dimanche 6 novembre 2011

La descente aux enfers d'Asterios Polyp

Asterios Polyp
David Mazzucchelli

Casterman
2010

Il n'a sans doute pas échappé , à tout ceux qui ont un peu suivi l'actualité des romans graphiques en 2010, que Asterios Polyp, du grand auteur américain David Mazzucchelli a obtenu de prestigieux prix, dont 3 Eisner Awards, et a été primé à Angoulême par le prix spécial du Jury en Janvier 2011.

Comment ?, vous ne l'aviez néanmoins pas encore lu ? ... comme moi alors ?
II faut dire que même avec envie, lorsqu'on est conscient de la qualité intrinsèque et évidente d'un livre ou d'une œuvre artistique en général, on ne se presse pas, et l'on savoure l'attente qui nous sépare de sa découverte réelle.
Une manière de saliver...et de trouver LE bon moment qui nous permettra de nous installer confortablement pour accorder à l'œuvre le temps et le confort de lecture qu'elle mérite. (260 pages le méritent !)

Asterios Polyp, originellement publié par Panthéon books et entièrement réalisé par l'auteur,  fait partie de ces grands crus : aucune mauvaise surprise à redouter, mais des surprises quand même : de l'élégance, un niveau exigeant, mais pas pompeux... de l'auto dérision, et beaucoup de références culturelles.
Quelle beauté et quelle intelligence du propos.

On avait pas vu telle symbiose entre le traité graphique et celui des idées depuis...des titres comme Hicksville (Dylan Horrocks), Wimbledon green (Seth),  ou... (liste non exhaustive) *
Les planches 144 à 146 (2 extraits ci-dessus) sont à elles seules un traité politique, se servant d'un défilé du Independance day joyeux pour dénoncer l'héritage conservateur et prude de l'Amérique. Superbe.
Quand aux pages 162-164, l' humanisme et la dure réalité de leur propos sur la maladie les laissent sans commentaires... (voir les nombreux scans déjà disponibles sur le web)

...A propos de  l'aspect graphique très stylisé, voire architectural, (normal, il s'agit du métier d'Asterios, le narrateur), Chris Ware vient évidemment aussi à l'esprit, mais les  trouvailles narratives picturales de Mazzucchelli, qui signe là son premier grand roman graphique** mettent en exergue leur originalité propre. Un bonheur de lecture "aérée" sur l'ensemble de l'ouvrage, pour tout ceux qui apprécient l'Art en général, et l'art moderne en particulier.
Jouer sur le graphisme des personnages suivant leur humeur respective était une trouvaille géniale, qui marquera son temps. La superbe descente onirique et "Dantesque" aux enfers, traitée, dans un autre registre, "à la Piranèse" (1745) est tout aussi surprenante et agréable.


 
De ce fait, David Mazzucchelli donne aussi une grande leçon de narration graphique, et s'ajoute, aux côtés de Will Eisner et Scott Mc Cloud (pour n'en citer que deux), aux auteurs exégètes pédagogiques du média.

Quant aux thème abordés, il sont nombreux : réflexions sur l'art, sur l'absence d'un proche et la raison de vivre, ...l'engagement politique, la réussite professionnelle... la relation en couple...
L'histoire d'amour qui sous tend le tout est à ce propos décrite avec tellement de réalisme et de justesse (et d'inventivité), que la fin ne peut que nous émouvoir... même si sa poésie nous déchire le cœur.
...Un livre "Coup de foudre"


(*) d'autres titres aussi novateurs et/ou remarquables viennent à l'esprit, dont les les satires de Art Spiegelman entre autres, ou le Body world plus récent de Dash Shaw.
** On peut néanmoins citer  "Cité de verre" avec Paul Auster (2005 Acte sud), "Géométrie de l'obsessions" ou "La Soif", "Big man "(1995, 1997, 1998 tous chez Cornelius), où l'auteur avait commencé à se dégager de son travail pourtant déjà intéressant et novateur sur les super héros, pour s'engager dans une voix encore pus personnelle.
- Voir quelques planches scannées de l'artiste, période 80's-90's sur Theartistchoice

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