dimanche 15 novembre 2020

Spirou chez les Soviets : un train d'enfer

J'avais promis de revenir sur le dernier Spirou, malgré que l'on trouve déjà bien d'autres articles sur ce seizième album de la série parallèle de notre groom belge préféré, entre autre sur ActuaBD, avec un avis que je partage entièrement (1), mais voilà quelques mots.

Spirou chez les Soviets est du Neidhardt pur jus avec tout ce que cela implique de déconnade, de piques et d'acidité.  On ne pouvait attendre de l'auteur de Monsieur Tue tout un Spirou classique. Et il ne l'est pas.  Le scénariste, en plus de proposer une vision modernisée du Tintin au pays des Soviets, avec tous les éléments de la culture populaire  du XXeme siècle implémentée au passage : un peu de James Bond, du Blake et Mortimer, s'amuse à inscrire des références à la guerre froide ou l'actualité géo politique actuelle. Voir à ce sujet une des dernières scènes montrant le départ des "migrants" du château de Champignac, où ils étaient hébergés (par erreur, glup). Dur de rigoler à ce moment là.



Fred Neidhardt a déroulé un récit à cent à l'heure durant 53 pages, multipliant les bonnes blagues et la moquerie de deux systèmes opposés : capitalisme et communisme à l'ancienne, mais il n'oublie pas son sens cynique et punk, tout en parsemant au fil de l'histoire quelques bonnes cases clin d'œil aux classiques de la BD belge. L'occasion de revenir aux bureaux Dupuis, de voir les collègues de Gaston, De Mesmaeker, Mr Dupuis lui-même, devenu "M" au passage, et Gaston en personne, devenu présentateur commercial, ou de montrer une couverture du Petit vingtième ou bien un dessin parodique de Pif le chien, réalisé à quatre mains par Spirou et Fantasio, à l'attention de leurs geôliers soviets un peu tatillons. Le tout illustré dans un style tout a fait adapté par Fabrice Tarrin, l'auteur bien connu des séries Maki et Violine. Celui-ci nous ravit d'ailleurs de cases succulentes, que je vous laisse savourer plus bas. 





De quoi comparer le travail de ce duo avec l'autre, déjà cultissime, constitué par Yann et Olivier Schwartz. Hommages et repères -clins d'oeil sympas, déconnage, goût du risque dans les dénonciations, action...cette histoire montre une fois encore l'intérêt de cette collection parallèle, proposant bien plus de satisfactions que la série classique, au moins dans certains de ces derniers tomes. Elle ne révolutionne certes pas la bande dessinée franco belge, mais il faut lui reconnaître un potentiel fun et calibré permettant de passer un bon moment. Ajoutez un dessin réalisé avec passion, respectueux du lecteur, plus une colorisation réussie, et vous obtenez un album que l'on a plaisir à garder au chaud entre les bons tomes de la série. Pas mal non ? 


FG


Spirou chez les Soviets, édition classique ou grand format dos rond.

Éditions Dupuis. Paru le 04 septembre 2020.


(1) https://www.actuabd.com/Nerveux-et-caustique-le-Spirou-chez-les-Soviets-de-Tarrin-Neirdhardt



De superbes cases de Fabrice Tarrin




Un beau quatrième de couv mettant en scène le marsupilami, pourtant absent de l'histoire... La Turbo est elle bien présente ;-)





Les éditions flamandes des derniers Spirou de Yann et Schwartz, magnifiques, et si denses. Les amateurs d'Yves Chaland ne s'y tromperont pas :






mercredi 11 novembre 2020

Lucky Luke : solitude accompagnée dans un champ de Coton

La série Lucky Luke, pour qui la suit sérieusement, a connu au moins quatre « saisons » successives depuis sa création par Morris en 1947. En effet, ses premiers albums ont d’abord paru en format souple aux éditions Dupuis sur 31 tomes, (dont 8 réalisés seul avant d’être rejoint au scénario par René Goscinny, jusqu’en 1967, avant de passer chez Dargaud, avec le succès que l’on connaît, jusqu’au tome 46 (1977), année où Goscinny nous a quitté. S’en est suivit une myriade d’albums, scénarisés par pléthore d’auteurs pas tous très inspirés, jusqu’au tome 72, paru quelques mois après la mort du dessinateur créateur, en juillet 2001. Depuis, la licence Lucky a été assaisonnée à toutes les sauces, dont « Kid Lucky », par le talentueux Achdé, dés 2011 (5 tomes), mais surtout, et à l’instar de la série Spirou corollaire : « Lucky Luke, les aventures de » par, là encore, une pléiade d’auteurs, depuis 2011, avec Laurent Gerra et le même Achdé sur les premiers tomes de cette « reprise ». Au bout du troisième, le duo a laissé néanmoins la main sporadiquement à d’autres auteurs, pour des réussites, on dira, mitigées. Depuis le tome 7 (2016), le scénariste/dessinateur Jul a cependant repris le flambeau, pour une qualité qui ne s’est pas franchement démentie depuis, avec des sujets intéressants. 


Ne serait-ce que pour une belle mise en abime montrant, sous forme de tableaux, les différentes étapes de créations du héros et ses dessins évolutifs, lors de la première visite de Lucky dans "son" ranch d'héritier, ce tome 9 vaut le coup. Bien dessiné (c'est bluffant sur pas mal de cases), pas bête, et plutôt marrant, avec de bons clins d’œil à la culture du sud et l’esclavagisme, (il ne manquerait qu'un bon Muddy Waters, mais je ne l'ai soit pas vu, soit il avait déjà été évoqué dans "En remontant le Mississippi"), "Un Cow Boy dans le coton" surfe en prime sur l'actualité américaine. Le personnage de Bass Reeves, premier shérif noir ayant relevant vécu, est de plus l'un des plus intéressants de la série, depuis longtemps. Les autres caricatures à reconnaitre au fil de l’album, participent au jeu habituel. Bref, un tome à ranger auprès des bons de la série.

FG

 

Lucky Luke T9 : un Cow Boy dans le Coton, par Jul et Achdé
Editions Dargaud ISBN : 9782884714655


jeudi 5 novembre 2020

Rebels, on ne choisit pas toujours son côté : de la guerre d'indépendance au Vietnam...


Profitons de l'actualité des élections américaines pour remettre en avant quelques comics à haute teneur historique : Rebels, de l'excellent Brian Wood, paru en 2016 et De l'autre coté de Jason Aaron et Cameron Stewart paru en 2018, tous deux chez Urban Comics.

Indépendance des contrées de l'est des jeunes Amériques, contrôlées au 18e siècle par la Couronne d'Angleterre tout d'abord, par Brian Wood, pour nous confirmer qu'il n'y a pas qu'Hugo Pratt capable de bien traiter cette période...

Fin 2014, lorsque j'ai vu passer en dernière page d'un comics VO acheté dans une boutique spécialisée cette annonce pour un comics consacré à l'indépendance des États Unis, j'ai été immédiatement séduit et me suis promis de suivre cette série. La couverture superbe, et intrigante à la fois, rappelant évidemment Ticonderoga d'Hugo Pratt, et le nom de Brian Wood, sont restés gravés en moi. Le temps a passé...je n'ai pas eu l'occasion de lire cet album une fois les dix épisodes recueillis dans un volume cartonné chez Urban, mais je savais ce que je manquais, ayant pu découvrir approximativement au même moment l'incroyable travail du scénariste, sur l'autre série historique Northlanders, dont le premier recueil venait de paraître chez le même éditeur (série de 26 épisodes débutée en 2008 que tout admirateur de la série TV Vikings se doit de connaître (1).


Brian Wood est un patriote, mais un de ceux qui connait bien l'histoire de son pays. Il nous interpelle, nous, français, sans le vouloir spécifiquement, sur notre propre patriotisme, grâce à d'excellents moments à déguster dans ce beau recueil de chapitres suivant les pas de Seth Abbott, engagé volontaire des Green Moutain Boys. Ceux-ci rappellent comment les Etats-Unis se sont construits et nous avons bien plus de choses en commun que l'on pourrait croire. Merci à lui de nous le rappeler de si belle manière. Ce ne sont en tous cas PAS les valeurs que défend le président sortant des Etats Unis d'Amérique aujourd'hui. Brian Wood : un scénariste toujours entouré de superbes dessinateurs : Andrea Mutti, Matthew Woodson, Ariela Kristantina et Tristan Jones, mis en valeur par les subtiles colorisations de Jordie Bellaire.
" A la fin de ma vie , je saurai que j'ai été aussi loin que possible, et que j'ai vécu dans le respect de ces choses qui nous dépassent tous. La vie, la liberté, l'unité, le bien commun."


(1) On pourra aussi citer du même scénariste, les récits Aliens, ou Terminator, d'assez bonne qualité, édités actuellement chez Vestron, mais le scénariste réserve bien d 'autres surprises...


De l'autre côté : une putain de dénonciation du conflit vietnamien, vu par les yeux de deux soldats des camps opposés : GI et soldat du vietnam sud. Un parti pris et une tonalité "rentre dedans" qui ne vous laissera pas de marbre. Encore plus fort que Vietnam Journal (Don Lomax, chez Délirium), est-ce possible ? Oui, avec un autre style, mais tout aussi bon. Et tout cela en grande partie grâce au cousin de l'auteur : Gustav Hasford, correspondant de guerre et combattant dans le corps des marines, inspirateur puissant et co scénariste de la plupart des grands films consacrés au conflit Vietnamien. Jason Aaron a fait du bon boulot en ajoutant son carnet de voyage au Vietnam en fin de volume. Le genre d'auteur donnant vraiment confiance en l'Amérique. Cameron Stewart, pour sa part, délivre un trait à l'encrage épais, plutôt cartonny, mais qui permet de bien (mieux) faire passer les horreurs montrées.
Dark Horse et Image comics : What Else !? > Go for it !!






Rebels par Brian Wood, Andrea Mutti, Jordie Bellaire...
Éditions Urban comics (21,33 € ) - ISBN : 9782365778275


De l'autre côté,
par Jason Aaaron et Cameron Stewart
Éditions Urban comics (nouvelle édition) (18,01€ ) - ISBN : 9791026815334

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