Attilio Micheluzzi connait bien les pays de l'est et ce sujet de conflit, lui qui est né en Istrie en 1930, fil d'un officier d'aviation, et architecte un temps en Libye avant la dictature de Kadhafi, objet de son émigration en Italie pour devenir dessinateur de bande dessinée. Surtout connu pour ses séries Air Mail, Sibérie, ou Marcel Labrume, il a beaucoup publié dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, entre autre en France, pour les éditeurs Casterman et Humanoides associés. Ici, l’auteur – chroniqueur nous raconte l’année 1987 et les relations conflictuelles entre pachtounes, moudjahidines et Spetsnaz, ces unités de missions spéciale russes envoyées en Afghanistan afin de mater la « rebellion » des troupes menées par le colonel Massoud. Ce chroniqueur intervient en voix-off et dialogue même avec les protagonistes : un officier russe : Vasil Bodovskov et un jeune afghan, seul rescapé d’un massacre dans son village par l’armée russe, cherchant à se venger.
Le « chroniqueur » comme il se nomme lui-même, prend-t-il la défense des uns ou des autres ? prend –-t-il parti ? Non, même s’il semble plus sensible au sort des populations locales, miséreuses, prisent entre deux feux : ceux des intégristes musulmans et ceux des russes s’ingérant dans le pays, et bien qu'il se mette lui-même en scène à la toute fin, il laisse le soin à la dure réalité grise de dicter son rythme et raconter son histoire.
En 45 pages bien condensées, ce chapitre d’un épisode historique ayant été à l’origine de soubresauts bien plus terribles ensuite (on pense au 11 septembre 2001), donne à lire une vision froide mais réaliste et nuancée de ce conflit. Le talent et la poésie inhérente de Micheluzzi, ainsi que son trait ample à l’encrage sublime enveloppent le tout, pour un résultat au top. Pouvoir de plus se régaler de crayonnés du « maître » est un plaisir assez rare. Épuisé depuis quelques temps déjà, cet album mériterait une réédition, et pourquoi pas en format luxe avec couverture noir et blanche, la couverture couleur actuelle ne rendant qu’à moitié justice à cet intérieur remarquable.
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