dimanche 8 décembre 2019

« Clones en série » : plus dur sera le réveil...



Profitant de la collection d'intégrales des Humanos permettant de retrouver à petit prix de bons récits SF, l’auteur Jerry Frisen (ici à la conception graphique), participe à rien moins que la réédition des deux premiers tomes de « Nirta Omirli », série parue entre 2003 et 2006 et restée inachevée. Réintitulée « Clones en série », les auteurs clôturent celle-ci avec un troisième tome, bienvenu, paru en septembre. L'occasion de découvrir, avec surprise, l'une des meilleures histoires de Science-fiction de la bande dessinée française, rien que ça ! Il était temps d'en parler.


Quartier général des casques bleus, sur la planète NeveRikosse, 2976 : le capitaine Nirta Omilri s’apprête à être exécuté, par le peloton dirigé par l’amiral Hammarskjöld, pour actes meurtriers sur des civils ayant compromis la paix avec les peuples autochtones de la planète.
2999, le transport de troupes OPU est attaqué, provoquant sa destruction quasi intégrale. Seules quatre femmes survivent, extraites in extremis de leur crycloneur, néanmoins vite rejointes par l’amiral Danyel Hammarskjöld. Ceux-ci vont tenter de survivre à cet accident - qui s’avèrera criminel - et rejoindre la planète NeveRikosse. Là, la paix est loin d’être en vigueur, malgré le temps passé, et quelle ne sera pas être leur surprise à tous de se retrouver nez à nez avec... Nirta Omirli. Quel est le rôle et l’aura de cet individu ?


Je ne vais pas être hypocrite, « Clones en série » n'est pas une bande dessinée vers laquelle je serais allé naturellement. Le dessin de Bachan, bien que possédant ses qualités, est beaucoup trop traité numériquement pour déclencher les émotions que l'on ressent habituellement avec un dessin au trait. Les cadrages sont bons, mais la mise en page trop policée, trop imbriquée, manquant de chaleur. Et pourtant, dès les premières pages, cette histoire fonctionne, et l'originalité est telle que l'on ira jusqu'au bout, sans sourciller.
Alors bien sûr, JD Morvan n'est pas un débutant. Un scénariste ayant la carrière qu'il a et surtout responsable d'une des séries de Science Fiction les plus réussies de ces vingt dernières années, avec « Sillage », devrait mettre en confiance. Cependant, « Nirta Omirli » à eu un destin compromis, et son ambition s'est vue amputée en 2006, laissant les lecteurs orphelins. De quoi frustrer les plus motivés. Remercions donc toute l'équipe et les Humanoïdes pour nous permettre de connaître la suite et fin de cette très bonne histoire, abordant la plupart des thèmes de la science fiction moderne, avec un ton, cela dit, personnel et assez provocateur.
 
Poser déjà les bases de son scénario sur une équipe quasi exclusivement féminine permet de donner à « Clones en série » (un titre bien plus adapté au final) une modernité évidente, qui frappera encore davantage en 2019 que lors de sa première parution en 2003. Rajouter à cela la douloureuse expérience d'une jeune femme (Christy) devant se trimballer le corps d'une sexagénaire, pour cause de réveil impromptu dans l'espace, transfert âme corps sans autre choix, et l'on sent bien la tonalité donnée d'entrée de jeu à ce récit. Cela n'empêche pas d'aborder non plus le sexe à cet âge là, autre thématique taboue. Cependant, le thème central de ce triptyque reste bien entendu la confrontation entre deux races. Les humains, qui auront tenté une colonisation pacifique, et les Petz'Q, extraterrestres dont on aura spolié la terre, et que les intérêts de certains humains trop ambitieux auront fait passer pour des terroristes, autorisant à partir de là une guerre ouverte généralisée. 

 
Il y a du « Avatar » (le film : James Cameron, 2009), dans « Clones en série », comme un peu de
« Starship Troopers » (Paul Verhoeven , 1998), au sujet de la confrontation de races différentes et d'exploitation des terres, ou bien encore « Storm Dogs », ce superbe début de série comics, par David Hine et Doug Braithwaite, paru en 2014 chez Delcourt, dont on attend toujours la suite.

Cette trame au parfum de guerre larvée, possède cependant une épaisseur supplémentaire propre, grâce au principe même du clonage, élément arrivant seulement au coeur du dernier tome, et dévoilant l'ingrédient essentiel du récit. Un revirement au goût très politique, finissant de donner une dose thriller exaltante à un scénario déjà prenant.
On ne s'arrêtera donc pas sur les planches pas toujours convaincantes du dessinateur, dont la reprise, 17 ans plus tard, produit un encrage bien plus fin en comparaison, dès la page 103, et qui aura commis quelques indélicatesses ou raccourcis déroutants, comme lors de l'arrivée de la troupe à Gergovie, base des casques bleus, que le véhicule les amenant surplombe dans une case, (p63), puis pénètre par la porte principale en contrebas, 2 cases plus loin seulement, ...le temps de prononcer « Pourquoi ce nom ? - J'en sais rien, moi. C'est le Nirta Omirli qui a choisi… ».
Téléportation ??

« Clones en série » n'est pas cloné, mais son destin est digne d'un grand récit de Science-fiction. Vous auriez tort de passer à côté.

Franck GUIGUE





« Clones en série » par JD Morvan et Bachan.
Éditions Les Humanoïdes associés (19,99 €) - ISBN : 9782731668414




Couverture de l'édition numérique


Aucun commentaire:

Mes autres chroniques cinéma

Mes autres chroniques cinéma
encore plus de choix...