dimanche 2 novembre 2025

Stanislas, coureur de fond, et de formes, depuis quarante ans.

Lorsque l'on découvre  l’œuvre
de Stanislas, et plutôt celle en noir et blanc, publiée au détour d'un petit album oblong au milieu des années quatre-vingt, ou de revues comme Le Lynxatif, Lapin ou bien encore dans des petits albums de l'Association dans les années quatre-vingt-dix, c'est d'abord l'aspect quelque peu désuet du dessin qui nous interpelle. Immédiatement, le lecteur se sent transporté dans une autre dimension, un autre monde. Un monde de décor de film des années quarante, là où la banlieue possédait un fort potentiel d'intrigue ; où des pavillons bien propres pouvaient cacher de curieux types de brigands ou savants fous, prêts à accueillir on ne sait qu'elle invention abracadabrantesque, voire des êtres venus d'ailleurs. On pense au Paris dessiné par son aîné Jacques Tardi, avec lequel il a d'ailleurs réalisé le Perroquet des Batignolles de 2011 à 2014, adapté de la série radio éponyme co écrite avec Daniel Bouju.



Ce décor posé, il faut parler des personnages, souvent gentils, ronds et pleins de malice, aussi très cinématographiques, comme issus d'un film de Jacques Demy ou de Jacques Tati. On y trouve des marins, des sirènes, des savants (fous donc), des enfants joueurs, de belles femmes, des robots, et tous évoluent dans un univers poétique, où une porte peut amener vers une cour merveilleuse, où se retrouvent les habitants du quartier, plus un chien de l’enfer (Au Passage du Pourquoi pas, avec Anne Baraou) ou sur un toit vers lequel l'ascension vers les étoiles sera aisée, au risque de retomber dans une mer souvent salvatrice (Le galérien, la Fin du Monde). Stanislas convoque cette magie de l'enfance, où, bien au chaud face à un périodique, on rêvait de courses poursuites, d'aventures héroïques, et d'histoire fantastiques qui se terminent bien. 

 D’ailleurs, à bien y penser, on peut aussi s’interroger sur la course au sens propre - automobile ici - avec laquelle les premières histoires de l’auteur ont germées. Un des premiers albums, dans la collection X de Futuropolis en 1986, s’intitulait en effet La Grande course. On y découvrait une Helimob, sorte de vieille voiture en tôle et à hélice qui pourrait trouver son miroir dans celle, tout aussi improbable et fragile, présente dans les aventures délirantes d’un Hash Barret, par Vincent Hardy, publié exactement la même année aux éditions Vent d’ouest. Est-ce à dire que Stanislas est un coureur de fond, ayant su mener à bon port son univers, là où son collègue, venu lui aussi du fanzinat, n’aurait pas pu franchir le cap des années quatre-vingt dix ? Précisons que cet univers s’est répandu dans les pages d’une revue nommée Lapin, éditée par une association de jeunes auteurs plein de talents et d’ambitions, dont Stanislas à été l’un des piliers, qui ont justement franchi tambour battant cette décennie 90-2000, permettant ainsi à toutes et tous d’arriver saufs et reconnus jusqu’au nouveau millénaire. On retiendra donc la notion de (course de) fond, puisque le dernier album en date au moment de l’écriture de ce texte, s’intitule La fin du monde (le monde d’avant le nouveau millénaire?) ; et cette pérennité, donnant le sentiment d’une boucle, ou d’une course bien menée, n’est pas si iconoclaste. 




D’autant plus si on l’associe à la forme (aux formes) souvent joyeuses, malmenées, d’un monde un peu enfantin que Stanislas nous dévoile, comme issu d’une autre époque, où tout aurait été plus simple, plus poétique. Une poésie façon Charles Trenet ou Raymond Queneau, accompagnée d’un air d’accordéon s’échappant parfois d’un bistrot ou de derrière un muret. Souvent aussi, la famille offre un havre de paix. Cette famille tant appréciée des journaux et revues des années quarante et cinquante, où la morale (chrétienne) était un élément essentiel des récits, qui, lorsqu’ils n’étaient pas historiques, vantaient la bonne conduite des uns et des autres. Si Stanislas n’a pas besoin d’abbé pour lui dicter quels personnages respectables inventer - comme avait pu le faire auprès d’Hergé en 1936 l’abbé Courtois, responsable de la revue Cœurs vaillants, ce qui amena la création de Jo Zette et Joko - ou placer des crucifix et des curés dans ces récits (il leur préférera une prostitué, mais gentille, comme dans Au passage...), il a gardé une douceur et des valeurs « familiales » dans ses histoires, et ne renie pas ce passé, bien au contraire. Allant même jusqu’à convoquer les parents de Jo et Zette dans la Fin du
monde.
Un hommage que l’on adorerait voir perdurer de manière officielle d’ailleurs, tant la « reprise » est réussie et sincère. Et si l’on retrouve dans la même histoire, Hergé transformé en personnage robotique, façon univers BPRD de Mike Mignola (ou plus prosaïquement d’un récit science fictionnel à la Jules Vernes), sa tête mise dans un bocal, c’est sans doute pour nous signifier que quoi qu’il arrive, les vrais grands créateurs ne meurent jamais. Alain Saint Ogan (lui aussi convoqué comme personnage bibliophile dans la Fin du monde), avait entre autres créé Alfred le pinguin et le chien Serpentin ;

Hergé : Jocko et Milou, tels des mascottes accompagnant leurs personnages d’aventures. Stanislas aura pour lui et nous son Hélimob et son Toutinox, son Victor Levallois - sa propre série d’aventures « à l’ancienne » écrite par Lauren Rullier - et ses enfants, son Prince des étoiles et son Galérien, mais surtout une sirène bienveillante, gardienne de toutes ces histoires créées au fil de l’eau. Celles-ci rendent heureux ; et ça, dans le monde dans lequel nous vivons en 2026, c'est un plus qui fait toute la différence.  

Bon anniversaire Stanislas !


FG

 


 

vendredi 31 octobre 2025

Olivier Paire se met au vert !

L'histoire du célèbre club stéphanois racontée par son gardien de stade. Une nouvelle collection verte qui en jette !

Un petit groupe de visiteurs s'apprête à visiter le stade mythique du club stéphanois de football l'ASSE, dénommé le chaudron. Ce club étant passé sous pavillon canadien en juin 2024 avec Kilmer sports se voit ouvrir une nouvelle ère, lui qui cumule déjà 90 ans d'histoire à son actif. Une histoire faite de victoires, de trophées, de joueurs et d'entraîneurs mythiques, mais aussi d'une relation incroyable avec ses publics et ses supporters. Succession d'anecdotes et d'exploits remarquables, gravés dans l'histoire populaire, et au sein de son stade, le fameux stade Geoffroy Guichard, du nom de son fondateur, Pierre, fils du patron de la société Casino ayant permis sa fondation...

Les éditions indépendantes Jarjille ont eut envie de raconter leur territoire, dans l'esprit de ce que les lyonnais de L'Epicerie séquentielle font déjà depuis dix ans. Aussi se sont elles attelées à reprendre à leur compte la démarche responsable, permettant aux auteurs de toucher une substantielle rétribution. Ceci étant dit, cette nouvelle collection d'albums : La Belle 42, dos carré avec rabats, au format inhabituel 20x26 cm, s'ouvre avec un roannais connaissant bien Saint-Etienne, et auto éditant des histoires assez dingues depuis presque 25 ans. Auteur de Space Pioneer Gutt, Gash Larage, Teuk Shadow, La SNKorp, Olivier Paire, alias Petelus, possède un talent incroyable, autant dans sa capacité à raconter des histoires (où l'humour sarcastique est toujours très présent), que dans son trait, rond et caricatural, souvent non encré, qui méritait une place au soleil.

C'est donc chose faite avec ces 47 pages écrites par Clément Goutelle, journaliste stéphanois, responsable entre autre de la revue Barré (7 numéros entre 2015 et 2018), du journal la Brèche depuis 2022, et déjà auteur avec Leah Touitou, de l'album Somaliland chez Jarjille. Ayant laissé une assez grande liberté au dessinateur, le scénariste peut s'en féliciter, puisqu' Olivier Paire n'est jamais autant à l'aise que lorsqu'il évolue libre. De fait, si l'on reconnaît bien son dessin, ici colorisé à la main, avec beaucoup de...vert, il s'autorise quelques plans impressionnant, tel le Chaudron en plongée dès la première page, quelques cases géantes hors cadre magnifiques, et plein de clins d’œil de fan, domaine dans lequel il excelle. Même sans être amateur de football, tout le monde a entendu parler de l'ASSE et des verts ; de ces années soixante-dix incroyables où tout le monde pouvait situer Saint-Étienne sur une carte et klaxonnait dans toute l’Europe les plaques d'immatriculation 42... Tout cela et bien plus est raconté dans cet album simple mais émouvant. Comme le disait à peu près Coluche : "Allez les verts ! ...Et on s'en servira un autre" à leur santé.


FG

ASSE : une histoire de légendes par Clément Goutelle et Olivier Paire
Editions Jarjille (14€) - ISBN : 9682493649355



jeudi 2 octobre 2025

Bamako argentique, ca roule à trois roues !

Vivre, aimer, épier, mourir à Bamako. Une photographie juste et sensible de cette Afrique des années 80.

Bamako, dans les années 80. Sidibé, griot et photographe amateur, semble l’homme providentiel que tout le monde connaît, traînant sa longue silhouette dans les quartiers, aidant un hôpital de jeunes amputés. Il n’hésite cependant pas à imprimer sur pellicule des scènes intimes, qui lui permettront de survivre, dans une ville où la police corrompue s’attaque à chacun, afin de faire un peu de liquide. Si chacun gagne sa vie comme il peut, cette attitude pourrait bien lui revenir un jour en boomerang...

Arnaud Floch connaît bien l'Afrique, lui qui y a résidé de 1962 à 1976 (Cameroun, Niger), puis tous les étés au Mali de 1997 à 2005. Fort de cette expérience, il écrit et réalise une pièce sociétale dramatique mais enjouée, sorte de huis clos sur la ville de Bamako et sa micro société centrée autour du photographe et grio local. 


Ce qui ressort de cette Compagnie des cochons précédemment publiée chez Delcourt en 2009, et rebaptisée par son auteur, à l'occasion de cette réédition dans une structure indépendante, c'est la sincérité. 
La sincérité, supportée par un réalisme pointu, dur, prégnant, car vécu, cela ne fait aucun doute. C'est ce qui donne la tonalité si particulière et attachante à cet album de 90 pages, que l'on lit avec plaisir et envie, de la première à la dernière page. Arnaud Floch, qui a changé de technique depuis, publié d'autres titres de qualité, et termine le beau projet Mary Fields a paraître chez Aire libre Dupuis, réalisait ses planches à la gouache en couleur directe. Cela apportant une patte très particulière, un peu années quatre-vingt à l'album, mais convenant parfaitement aux décors et à l'ambiance décrits. Après une vie un peu cabossée, Bamako argentique roule à nouveau sur deux, voire trois roues, et c'est très bien pour un livre abordant de nombreux sujets, dont les relations blancs-noirs, le (reste de) colonialisme, la corruption, la politique...que l'on souhaiterait voir lu par un maximum de personnes.


Bamako argentique, par Arnaud Floch
Éditions Daviken (24€) - ISBN : 9782492707087


dimanche 28 septembre 2025

Musique à Roanne : et si nous répétions à la salle Jotillon ? (une histoire, un nom)

Les roannais passant rue Roger Salengro, connaissent cette ancienne salle d'apparence spectacle, située au numéro 18, à l'angle de la rue Diderot. Chacun se souvient que le Secours populaire y a tenu ses permanences, et ce depuis 2002. Or, en 2024 a été annoncé le désir de la municipalité d'y créer un...café théâtre ! (Kevin Triet dans le Progrès du 16 nov. 2024). Etonnant lorsque l'on connait la première utilité de celle-ci. L'occasion de raconter l'origine très ancienne de cette salle.

Avant de savoir ce que proposait celle-ci à son origine, il faut bien entendu connaître le rapport avec le nom qu'elle porte. Le résultat d'une enquête menée tambour battant il y a peu à l'occasion d'un travail d'animation basé sur les salles de musique "célèbres" (et un peu moins donc), a permis de rassembler ceci :

 

Claude Marie Victor Jotillon était un avocat du barreau de Roanne, né en 1846 à Coutouvre, et décédé à Roanne en 1911 (et non 1885, comme écrit par erreur par l'abbé Jean Canard dans son livre Roanne Pas à pas). Les informations de sa présidence de l'Harmonie roannaise (puis dite "de Roanne") en 1911, ne pouvaient correspondre (voir entre autre la photo ci-dessous, tirée du livre d'Olivier le Bret La musique en pays roannais), tout comme sa nécrologie complète, trouvée dans le Journal de Roanne de la même année. Il fut aussi président du concours agricole, et membre honoraire de l'Union fraternelle et patriotique des combattants de 1870-71 de la ville de Roanne, fondée le 7 août 1887. (1)

On sait, par les archives de la ville de Roanne, que l’Harmonie Roannaise réclame en 1891 une salle de répétitions suffisamment éclairée pour pouvoir répéter deux fois par semaine.

 

 

Nécrologie de M. Victor Jotillon
Extraits du compte-rendu de ses funérailles, tiré du Journal de Roanne.

Elles ont eu lieu à Vichy samedi 16 septembre 1911, de dix heures et demi à une heure passée. "Elles ont été belles. - Combien plus belles, ont remarqué tous ceux qui y ont assisté, elles auraient été à Roanne ! C‘est à Roanne que Jotillon aurait eu du monde.
Il y en a eu. Surtout des roannais, bien entendu. Malgré le temps étouffant, écrasant, insupportable, assez de roannais avaient fait le pénible voyage de Vichy pour qu’on puisse dire que ce Roannais, dont Roanne s’honore, a eu, à Vichy, des funérailles roannaises (...)

« Né à Coutouvre en 1846, d’un famille modeste, il avait d’abord fréquenté les écoles de cette localité ; de là, il était entré au collège de Roanne où il fit de fortes études et en sortit bachelier. (…)

Dés sa sortie du collège sa route est tracée. Sa vocation s’affirme. Il suivra cette carrière où si rapidement il doit devenir un maître. Résolu à n’entrer au barreau qu’après avoir acquis toutes les connaissances nécessaires. Il entre dans une étude d’avoué, et y accomplit une consciencieuse cléricature. Déjà du reste il avait réglé sa vie comme une procédure bien produite ; l’ordre était pour lui une élégance et la méthode une parure. Il se fait inscrire à la Faculté de droit de Paris et en juillet 1870, il est reçu licencié. Il songe a débuter quand la guerre éclate. Douloureusement, il écoute les angoisses de la patrie et part la défendre. Mobile de la Loire, il fait la campagne d’abord comme sergent puis comme officier payeur. Il accomplit avec méthode ses difficiles fonctions et apporte à ses hommes le soutien de son autorité morale et de sa sérénité philosophique. (…)

La paix signée, il prête serment et débute enfin. Ce fut une révélation. A la fois brillant orateur et dialecticien serré, le jeune avocat conquit les suffrages de tous : les causes affluèrent. (...)

En 1878, il est élu pour la première fois bâtonnier, il a trente deux ans, sa réputation s’étend chaque jour d’avantage. Durant les 33 années où il va rester au barreau, ce ne sera qu’une longue suite de succès et d’honneurs. Il est appelé huit fois au bâtonnat et fournit un travail écrasant. (…)

(…) Éclairé par deux fenêtres, son cabinet se montre étroit et encombré. Au milieu des tableaux, des objets d’art et des livres, c’est là que nous verrons toujours Jotillon, assis devant son bureau surchargé de dossiers. (…) Dans le silence de ce cabinet, il mesure les adversaires du lendemain et discute leurs arguments ; il juge les juges et c’est là qu’il imagine ces systèmes si ingénieux et si habiles, ces thèmes si subtiles et si irrésistibles. (…)

Ajoutez à cette admirable facilité de parole, ce langage correct, précis, rapide, se prêtant à tous les élans, cette ironie si fine, ce verbe si fort. N’est-ce pas le portrait du parfait avocat ? Mais Jotillon avait quelque chose de meilleur encore : c’était le cœur. Ceux qui ont eu avec lui commerce d’amitié pourront dire tout le charme qui émanait de lui, toute l’attraction qu’il inspirait (…)

Il continua de plaider avec la même verve jusqu’au jour où, en pleine audience, il tombait terrassé par une syncope. L’avertissement était trop net : on lui défendit la barre, on l’obligea au repos. Il vint un jour nous faire ses adieux. Nous le vîmes arriver un peu pâle ; sous une apparence riante il voulait déguiser son angoisse, mais sa voix tremblait, son regard avait des larmes. Les épaules lourdes et la démarche lente, il quitta ce palais qui l’avait vu quarante ans lutter superbement pour le droit et l’équité. Quelques mois après il était emporté dans une dernière attaque. Quelle noble vie, messieurs 
! »

(Discours de Monsieur Joseph Jacques, bâtonnier.)


Puis le capitaine Denis a parlé au nom des anciens combattants (de 1870-1871).

Après ces discours, écoutés dans un poignant silence, les assistants se sont retirés, non seulement navrés de la perte de cet ami très cher, de cet homme remarquable, de cet excellent roannais, mais navrés aussi qu’il repose là…

Mr Victor Jotillon laisse dix mille francs à l’Hospice de Roanne.

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Le 23 novembre 1913, p. 2/4 du Journal de Roanne, on peut lire :

"La salle Victor Jotillon. La bonne pensée ! L'harmonie roannaise a décidé de donner  à la salle de répétitions et d'auditions qu'elle est en train de faire construire, le nom de Salle Victor Jotillon. Au moins le nom du grand avocat roannais sera inscrit quelque part à Roanne. Et l'Harmonie aura rendu à sa mémoire un hommage durable et mérité. Si elle le peut, c'est à madame Victor Jotillon (2) qu'elle le doit. La veuve de notre ami a mis à la disposition de la Société la somme de cinq mille francs."

On imagine l'inauguration de la salle prévue en 1914, mais on pert sa trace durant le conflit mondial éclatant alors. C'est encore un article du Journal de Roanne qui va nous en donner des nouvellles, le 26 décembre 1920.  

Extrait de l'article reproduit ci-dessous, nous permettant de constater que monsieur Jotillon écrivait aussi de l'opérette à l'occasion. Ici, l'opérette l'Epreuve, composition de Raoul Chassain, nom bien connu des roannais, datée janvier 1866, et plus bas, un dépôt de la partition daté 1894 à la BNF :

(… « l’Epreuve, l’oeuvre plus aimable et plus jeune que jamais, de MM Victor Jotillon et Paul Chamussy, mise en musique par Raoul Chassain. L’interprétation fut savoureuse à souhait. Les acteurs Mlle Viyon, MM. Borelli, Patain et Dubuis, n’ont pas seulement chanté très congrûment les notes, ils ont joué leur rôle comme s’ils avaient fait ça toute leur vie. Aussi ont ils été longuement applaudis. Et le compositeur, monsieur Raoul Chassain, qui assistait à la répétition, a été l’objet d’une fervente manifestation de sympathie. »




Ci-dessous : compte-rendu de l'opérette lors de sa première représentation roannaise dans le journal parisien La semaine musicale du 8 février 1866.

 


...La salle va ensuite perdurer dans ses fonctions premières durant plus de quarante ans, et les archives de la presse locale s'en font surement l'écho. 

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Par une délibération du 13 avril 1962, Monsieur le Maire de Roanne soumet néanmoins au Conseil Municipal le rapport suivant :

«Devant le nombre toujours croissant des sociétés locales et celui assez restreint des salles de réunion, l’administration municipale est souvent dans l’obligation de refuser ou d’attribuer la même salle à plusieurs sociétés. A cet effet, et pour améliorer cet état de choses, nous avons engagé des tractations avec la société de musique «Harmonie de Roanne» pour l’achat de l’immeuble dit «salle Jotillon», situé au centre de la ville, à l’angle des rues Diderot et Roger Salengro.
Cet immeuble, d’une superficie de 286 m2, aménagé en salle de spectacles (scène, balcon, parterre), conviendrait particulièrement comme centre culturel : organisation de conférences, concerts, réunions, lieu de répétitions etc… et serait d’une utilité incontestable pour les sociétés locales.»

La ville de Roanne acquis donc la propriété de la salle Jotillon le 4 juin 1962 (un acte de vente a été établi entre l’Harmonie de Roanne et la ville de Roanne à cette époque). Cela ayant permis a de nombreuses associations musicales roannaises de pouvoir en profiter, dont le Groupe lyrique Simone Ojardias.

Répétition du groupe Lyrique S.Ojardias en 1964 salle Jotillon, pour la Veuve joyeuse.

Ce groupe a donné son premier spectacle au théâtre de Roanne les 28 et 30 mai 1959. Son prélude, tel qu'écrit sur la plaquette éditée et remise en 2009 à l'occasion des cinquante de la troupe au forum des associations, précise :
"Le prélude fut, en quelque sorte, l’excellente initiative de notre professeur de musique et de chant, qui, en lieu et place des classiques auditions de ses élèves, monté avec eux deux opérettes : Les mousquetaires au couvent, en 1954, et Véronique en 1956. En 1959, Simone Ojardias, après avoir obtenu deux premiers prix au Conservatoire de Lyon, reprit tout naturellement le flambeau laissé par son ancien professeur et, c’est ainsi que, grâce à ces jeunes chanteurs, naquit le Groupe Lyrique de Roanne Simone Ojardias. Ce ft alors la création des Cloches de Cornevilles, avec cette bande d’amis, jeunes pour la plupart, issus d’horizons très différents, mais animés par une seule passion : l’amour du théâtre et de l’opérette. (...) Nos premières années ne furent pas faciles. Nos répétitions eurent lieu surtout salle Jotillon, à l’angle de la rue Diderot et Roger Salengro. Comme cette salle, très haute de plafond, était extrêmement froide, deux membres du groupe allaient allumer le poêle à bois, une heure avant la répétition. Grâce leur en soit rendue. Par la suite, nous avons bénéficié de locaux de la salle de de Musique, rue de Cadore, aux planchers un peu grinçants, et à l’heure actuelle, nous répétons dans les salles vastes et modernes de l’Hôtel de musique, Boulevard Baron du marais. »

Un jeune chargé de mission culturelle à la ville de Roanne eu l'occasion de visiter la salle avant sa réatribution, en 1995 (3). Car en 1998, la municipalité proposa aux associations d'être relogées, le bâtiment ne répondant plus aux normes de sécurité. Le temps passa, et les années deux-mille virent le Secours populaire faire son entrée dans la salle (en 2002), suite à quelques rénovations d'usage.

Si un café théâtre devait se faire à cet endroit, c'est donc à un juste retour des choses que la salle aurait droit. De quoi plaire sans doute à monsieur Jotillon lui-même. 

 

Franck Guigue



(1) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6546499w.texteBrut

(2) Epouse MONTARET Marie Lucie. Mariage célébré le 4 avril 1910 à Vichy. (Généanet).

(3) Il y a trente ans, en 1995, débutant ma carrière en tant que chargé de mission pour les musiques jeunes à la ville de Roanne, je m'étais intéressé aux Café concerts, appelés à devenir rapidement des SMAC (Scène de musiques actuelles). Réfléchissant à différents lieux pouvant potentiellement accueillir une telle structure, nous avions entre autres visité, avec une équipe composée de monsieur Jean Auroux, maire de l'époque, Christian Avocat, élu à la culture, des collèques techniciens et moi-même cet ancien petit théatre. Il se trouve que j'habitais à cette époque au numéro 24, "68 résidence l'ancienne". Je connaissais donc cette petite salle au cachet extérieur certain, et étais ravi de pouvoir la visiter. Cette année-là, des groupes associatifs répétaient encore à l'intérieur. Il s'agissait :

Du Groupe Lyrique Simone Ojardias
· Du groupe Myriam Jean
· Du groupe de danse folklorique Cécurrel (Lous esclops)
· Du groupe de danse folklorique «Souvenir du Portugal»
Nous avions pu d'ailleurs rencontrer ce jour-là le groupe Lous esclops.

Cependant, trop de travaux étaient à mettre en oeuvre. Les normes de 1995 n'étaient plus les mêmes qu'au début du siècle, et entre l'acoustique, la rampe d'accès handicap, les réfections diverses, le chauffage...tout cela ne passait pas. De fait, aucun lieu ne trouva gâce aux yeux de la municipalité, et seule la salle du Diapason, fraichement sortie de terre quartier St Clair offrit un peu ce service quelques années plus tard.


Sources :
Le journal de Roanne 1913 pour la construction de la salle (BM du musée Joseph déchelette)
Le Journal de Roanne (Nécrologie du 17 septembre 1911 via Gallica.bnf.fr et le service patrimoine de la Médiathèque de Roanne).
La Semaine musicale : Gallica.bnf.fr /Bibliothèque nationale de France
La musique en pays roannais (Olivier le Bret)
Roanne pas à pas (Abbé Canard)
Service des archives de Roanne (délibération).
Divers citations de Victor Jotillon dans le Radical, via https://www.memo-roanne.fr/
Plaquette des cinquante ans du Groupe Lyrique Simone Ojardias (merci à la famille Vergnaud pour le prêt).  


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