lundi 9 décembre 2024

Pippin, les frères Grimm, Vampire et sorcières : des piqures toujours aussi douces aux éditions Mosquito.

Deux albums plutôt étiquetés jeunesse, parus début 2024, et lus immédiatement, d’après des fichiers PDF qui ont ensuite malencontreusement disparu. Ces chroniques arrivent donc très tardivement, mais comme je garde un excellent souvenir de ces deux-là, je souhaitais partager mon sentiment.

 Pippin le Bon à rien de Chrigel Farner et Tim Krohn
(20€) - ISBN : 9782493343376

Dans un Royaume au delà des monts un vieux roi se désole : il n'a pas de successeur. Un beau jour, une pomme d'or disparaît de son verger, il s'engage à céder son trône à qui trouvera le voleur. Les trois fils du jardinier partiront mener l'enquête. Et Pippin le cadet, bon à rien, met bien peu de zèle. À son corps défendant, le voilà pourtant poussé dans de bien étranges aventures... Pippin, le doux rêveur pourra-t-il succéder au roi de Sursylvanie ?

Lorsque j’ai lu pour la première fois cet album aux couleurs douces mais attrayantes, tout comme son dessin, j’ai immédiatement senti qu’il allait se passer quelque chose. On "sent" un bon livre ou une bonne bande dessinée, et celle-ci, même si elle est fortement influencée par les contes et le style album jeunesse à l'ancienne, avait un « parfum » évocateur de l’univers frères Grimm, c’est à dire un peu malsain, qui m’a séduit. Au fil des pages, j’ai réalisé combien l’illustrateur suisse quinquagénaire, Chrigel Farner, avait digéré ce genre de références. Dans une interview donnée pour le site Biowars.com, il abonde d’ailleurs sur le sujet :
« En y travaillant, j’ai redécouvert les livres pour enfants de l’artiste Ernst Kreidolf. Jusqu'au milieu du siècle dernier, il dessinait des figures de fleurs et toutes sortes de créatures naturelles aux couleurs délicates, ce qui constituait une contribution suisse au Jugendstil et à l'âge d'or de l'illustration de livres de contes. Enfant, je lisais certains de ses livres illustrés. Lors de mon voyage de recherche dans les Grisons, je suis tombé sur une œuvre de Kreidolf après qu’elle ait passé plus de quarante ans dans un grenier. J'ai littéralement senti la foi enfantine dans les personnages de contes de fées et ressenti le sentiment de nostalgie des temps passés, et je voulais traduire certains de ces sentiments dans Pippin. »

Plus loin, il explique comment il a rencontré son collègue aîné, l’auteur suisse Tim Krohn, pour ce projet : « Le Rhaeto-Romanic est la quatrième langue nationale de Suisse, avec l'allemand, le français et l'italien. Elle est parlée dans le canton des Grisons. Tim Krohn, l'auteur, a été chargé par l'éditeur rhéto-roman Chasa editura rumantscha de développer une histoire dans laquelle apparaissent les quatre idiomes de la langue rhéto-romane. Il a alors choisi le conte de fées The Golden Bird des frères Grimm comme cadre et l'a reconstruit dans une histoire dans laquelle Pippin voyage à travers différentes régions des Grisons. Tim et l'éditeur m'ont demandé si je voulais illustrer le texte. J'ai lu le manuscrit et j'ai eu l'impression qu'il pouvait aussi être transformé en bande dessinée. Les autres étaient d'accord. » Que ce soit le dessin, les couleurs, l’ambiance générale ou le traitement de l’histoire, on garde un souvenir profond de ce conte peu commun, même si adapté, et je ne peux que vous inviter à vous laisser tenter. Rares sont en effet les bandes dessinées à proposer un tel mix de modernité tout en convoquant les classiques du passé aussi bien mis en valeur, et les éditions Mosquito à cet égard font des efforts remarquables. Le voyage vaut vraiment le détour !


Vampire et Sorcières, par Michel Jans et Capucine Mazille
(16€) - ISBN : ISBN : 9782493343277

En Transylvanie subcarpathique un jeune vampire transi découvre l'amour dans les bras d'une pimpante sorcière... Las, l'ogre Proutinoff n'est pas du tout ému par cette idylle.

Capucine Mazille a intégré le catalogue des éditions Mosquito il y a déjà 14 ans, avec de petites livres d’images et textes entre autre dans la collection Lily Mosquito. Et puis en 2016, La cuisine des sorcières est entrée par la porte des albums de bande dessinée, rejoint deux ans plus tard par Le Petit prince de Penelope. Ce n’est qu’en 2020, à l’occasion de sa venue au festival BD d’Ambierle, près de chez moi, que j’ai pu réellement faire sa connaissance et découvrir l’album à quatre mains, scénarisé par Michel jans : Le dernier ours de Chartreuse. Celui-ci a d’ailleurs été chroniqué sur PlaneteBD. Après une seconde collaboration en 2022 avec Gargantua en Chartreuse, ce début d’année 2024 nous a donc offert leur troisième collaboration, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la formule fait mouche. 

Le dessin très personnel de Capucine se révèle avec force dans toute sa dimension poétique, fantastique et aquarellée, puisque c’est semble t-il la technique ; avec de très belles couleurs, posées sur un dessin à l’encrage très doux, évoquant à la fois la féerie et l’angoisse. D’ici à dire que l’autrice évoque une autre grande de la BD étrange, période revue Okapi - toujours en lice d’ailleurs - Nicole Claveloux, il n’y a qu’un pas, que je ne franchirais pas cela dit, tant Capucine Mazille possède son propre style. Et quand bien même la satire de Capucine – il faut voir sa parodie du dictateur Poutine transformé en ogre Proutinoff – est savoureuse. En conclusion, grâce à l’histoire tout à fait originale et prenante, pour ne pas dire émouvante, de Michel Jans, le duo a concocté là sans aucun doute un de ses, sinon son meilleur album. ...Parents, ne vous y trompez pas, et achetez ce très beau conte !

Aucun commentaire:

Mes autres chroniques cinéma

Mes autres chroniques cinéma
encore plus de choix...