jeudi 19 février 2009

Le baiser de la nourrice.

... Des chiens... des rues sombres... le brouillard... l’odeur de la sueur et du sang ...une femme...
Non, nous ne sommes pas chez Bunuel ni Murnau, mais dans le premier roman de Christian Chavassieux. En tous cas celui qu’il signe pour la première fois de son vrai nom.
Le troisième de couverture nous présente l’auteur comme un amoureux des lettres, et un amateur éclairé de cinéma et de bande dessinée... certains l’auraient caché... pas lui.

Une chronique en valant une autre, pourquoi alors ne pas se permettre un petit jeu ? Celui de chercher à découvrir au fil du roman, ce qui, au sein de ce “baiser” peut transparaitre du parcours de l’auteur. Connaissant un peu celui-ci, pas de critique courtisane. Juste un oeil attentif et acéré, ... l’oeil d’un ami, une sorte d' hommage aussi, aux 7eme, 9eme et tous les arts, soyons fous !

Les images affluent très vite dés les premières pages. Tout d’abord il y a les rues, humides, noires, qu’on visualise hautes et pointues, comme un décor du Docteur Caligari, ou bien du Troisième homme...
“Les angles des murs repoussaient les filigranes de leur verticales dans la brume née du sol et leur texture et leur goût fusionnaient avec le bruit des pas”

Puis il y a ces pas qui claquent, ces chaussures vernies... d’un homme qui se parle en voix off, qui a peur... une sorte de Lacombe Lucien, mais qui s’appelle Azert.
Azert ? mais où mister Chavassieux a t’il bien pu aller chercher ce nom ? ... sur son clavier ?.. . Too much !

Un raccourci (clavier) bien pratique pour un personnage qui n’offre de toute façon que peu d’intérêt (humain s’entend bien sûr.)
Azert.. et son boulot de petit bureaucrate merdique, qui nous rappelle Jonathan Price dans l’excellent Brazil. Même homme perdu au milieu d’une technocratie sèche et froide.. d’une logique de la réussite implacable , “Un rouage essentiel de la grande machine qui ordonne la vie de chacun”.

Seulement pour vivre cela, il faut arriver jusqu’à la page 46... Tenir, tenir le coup. Lire et relire ces phrases répétitives, toujours les mêmes et qui reviennent et qui n’en finissent pas ces paragraphes collés entre eux ces ponctuations qui ne se posent pas... et ces chapitres qui n’apparaissent jamais.

Ce premier “chapitre” fantôme pourrait alors s’appeler : “Un rouage essentiel de la grande machine”, avec, au casting : le vernis des chaussures d’Azert, et les chiens.
Les chiens méchants, barbares rôdant dans les rues et les fausses campagnes jamais décrites, trop sauvages pour exister...Ces chiens qui viennent de tuer un homme... “mort dans l’exercice de ses fonctions déchiqueté par les mâchoires des chiens après qu’ils l’ont précipités du haut du bâtiment après qu'il a sans doute, le pauvre vieil homme, couru épouvanté essoufflé pour fuir ses agresseurs, grimpant malgré son âge, poussé par une frayeur sans nom” (...)

Ah tiens, des meutes de chiens aux crocs acérés... ces “hordes du soir” qui hantent les rues (ou les campagnes)... des étrangers que l’on voudrait mâter... une sorte de hantise... de souffle de rébellion que l’on veut étouffer. C’est étrange comme tout de suite... les bêtes du "Meneur de chiens" de Dimitri me viennent à l’esprit : Première référence BD. Ensuite... ensuite, cette société fragile mais que l’on veut nous faire paraître parfaite. “La grande machine qui ordonne la vie de chacun”. Et puis ces gestes toujours les mêmes “ La vie tangible des jours incessant semblables”, cette abomination d’un travail millimétré, robotisé, lobotomisé... surveillé.
“Azert s’installa, délivra sa machine de la housse protectrice. Gilda, trois bureaux plus loin fit le même geste avec lui, lui sembla t-il...(...) et le travail commença, la pile de factures s’épaissit”
Plus loin : “Le directeur de l’office, monsieur Levenoy, entra dans le bureau accompagné de messieurs aux mines sévères la stature roidie toute entière par d’amples manteaux bruns et s’adressant à tous avec un sérieux déprimant, évoqua les changements initiés par l’ordre du peuple, autorité toute nouvelle fondée par le jeune et prometteur Alceste Badin,dont l’allocution radiophonique, retransmise aujourd’hui dans toutes les officines de la ville serait le point sommital de cette journée historique”.
Vous pensez comme moi ? ... George Orwell, 1984 ? le big brother ne va pas tarder.. Mais encore un peu de patience...
Azert croule sous les piles de factures et observe sa collègue : Gilda. Gilda ? ... Rita, quoi ! une grande brune.. pas pin-up, mais qui fera l’affaire...

Christian Chavassieux a du être content de quitter le service comm où il a travaillé durant de nombreuses années. Aligner presque seul sur son Mac à longueur de journée mises en page de bulletins municipaux, affiches de fêtes du boeuf, et tracts divers d’une ville moyenne..., cela doit étrangement ressembler à des piles de factures de “gilets de flanelles, de tubes de baumes anti-gelure”...

Passons... Azert rêve de rencontrer Alceste (Alceste Badin, quel nom ridicule.) Un jeune loup, si proche de certains de nos dirigeants actuels... “Un être radieux”, pour lui :
“Il fallait voir le petit maître blond, sa marche saccadée, assurée, ses roulements d’épaules pour se donner de la contenance, son regard dur et le menton relevé... l’incarnation de l’autorité” (hum!)
Et d’imaginer le petit maître de Metropolis de Rintaro, petit nabot merdeux à la gâchette facile... mais surtout aux féroces gorilles.

Metropolis : les deux versions sont bonnes. D’un côté l’expressionnisme, les fumées... les rues basses et sombres..; et la promesse d’un être brillant et haut... meilleur... de l’autre : l’anime, le ridicule de maîtres trop petits, trop méchants, et la fuite d’un petit pour sauver une machine à tuer innocente...
C’est toute la tristesse et le ridicule de la dé-volution d’Azert... personnage commun qui va croire qu'un brillant avenir l’attend.

Mais d’où vient Azert ? quelles sont ses origines ? Juste le fils d’un couple de petits ouvriers... effacés, (sur)vivant dans un taudis mi-ferme, mi-appartement. Un couple figé... du passé, qui a devenir insignifiant pour Azert...au point de se momifier dans l’abandon sec.
“(...) Pour retrouver la maison familiale muette de tristesse, désincarnée, sans lumière, avec la mère et le père couchés comme des noyés sur les paillasses, gonflés de mauvaise graisse, ronflant déjà la bouche ouverte et l’oeil chassieux, immobiles comme Azert redoutait de paraître une fois endormi à son tour...”

Des images aussi sèches apparaissent.. des dessins de famille.... vécus par l’auteur.
...“A nos pères” était déjà dur. Le flash back réapparaît dans cette description violente. Images trop lourdes à porter assurément...
Nous sommes page 64.

Puis vient la descente. Précédée par un épisode de pure sauvagerie arbitraire, où une victime choisie par jalousie, comme souvent, subie le pire.
Cette descente se fait de façon verticale et imagée, via l‘ascenseur de l’office de l’ordre.
Tout comme Mickey Rourke dans “Angel Heart”, ou Johnny Depp dans “The Brave”, Azert a rendez-vous avec le diable. Ou plutôt avec lui-même... puisque l’ordre vient d’en haut et que lui va être l'executeur des basses besognes...

“L’ascenseur le plongea dans des profondeurs virtigineuses desquelles il savait ne plus jamais devoir s’échapper, il s’enfonçait, mutait en quelque chose de contraire à ses aspirations” (...)
“Et là, derrière la baie vitrée arrosée de néons, la petite salle couverte de carreaux de faïence qui sera son territoire, quelle promotion !”
...Le sens de sa vie !?

Alors Azert va aimer ses “clients”. Des innocents souvent... qu’il va devoir faire parler. ... De quoi ?..; et bien peu importe... les outils sont là.. et plus il s’en servira plus il jouira.
C’est le baiser... amer de la nourrice. Celui qu’il donne... ou plutôt...
celui que lui donne son petit maître à chaque nouveau client qu’il lui enverra.
Et Azert jubile. ... Il doute aussi, il aura peur.. un peu, mais il est heureux, et nous... non. Car l’espoir ne semble pas permis. *

Christian Chavassieux a terminé son roman. Il nous laisse hagards... un peu sceptiques, mais sans aucun doute heureux aussi.
Heureux d’avoir vu convoqués toutes ces petites phrases magiques et poétiques :

“Le sourire de Gilda étendit sa cicatrice rubescente.. une brèche de vie dans ce décor noir”
(...)
“Quand vient l’heure de l’indistinct et de semblable, quand les chiens sont des fantômes à deux pattes”...
(...)
“La vie, qui sait à peine ce qu’elle est tandis que là bas, perdu à l’autre extrémité de la boule oblongue du temps”..

et ces images souvent difficiles, parfois étranges... mais toujours belles.
Belles comme ... un Murnau, un Welles, ou un Fritz Lang.

Bravo Christain Chavassieux !

Réf :
Le Baiser de la nourrice
Christian Chavassieux

Les soeurs océanes/JeanPierre Huguet éditeur, 2008

Ps : (*) “Les Mangeurs d’espoir”, c’est aussi le titre d’une bande dessinée étrange où se côtoient fantastique et scènes de torture. Le genre de récit qui vous marque à jamais.
Azert étant un mangeur d’espoir... une prochaine note reviendra plus longuement sur cette Bande dessinée culte.

mercredi 4 février 2009

Corben : Enfant du feu !

Annoncée depuis de nombreuses années déjà sur le blog d'Hector en son temps, la rubrique spéciale consacrée à Richard Corben est enfin disponible.

Changement : elle ne s'appellera pas "Corben covers" comme initialement prévue, mais "Corben : Enfant du feu", et c'est un... site internet !
Image 1.jpg
Quelques pages, sur le même hébergement que Wrightsoninfrench, afin de rendre justice un minimum à ce grand dessinateur/auteur, qui n'était plus représenté de façon critique sur la toile française depuis quelques années. Bon voyage !

samedi 17 janvier 2009

Pour revenir sur le Renart...

Occupé à construire quelques pages web sur le cultissime dessinateur Corben, (à venir bientôt) j'étais moins présent sur ce blog ces derniers jours.
Mais... il est des heureux hasards qui vous font découvrir des choses qui auraient pu rester cachées.
C'est ce qu'il est advenu au "Renart" de Cabanes et Forest, Bande dessinée culte dont nous avons déjà eu l'occasion de parler sur 1caseenmoins.
Cases de la page 68 et 69 de A suivre #1

Je me faisais l'écho dans cette précédente note d'une interrogation sur le sujet du délai peu courant écoulé entre la date de prépublication de cette bande (ie : Février 1978) et sa parution en album (Mai 85 donc), interrogation à peine dissimulée derrière la facilité d'un point d'exclamation (!)

Venant d'acquerir pour la modique somme de dix euros la reliure "A suivre" #1 à 5, j'ai donc pu vérifier la présence de ces bandes.
Et là, surprise : ce ne sont pas les mêmes !!










Des mêmes cases de l'album retouchées. Hersandre, boudeuse est bien plus sexy.

Cabanes a retouché quelques dessins, surtout les visages de Hersandre, afin de le rendre plus attrayant. Demande de l'éditeur ? Réflexion du dessinateur ?
... Je n'ai pas de piste.
Je vous laisse seuls juges de l'intérêt de cette manoeuvre, qui explique donc (en partie), le délai de parution, et me conforte dans la certitude de l'aspect collector de cet album grand format extraordinaire,... de toutes façon aujourd'hui introuvable.

lundi 5 janvier 2009

2009 sera SF ou ne sera pas !

Bonjour et bienvenus sur le (nouveau) blog d'Hectorvadair !
Comme nous venons d'entrer dans une nouvelle année, je me suis dit qu'un petit lifting ne ferait pas de mal à ce dernier.
Aussi, terminé l'avalanche de couleurs, de points, de bulles...
Voilà un peu plus de sobriété, et un peu plus de largeur, afin d'accueillir avec d'avantage de place les notes qui le méritent.

Et pour commencer cette nouvelle année, un petit travail de recensement autour des sites web présentant un rapprochement entre Bande dessinée et science-fiction.

Pour tester la pertinence de chacun, je me suis simplement fixé un objectif : trouver le titre
"Universal war one", du manga, et un ou deux anciens titres, comme par exemple : "Flash Gordon" (Raymond) ou Simon du fleuve de Auclair. C'est bien de la SF, non ? ... Classement par pertinence donc. C'est partit :

1) Noosphere, et sa présentation claire et importante de séries, d'auteurs. Avec des chroniques souvent tirées de fanzines SF, des listes de parution, des articles de fond.
Une référence dans le domaine SF, et pour la BD :
tête de liste !! Surtout depuis qu'il s'est ouvert au manga !
Et on trouve Flash gordon (ed. Serg, tome 3, avec une belle critique issue d'un zine SF de 1974), plus les tomes de Simon du fleuve, même si cela ne renvoie sur aucune chronique.

2) BDzone : portail BD bien connu, et où l'on peut rechercher par thématiques.
"SF/anticipation" est celle qui nous intéresse.
Pas mal du tout, avec critique courte, notation, couvertures, anciennes éditions, renvoi sur site marchand. Mais... pas de Flash Gordon à l'horizon, ni de Claude Auclair. Dommage.

3) Planete BD (quasi ex-aequo)
Un autre portail BD à la belle présentation plutôt sympa, avec cependant un goût moderne qui ne donne aucune chance à notre ami Flash Gordon. Ni à Claude Auclair, inconnu au bataillon.
Par contre, des chroniques de taille, une notation, et des avis de lecteurs bienvenus en bonus.


5) La SF dans la BD (AllSF.net)
Un site perso vraiment impressionnant, dans l'esprit de Noosphere au départ, mais malheureusement plus mis à jour depuis 2005 et sans interactivité avec des lecteurs. (Des manques donc.)
Neanmoins, une base sur la SF et ses auteurs pouvant servir, avec les thématiques parallèles au cinéma et dans la BD. 3138 albums répertoriés, avec des petites fiches descriptives et un classement alphabétique, mais pas de critique. On y trouve néanmoins recensé Flash Gordon et Simon du fleuve !!
Partit d'une bonne intention...

6) Wikipédia: Bandes dessinées de science-fiction par ordre alphabétique.
Intérêt limité si ce n'est de renvoyer parfois sur des pages reprenant une série en particulier. Pas de critiques et d'avis donc, mais une base répertoire pure participative pour ne rien oublier normalement. (On peut participer, donc rajouter des titres.)

En conclusion, on remarquera deux type de sites :
Les sites perso ou d'association spécialisés SF qui vont faire un travail important pour répertorier réellement ce qui existe en bandes dessinées sur cette thématique, et dans un autre registre, les portails BD avec lien commerciaux et interactivité avec les lecteurs, qui partiront de séries connues modernes "vendables" puis permettront ensuite une recherche thématique. (Merci les moteurs). On regrettera cependant sur ces derniers une méconnaissance importante du sujet, puisque les "ancêtres" influents y sont oubliés.

mardi 30 décembre 2008

La mine de l'Allemand retrouvée !

Pour faire suite à ma note concernant l'adaptation de deux cases d'albums de Blueberry et Lucky Luke dans un n° spécial Lucky Luke de Pilote de déc. 1971 (voir note originale sur 1caseenmoins) voilà justement la réponse de Morris sur "la Mine de l'Allemand perdu" dans le même n°.
(Originale par Giraud, Janvier 1972 en album, mais prépublié dans Pilote).Celle-ci correspond à la planche 18 de l'album de Giraud, si vous souhaitez comparer.
Elle est moins intéressante à mon goût que celle de Giraud pour "Le Pied tendre" de Morris, mais rigolote neamoins.

vendredi 19 décembre 2008

Le ton METAL !

Pour les nostalgiques, les vrais amateurs, ou tout ceux que la lecture d'un METAL HURLANT (d'époque) met en transe, un petit échantillon de publicités comme on en fait (presque) plus.

(Oh, ...mis à part peut-être Ferraille et les Requins marteau aujourd'hui ?...)

Mais le truc de Metal c'est que le tirage et la diffusion en kiosque ne passait pas inaperçu. Et il y avait en plus les émissions "L'impeccable", "Sex machine", plus la revue Rock'n folk qui relayaient.
Dégustation...
(Toutes tirées de Metal de 1982 : n° 78 à 91)
D'autres publicités Metal sur :
BernieWrightson.fr

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