Jarjille est une structure d'édition associative de bande dessinée et d'illustration ligérienne.
FG : Comment êtes- vous parvenu à vous faire connaître sans être diffusés?
Interview réalisée et adaptée/retranscrite le 17 Mai 2010. (© F. Guigue/Hectorvadair)
A l'occasion du festival "Bulles en côte roannaise" qui s'est tenu les 03 et 04 Avril à Renaison, Serge Prudhomme, (alias Deloupy) présent avec d'autres auteurs de l'équipe était interviewé lors d'un café débat.
(Ci à gauche : Les derniers titres de la collectionBN2
SP: Ce qui nous intéresse c'est de mêler les histoires : images et textes. On a pris plusieurs options qui peuvent être perçues comme assez radicales : ne pas avoir de diffuseur pour se permettre de garder le maximum d'argent pour les livres afin de payer les vrais auteurs : c'est à dire les libraires et les auteurs. On fait le choix depuis 2004 de démarcher les libraires nous -mêmes.
On fonctionne avec à peu près 300 librairies, et plus ou moins de réussite sur chaque librairie, mais sur l'ensemble, y compris la Belgique et la Suisse on arrive à tenir et à publier suffisamment de livres pour en faire d'autres.
FG : Lorsque tu parles de 300 librairies, cela me semble incroyable sans distributeurs, comment faites-vous concrètement ?
SP : Tout d'abord on a commencé très simplement par le réseau qui était autour de St Etienne , c'est à dire Lyon, Clermont Ferrand et St Etienne et sa couronne, y compris Roanne, car à l'époque il y avait une petite librairie appelée Dark Crystal..
Cela a été simple, mais ne suffisait pas; Il nous a fallu passer le cap des 100/150 librairies. Or il se trouve que le premier bouquin que l'on a fait ("Comixland", traitant des collectionneurs de BD, donc un sujet qui parlait aux libraires) , a été énormément chroniqué, et les librairies intéressées qui à l'époque ont fait l'effort de le prendre à nos conditions, c'est à dire en achat ferme, sont devenues ou restées fidèles. Et à chaque fois qu'on gagne une librairie, en fait c'est un pas de plus.
FG : Les envois et les sollicitations ne se font pas tout seul... peux-tu nous en dire plus ?
SP : La grosse difficulté c'est de prendre son téléphone , d'appeler les librairies et de leur parler d'un livre qu'ils ne voient pas. Rappeleons que le principe de la diffusion classique, c'est qu'un commercial place dans toutes les librairies qu'il visite des extraits de livres à paraître, et leur propose d'en commander un certain nombre. Ce qui n'est pas possible pour nous. Donc on a utilisé plusieurs choses différentes qui ont plus ou moins bien marché.
Un des meilleurs système que l'on a trouvé, vu que l'on imprime nous-même nos livres chez un imprimeur a été le suivant : On lui a demandé de nous garder des feuilles de passe, des couvertures et avec tout cela on a monté un petit dossier de presse, qui reprenait des éléments du livre, plus un explicatif sur les auteurs, la maison d'éditions...etc. On a mis tout ça dans des enveloppes, ça coûte un petit peu cher, mais finalement moins cher que de prendre un commercial, et on a envoyé le tout à l'ensemble du réseau CanalBD, qui est un très grand réseau de libraires indépendants. C'était justement ce qui nous intéressait.
...Alors sur ce genre d'initiatives évidemment, on a retour "classique", c'est à dire environ 10%, mais ce peu étaient des retours gagnants. Ensuite on a élargi le cercle. Et puis les libraires se parlent entre eux, ils se rencontrent, dans des salons, ...etc., donc par ce biais là, on a aussi eu des retours. Et puis on se rend compte que le fait d'être nous-mêmes présent sur des festivals nous permet aussi de nous présenter.
FG : Je sais que Jarjille est aussi parti prenante d'ateliers, en relation avec Gérard Girard, de la librairie "L'Etrange RDV", peux-tu nous en parler ?
SP : Oui, alors, il est vrai qu'en dehors de ce travail de réflexion éditoriale, Michel surtout, fait un travail en direction des écoles, collèges et lycées , et même vers la prison cette année. Un travail de sensibilisation autour de la Bande dessinée.
Ci à droite : Deloupy, Alep et Nicolas Dalle Fratte (festival Bulles en côtes roannaise Avril 2010)
Alors, se sont des approches variables, allant de quelques heures à quelques jours. Mais c'est très important pour nous, car si on n'"éduque" pas (enfin je pèse mes mots), si on n'accompagne pas ces publics, à lire autre chose que les Bande dessinées hyper connues, que chacun peut déjà trouver chez lui, par le bais de sa famille, si on ne met pas en avant cette façon de raconter des histoires avec ce langage si particulier, et bien il n'achètera pas de bande dessinée ensuite. En dehors de cet aspect pédagogique, et on ne va pas s'en cacher, c'est aussi un moyen de faire connaître Jarjille, évidemment.
FG : Quel est le rôle de chacun dans la structure. Vous êtes en association loi me semble t-il, non?
SP : Jarjille a été fondé par trois personnes : Michel Jacquet (alias Alep), Alain Brechbuhl et moi-même : Serge Prudhomme. On a tous les trois le même statut, mais au fur et à mesure de nos affinités, on a un peu séquencé les travaux. C'est à dire qu'Alain s'occupe plutôt du graphisme, les logos, la façon dont le livre va être conçu, Michel et moi nous occupons plutôt de la diffusion, et au sein de ce dernier pôle j'ai tendance personnellement à plutôt m'orienter vers les auteurs.
FG : Peux-tu nous parler justement du statut de l'auteur au sein de Jarjille ? Y a t-il un contrat signé ?
SP : Il était hors de question pour nous de publier des auteurs sans les payer, et en les payant du mieux que possible. Sachant que lorsque l'on tire un bouquin à 1000 exemplaires, la somme au final n'est pas énorme. La seule chose sur laquelle on a pour l'instant pas encore évolué, mais qui est difficile pour nous, c'est "L'à valoir".
On ne paye pas l'auteur par avance sur les ventes qui vont être faites, mais on paie en pourcentage sur les ventes. Et ce pourcentage est relativement élevé par rapport à d'autres maisons d'éditions, (je peux d'autant plus en parler que je suis moi-même édité dans d'autres structures), ce pourcentage est de dix pour cent pour un auteur seul, et de quatorze pour cent pour deux auteurs, (enfin : 7/7 : scénariste, dessinateur.)
Voilà, c'est le meilleur moyen que l'on ait trouvé pour les payer décemment, même si on sait très bien que cela ne suffit pas.
FG : Y a t-il un contrat ?
SP : Bien sûr qu'il y a un contrat signé, qui porte sur les droits du livre et les droits audiovisuels. C'est un contrat classique d'édition.
FG : On va, si tu me le permets parler maintenant de la collection Bn2, qui est une collection particulière, petit format carré.
Ci à gauche : Dédicace sur le mur à dessin (un personnage de la série "Faussaire" nb : Deloupy a joué sur son dessin avec les feuilles de la plante posée devant le mur)
SP : BN2 est né de la frustration de ne pas pouvoir publier tout le monde. Le fait d'être sur une ville moyenne (et étudiante) comme St Etienne, faisait que l'on avait en effet pas mal de gens qui venaient à nous pour discuter de bande dessinée, et présenter leurs travaux. Il y avait des choses très intéressantes, mais souvent on était obligé de dire non par manque de moyens. Or chaque fin d'année, à "l'Etrange RDV" qui est notre partenaire privilégié, on fait un stand Jarjille avec un petit apéro. Avec Michel nous nous étions dit que cela pourrait être sympa d'offrir un petit cadeau à ces publics qui nous suivent et qui viennent acheter nos livres.
On a donc fabriqué de manière artisanale un premier "BN": un petit bouquin de 14 pages...
Ca a eu beaucoup de succès.. et on s'est dit, "l'idée c'est ça"... Avec un petit livre qui ne nous coûterait pas cher, en imposant une idée, puisque la collection, se sont des histoires qui tournent autour de l'enfance, on pourrait répondre aux auteurs qui nous plaisent et leur demander de faire une histoire.
On est donc parti sur une publication qui est trimestrielle : 4 par trimestre. Les premiers ont été publiés en Octobre 2009, et on a tenu le coup jusqu'à présent, puisqu'il y en a douze; dont deux qui sont épuisés. C'est un tirage de 500 exemplaires. On va rééditer en Juin les deux épuisés, plus deux nouveaux, etc...etc
Et ce qui est important à noter à propos de cette collection, c'est que l'on a pour une fois un pourcentage où c'est l'auteur qui gagne vraiment le plus d'argent au final sur le livre. Ce n'est ni l'éditeur, ni le libraire. Ca nous paraît important, parce qu'au final, qui fait les livres, si ce ne sont les auteurs ?
Nb : Deloupy et aussi l'auteur avec Alep de la jeune mais néanmoins très sympa série "L'introuvable" (du nom d'une librairie BD Stéphanoise imaginaire), dont le tome 2 de l'histoire "Faussaires" traitant de la découverte d'un album inconnu d'Hergé devrait sortir d'ici fin 2010. A lire une interview de Deloupy pour la revue hergéenne "Doryphores" pour se faire une idée.
La collection BN sur le site Jarjille
Le blog de Jarjille pour se tenir au courant des actualités et suivre l'avancée de « Faussaires »
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