illustrées par les auteurs du Label : « DoggyBags Sangs d'Encre ».
Après avoir publié plusieurs nouvelles dans les quatre derniers numéros de DoggyBags, Tanguy Mandias a sollicité des artistes tels que RUN, Guillaume Singelin et Florent Maudoux afin d'illustrer ses textes. Une belle idée. Un beau livre.





« Doggybags présente : Beware of Rednecks » par Mud, Prozeet, Tomeus, Armand Brard et Toth's.
Ankama éditions (13,90 €) - ISBN : 978-1033508893

jeudi 11 octobre 2018

« Shirtless Bear Fighter » par Jody Leheup, Sebastian Girner, Nil Vendrell, Mike Spencer, Dave Lamphear

Reprenons et adaptons un dialogue de western bien connu :
« Dans la vie, il y a deux catégories de comics : ceux qui cherchent à faire passer un message avec un style plutôt réaliste et sérieux, et ceux qui se foutent des conventions et n'ont d'autres objectifs que de divertir ». Ce « cogneur d'ours torse nu » fait bien évidemment partie de la deuxième, avec talent.


Dans la « grande ville », la fourrière a été appelée pour attraper un ours semant la panique. On voit tout de suite le style d'humour grotesque qui va être à l'oeuvre dans le récit : le gars « gras du bide » se pointant pour maitriser la situation dans son petit combi
Puppy Prison (fourrière), s'avance nonchalamment vers l'angle de rue où des dizaines de gens fuient, armé d'un gaz répulsif et...d'un filet à papillon. Mais c'est un grizzli géant vraiment pas gentil qui l'attend... Pendant ce temps, un couple de jeunes gens s'apprête à passer du bon temps dans la forêt montagnarde environnante, lorsqu'un ours sauvage les prend en grippe. Eux ont plus de chance, car le cogneur d'ours nu est bien décidé à remettre à leur place tous les ours de la forêt. Mais qui est ce homme, que la police d'État vient chercher afin de sauver le pays entier, envahi d'ursidés féroces, apparemment rendus fous par un élément extérieur.




 L'histoire de ce gamin, né avec barbe et penis XXL, abandonné dans la forêt et adopté par les gentils ours de Oursville, est digne des meilleures histoires de la revue Mad, et Harvey Kurtzman n'est pas loin, lui qui se moquait de tout. Voir cet ancien militaire (Burke), vieux briscard ayant fait le Vietnam avec le colosse nu sauvage, se ranger auprès du « méchant » Jaxson Bûcheron, entrepreneur dément dirigeant la société Cajol'fesse, papier réalisé a partir du bous des meilleures forêts du coin est déjà bien goûteux, mais lorsque l'on y ajoute des ours « torche cul », une histoire d'amour perdu improbable et une invasion généralisée d'ursidés au service du capitalisme, vous aurez un tout petit aperçu de la folie douce de ce comics délirant. Sans compter des dialogues au petits oignons.


Le ton est au quatrième degré, le dessin dans un style cartoon bien adapté, et tout cela file de manière très fluide, avec des raccourcis se permettant tout, comme cette scène où notre héros barbu s'échappe en remontant les chutes d'eau, tel un saumon.



« Shirtless Bear Fighter » se permet tout et reste drôle. C'est son principal atout. Une superbe couverture peinte de Paolo Rivera nous présente le casseur d'ours torse nu dans une parodie de magazine TV des années soixante, emballant tout cela de façon délicieusement vintage et kitsch. Plusieurs pages d'illustrations et les couvertures originales agrémentent l'album. Top.

FG






« Shirtless Bear Fighter » par Jody Leheup, Sebastian Girner, Nil Vendrell, Mike Spencer, dave Lamphear
Éditions Hi comics (17,90 €) - ISBN : 9782378870829

lundi 8 octobre 2018

Les photos fantastiques de Didier Schmitt « On the rocks», au château de Beaulieu jusqu’au 14 octobre..



Du samedi 06 au dimanche 14 octobre, Didier Schmitt, autodidacte riorgeois expose ses photos au château de Beaulieu. L’occasion de découvrir l’univers d’un passionné, ayant, à partir d’une idée finalement assez simple, mais d’actualité, réalisé un travail de toute beauté. D’actualité car l’artiste répond à la question : « Et s’il n’y avait plus de saison ? » Il a alors imaginé les fleurs qu’il aime, congelées, subissant l’attaque du refroidissement climatique. 

La première partie de l’exposition montre les effets du froid, abordé à partir d’une vaporisation, parfois au compte goutte d’eau sur les sujets vivants. La deuxième partie propose quelques immersions complètes dans le monde glacé.

Des fleurs, de belles fleurs, mais aussi des fruits, congelés, pétrifiés tels des stalactites, voire pris dans la glace… et flottant, parfois tels des vaisseaux extraterrestres dans des nébuleuses spatiales.

Didier Schmitt
© F Guigue

Étonnant comme, à partir d’un travail déjà laborieux, Didier réussi à créer des tableaux, car certaines photos, superbement présentées dans leur cadres américains, imprimées sur support aluminium ou directement sur toile, rappellent à certains moment des oeuvres peintes. La glace, détenant en effet ce pouvoir de suggérer parfois le mouvement, le geste du couteau d’un artiste, et du relief. 


Un monde s’ouvre aux yeux du visiteur, l’entrainant malgré lui dans des scénarios de Fantasy que n’auraient pas renié les plus fameux illustrateurs de couvertures de romans de Science-fiction. 

Didier Schmitt travaille sa passion depuis une quinzaine d’années. Il s’agit de sa première vraie exposition complète. Il faut absolument voir de visu ses photos, car aucun compte rendu ne peut rendre justice de la qualité des oeuvres exposées. Aucun doute non plus que le talent et la maitrise de l'artiste, de la chaine entière de création, lui promet de beaux jours, s’il continue ainsi.

FG


Didier Schmitt « Piège de glace »
Exposition photographique du 06 au 14 octobre. au château de Beaulieu, Riorges 42153.
Tous les jours, de 14 à 18h.


Le portfolio de l’artiste : https://didier-schmitt.myportfolio.com/expo

Image issue du portfolio web de l'artiste
©Didier Schmitt

dimanche 7 octobre 2018

Les Frères Sisters : la famille est un long chemin...

Je n'ai pas immédiatement fait de retour sur « Les Frères Sisters », western crépusculaire de Jacques Audiard actuellement en salle, que j'ai pourtant vu la semaine de sa sortie et beaucoup apprécié.  Peut-être parce que j'y ai d'abord trouvé trop de choses d'autres films incroyables, comme « True Grit » ou « Des Souris et des hommes», pour ne citer que les plus évidents, et que cela me bloquait...

« True Grit » semble évident, pour la quête, ici réalisée par les deux frangins, très différents mais aimants, magnifiquement interprétés par Joaquín Phénix (le perturbé et violent Charlie Sisters) et l’excellent John C. Reilly (Elie, le plus sage, caché sous une bonhommie apparente).

Si dans le précédent western de Joel et Ethan Coen, le duo principal était interprété par la jeune Hailee Steinfeld et Jeff Bridges, s’ajoutait à eux le trublion de ranger texan joue par Matt Damon. A eux trois, ils devaient retrouver une bande de brigands meurtriers, traversant de nombreux états et paysages pour cela. La trame de fond des « Frères Sisters » n'en est pas très éloignée. Même si de trio, on passe au milieu du film à un quatuor, dont les deux derniers protagonistes sont joués par l’intriguant Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed, dans un rôle de chimiste indien plutôt bien trouvé.

Cela dit, j'ai aussi pensé à l'excellente adaptation du roman de Steinbeck :  « Des souris et des hommes » en suivant de près les tribulations de ces deux frères, très différents. En voyant la gentillesse d’Elli (John C. Reilly), comment ne pas penser au handicap léger de Lenny (John Malkovich) dans le film de Gary Snise de 1992. Sauf que là, c'est lui qui réfléchit, et veille sur son frère, qui ne lui rend pas très bien.

Des gestes pour se retrouver et parler...

Quant aux « Moissons du ciel », de Terence Malik (1978), cette référence vient peut-être (sans doute), de ces paysages de prairies sauvages et vierges traversées , ou de cette scène d'ouverture avec une grange en feu au milieu de nulle part, la nuit..

Un autre film au moins vient aussi à l'esprit dans la seconde partie, on le verra plus loin.

Car si « Les Frères Sisters » est un film dramatique sur la famille, et les relations d'ancrage que l'on peut y trouver, on y lit aussi une certaine histoire de l'ouest en train de s'éteindre, et un autre qui s'organise... L'ouest sauvage vit en effet ses derniers instants, tout du moins en ce qui concerne les guerres indiennes et le grand banditisme, et il est évident que ce sont le capitalisme et le patronat qui prennent le relai, imposant leurs lois. Etonnant d'ailleurs de voir la place laissé aux femmes, et plus particulièrement à l'une d'entre elles, qui essaie de faire « sa » loi.. (Rebecca Root dans le rôle d'une patronne de saloon : Mayfield, dont la petite ville champignon porte le nom). Mais cela ne durera pas, faut pas déconner !

Les deux frères font donc « le ménage » pour l'un de ces grands propriétaires, et, comme une ironie du sort, eux et leurs compagnons finiront décimés à un moment donné, d'une certaine manière, par l'appât du gain. Et c'est à ce moment que les images du « Trésor de la sierra Madre » (John Huston, 1948) avec sa morale implacable reviennent en mémoire.



Alors oui, certain parmi eux espéraient une vie meilleure et rêvaient d'équité et de partage, et l'auraient sans doute méritée...mais le pays dont ils ont foulé le sol, et la terre en général, ne l'a pas jugé de cette façon. C'est le drame de cette histoire, où chacun doit lutter contre la vie sauvage (araignée cherchant la chaleur : une scène absolument horrifique, ours visitant le camp de nuit, pour se repaître d'un cheval...), la cupidité de certains hommes ou femmes, et ses propres démons, souvent liés au passé.

Il y a tant de choses à dire sur « Les Frères Sisters », que le mieux est d'y retourner. Pour mieux en tirer la substantifique moelle. Une chose est sûre : c'est un grand film, et un très bon western. 

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