jeudi 16 mai 2019

Babyteeth T1 : le sacro sein au sang.

Après « Ghost Fleet », Donny Cates redonne du grain à moudre aux chasseurs de créatures infernales avec l'apparition d'un bébé buveur de sang. Un nouvel univers alternatif cohérent se mettrait-il en place ? ... Retour sur un bon album paru fin août 2018.

Réalisé dès 2013 et durant deux ans, « Ghost Fleet », chroniqué sur BDzoom, nous présentait le groupe Silhouette, qui embauchatt Ward et Trace pour conduire une flotte de trucks "fantômes". Revoilà cette organisation secrète, dans les  premiers épisodes de « BabyTeeth », un récit indépendant.

Saddie Ritter est une lycéenne de seize ans vivant avec sa grande sœur et son père, ancien marine. Si elle s'est isolée ces dernières semaines, c'est qu'elle a découvert qu'elle était  enceinte. Son bébé arrivé prématurément, dans des circonstances très étranges, et rapidement, il s'avère qu'il préfère boire du sang plutôt que du lait. Les tremblements de terre qui ont accompagné dans venue alertent l'organisation Silhouette, qui lance une tueuse à ses trousses...



On a déjà lu et vu quelques ouvrages traitant d'antechrist, mais ce récit mettant en avant la relation entre le bébé et sa mère, tout comme la protection de sa famille, apporte un ton indéniablement plus humain au drame se jouant sous nos yeux. Plus précisément,  il s'agit de ses ricochets, puisque nous sommes déjà dans le futur, en Palestine, un an après la naissance, et Saddie raconte ce qui s'est produit par le biais d'un enregistrement sur son smartphone.

Cette mise en bouche romanesque donne un ton agréable et intime à ce scénario original de Donny Cates, qui se permet de ramener au devant de la scène l'organisation qu'il avait présenté de manière assez théâtrale dans « Ghost Fleet ». Un lien plus qu'intéressant, puisque cela peut impliquer des rebondissements entre les deux histoires, ce qui aurait le mérite de complexifier l'univers d'une simple mini série teintée d'horreur.


Garry Brown, vu au préalable, entre autre sur « The Massive » (avec Brian Wood, chez Panini 2013-2014) ou « Five Ghosts » (avec Franck J Barbiere, 3 tomes chez Glénat, en 2016-2017) assure un dessin très agréable, dans un style moderne et alternatif un peu « nouvelle génération », dans l’esprit d’un Cliff Chiang par exemple,tandis que Mark Englert superpose une colorisation informatique aux petits oignons.

14 épisodes ayant déjà été publié aux Etats unis, le dernier en janvier 2019, on imagine qu'un quinzième pourrait peut-être conclure l'histoire...Toujours est-il que ces cinq premiers, offerts depuis fin août, en français par Snorgleux comics dans ce tome 1 cartonné, nous invitent avec talent vers la suite.  Ca tombe bien, le voilà qui arrive le 17 mai !

FG


« Babyteeth T1 » par Donny Cates et Garry Brown
Éditions Snorgleux comics (16,50 €) - ISBN : 978-2360140763



lundi 6 mai 2019

« Showtime » par Antoine Cossé : il est temps de jouer !

Un drôle de roman graphique, en noir et blanc, rend hommage au cinéma nouvelle vague et à M le magicien, l'air de rien. Antoine Cossé parle aux Français, mais il faut ouvrir grand ses yeux et son esprit...

Un journaliste prend la route, sous la pluie, pour se rendre à Ronin, où il doit interviewer le célèbre et énigmatique M le magicien. D'abord doublé par une voiture rapide, il retrouve ensuite ses trois passagers plus loin, accidentés, et les prend à son bord. L'un d'eux conduira...
Durant le voyage, le journaliste raconte comment il a déjà fait connaissance avec l'artiste et l'étrangeté de ses pouvoirs, dont le fameux épisode du paquebot lévitant...









Antoine Cossé m'était inconnu jusqu'à ce que je reçoive ce livre. Lui qui vit à Londres et publie plutôt à l'étranger: pour Breakdown Press, Retrifit comics ou l'Employé du moi, à aussi été vu dans des revues anthologies du type : Kramers Ergot, Volcan ou Lagon. Ses dessins sont aussi publiés dans le New York Times ou The Guardian. Finement ouvragé, avec couverture cartonnée deux couleurs, lettrage doré incrusté, tranche fil, sur 176 pages, l'objet surprend déjà par son aspect de roman classique. Ensuite, la mise en page hyper aérée, ou de simples dessins s'étalent en pleine page, en début d'histoire, donne un ton très particulier.



Le récit en lui-même, une fois lancée l'introduction, faite par une souris, évoque les films de Michelangelo Antonioni, ou certains récits graphiques de Blutch, où les frontières entre rêve et réalité s'estompent...Tout peut arriver dans ce road trip mêlant angoisse, suspens et magie...et même les vignettes des dessins de l'artiste se tordent et s'évaporent, pouvant nous laisser face à un vide presque total...

« Showtime », à l'image de sa couverture aux rayons solaires messianiques et aux tours de passe passe signifiés par trois paires de main roses, est une invitation au voyage et au lâcher prise en bande dessinée.  Pas sûr qu'il plaira aux amateurs de séries classiques (ah ah), non plus aux amateurs de gros seins, habitués de certaine collections des Requins marteaux, mais tous les autres pourront y trouver une fontaine de richesses insoupçonnées.
Un petit roman graphique d'ores et déjà culte.

F G




« Showtime » par Antoine Cossé
Éditions les requins marteaux (21 €) - ISBN : 9782849612477

dimanche 5 mai 2019

« VS : ligne de front » : ascenseur vers le sublime !

Un peu de retard pour cette chronique, même si j'en avais parlé sur les réseaux.
> Remarqué par ses superbes planches ou couvertures chez Marvel (Thor, Silver Surfer, Loki, Secret Wars, Avengers...), Esad Ridbic ravit nos mirettes avec sa première mini série indépendante paru en mars. En VO ou en VF, c'est à un feu d'artifice visuel dans la grande tradition des meilleurs récits SF auquel les lecteurs sont conviés, mais pas que...

Un futur plus ou moins proche. Tandis qu'un "protectorat" riche et tout puissant vit en orbite dans une station reliée à ce qui reste de la terre habitable (quelques blocs « forêt » en gravitation), par un ascenseur ultra protégée, le reste de la société humaine se régale de combats armés para militaires en direct sur grand écran, au rythme des messages publicitaires sponsorisés. Le lieutenant Satta Flynn est un héros populaire, ayant gagné de nombreux combats. Aujourd'hui, malgré sa grave blessure à la jambe gauche, il reste haut dans les sondages et compte revenir dans la course. C'est toute sa vie, et il le doit à ses coéquipiers.  Cependant, le protectorat, souhaitant protéger ses intérêts économiques et d'influence, ne voit pas d'un bon œil cette entorse à la logique froide des paris. Et si on tâchait de falsifier l'issu du nouveau combat ? ...



D'entré de jeu, Ivan Brandon et ses deux collègues, à 100 % impliqués artistiquement dans le récit donnent le ton : ce « VS » (« contre », en latin), sera ambitieux, magnifique graphiquement, et nerveux. Il se dégage de cette histoire des réminiscences de grands auteurs de science-fiction, qui sont d'ailleurs cités en avant propos : Phillip K Dick et William Gibson. On pensera aussi fortement à des auteurs hexagonaux, en citant « Exterminateur 17 »  et « La Foire aux immortels » de Dionnet et Bilal. Si l'ambiance de ces stations orbitales High tech ramène davantage à des récits modernes de comics tels « Rai » (éditions Bliss), ces références françaises sautent aux yeux du point de vue sociétal, avec les thématiques du pouvoir retranché, tirant les ficelles, du jeu, soupape pour le peuple, et des sociétés privées vantant le mérite de produits de grande consommation via écrans et messages discontinus interposés.
L'histoire ce ce lieutenant qui aurait pu rester une simple légende, mais qui revient au devant, aidé par certains de ces propres adversaires, parce qu'il a finalement une ligne de conduite, délivre un pouvoir d'attraction certain, et ces scènes de combat suivies en direct possèdent une attraction folle. Le rythme du récit, intercalé de flash back et des messages de publicité insérés soit au sein des planches, soit en pleine page à la fin de chaque chapitre, contribue aussi à l'accroche scénaristique.



C'est cependant, sans aucun doute le dessin d'Esad Ribic, largement remarqué ces dix dernières années et devenu rapidement un des chouchous des amateurs de comics, qui fait la différence. Cela sans oublier bien entendu la colorisation exceptionnelle de Nicolas Klein, sans laquelle le dessin de Ribic ne posséderait pas autant de pouvoir hypnotique.

Un album incontournable pour tous amateur de bonne science-fiction, et un des comics alternatifs les plus indispensables de l'année 2018-2019.

FG




« VS : ligne de front » par Ivan Brandon, Esad Ribic et Nic Klein
Éditions Panini comics (19 €) - ISBN : 978-2-8094-7716-0

mercredi 1 mai 2019

« Créatures sacrées » de Klaus Janson  : and Josh saw the angel...


Klaus Janson, célèbre dessinateur et/ou encreur, révélé pour ses travaux sur « Daredevil » ou Batman (Dark Knight Returns) publie depuis plus d'un an chez Image comics aux Etats Unis un comics de sa création. L'arc introductif étant terminé, les éditions Delcourt nous en proposent les trois premiers épisodes. Sacré départ en fanfare !



Étonnant comme ces dix dernières année auront été
marquées, dans la bande dessinée, française, comme étrangère, par une vague de récits racontant la présence sur terre de créatures ancestrales (antédiluvienne pourrait on dire), interférant sur nos vies. Créatures diaboliques (« Les Stryges »...) monstrueuses, peu réalistes (vampires...) , ou davantage proches de nous, mais machiavéliques. Ces dernières nous sont décrites comme des races d'êtres étant apparues avant l'homme sur terre et, ayant pris notre apparence, gèrent leurs affaires de manière plus ou moins discrètes. Des affaires philosophiques et sociales (« The  Wicked ° The Divine »), ou économiques, on le lit dans « Black Monday Murders », ou bien encore dans « The Dying and the Dead », ces deux derniers par Jonathan Hickman. Alors, qu'apporte « Créatures sacrées » à cette culture ?


La présence du célèbre Klaus Janson à l'écriture (écriture partagée avec Pablo Raimondi) est bien évidemment un élément notable. Un nom qui, a lui seul, permet d'envisager un scénario particulier. L'auteur a déjà une carrière longue et respectée.
Josh Miller, étudiant et jeune papa, est abordé dans la rue par une sans abri, qui, faisant mine de l'aider, lui touche la main. Ce simple geste va bouleverser sa vie, le plaçant au centre d'une confrontation ancestrale entre anges déchus, au sein de New York.
Les sept péchés capitaux servent de points cardinaux à Klaus Janson pour décrire les Nephilims, ces sept individus à apparence humaine ayant en effet décidé d'éliminer Naviel, l'ange gardien les surveillant depuis tout ce temps et utilisant Josh afin d'arriver à leurs fins. Complètement perdu, celui-ci pourra néanmoins compter sur le « père » Adrian, un autre ange opposé à ce projet...
Récit en flash back, style nerveux, personnages charismatiques, suspens serré, même si l'on sent poindre une naissance messianique dans « Créatures sacrées », Klaus Janson frappe fort pour sa première création.
Le dessin de Pablo Raimondi, au trait assez fin et l'encrage ample, très agréable, surmonté par des couleurs informatiques plutôt finement appliquées par Chris Chuckry, et bénéficiant de cadrages dynamiques, se situe dans la mouvance d'artistes tels Sean Phillips. Nombreuses sont les planches sur lesquelles on s'attarde, pour leur beauté inhérente. L'artiste est donc la deuxième très agréable surprise de ce titre. 

Recueillant les épisodes 1 à 3 de la mini série, il est à ce stade difficile de dire comment celle-ci va évoluer. L'intrigue est bien installée et le suspens à son comble en dernière page, aussi attendons nous avec hâte le tome deux programmé en juillet. Si la suite se révèle au moins intéressante et bien écrite, il ne fait aucun doute que l'on tiendra là un must-have. Une des très belles surprises du mois d'avril.

FG



« Créatures sacrées T1 » par Klaus Janson et Pablo Raimondi
Édtions Delcourt (15,95 €) - ISBN : 978-2-413-01315-0


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