dimanche 16 mai 2010

Je mourrai pas gibier

Alfred, d'après le roman de Guillaume Guéraud

Delcourt collection Mirages, 2009


Je mourrai pas gibier est ce qu'on pourrait appeler un PVDLBD : autrement dit un pavé dans la BD.

Pas un ovni, car on a déjà vu ce genre de récit réaliste, pour le coup adapté d'un roman pour ados : (Guillaume Guéraud, janvier 2006). Simplement, le traitement efficace et sobre de ce genre de sujet "dur" permet de classer le travail de ce jeune auteur déjà très prolifique ("Alfred" : Lionel Papagalli) dans la cour des grands.

Il faut dire que ses précédents travaux chez une pléiade d'éditeurs* (Charette, Le Cycliste, Petit à Petit, treize étrange, Delcourt, Futuropolis) lui ont sans aucun doute forgé une méthode, bien que cet album bénéficie d'un scénario déjà très costaud à la base.

...A Mortagne, c'est le bois et le vin qui priment depuis des générations, et la galerie de personnages violents et haut en couleur du village ainsi que les évènements qui ont conduit le contremaître de la scierie à aller en prison sont cocasses. Justement, aujourd'hui celui-ci en sort, et compte bien se rendre au mariage d'Arnaud, le frère du narrateur, qui aurait du purger la peine à sa place...

Le climat lourd va devenir franchement ténébreux lorsque l'anti héros, principal narrateur qui est rentré comme de coutume de ses études pour le week-end va être témoin d'un déchaînement de violence plus fort que d'habitude..

Alternant voix off et bulles, le récit commence dans le présent, juste après le dénouement d'un drame terrible. Le principal acteur se confie : "Des raisons on peut toujours en trouver. Des bonnes ou des mauvaises, en pagaille. (...) Je vois pas ce que je pourrais leur raconter"

Et dans l'effet d'un fondu, en bas de page droite, le récit commence alors, nous prenant comme témoins et nous ramenant quelques jours plus tôt, afin de raconter justement le pourquoi d'une telle issue. Cet effet, assez courant dans le cadre d'un polar au cinéma l'est moins dans le celui d'une bande dessinée.

D'autant plus que le drame se clôture avec les mêmes mots et la même interrogation que le début... puisque hors les cases du récit nous sommes, donc incapables d'intervenir pour l'altérer.

Une manière de mise en abîme intelligente et rare qui fait de "Je mourrais pas gibier" un bel exemple d'adaptation de roman réussi, Alfred utilisant de plus une technique de dessin sobre mais très efficace, totalement au service de l'oeuvre originale.

Un album paru en Janvier 2009 à découvrir absolument, qui avait été sélectionné début 2010 pour le dernier Angoulême.

> Voir la présentation et l'interview de l'auteur sur Culture box France 3

2 commentaires:

Simon a dit…

C'est effectivement un super bouquin, dont les couleurs et la narration maîtrisée prennent vraiment aux tripes.

Raymond a dit…

C'est un récit assez dur, qui capte assez bien "l'air du temps" (c'est probablement son principal mérite) et qui parait un peu plus sincère que l'album de Van Hamme et Hermann construit sur le même thème. Je l'avais acheté parce que j'ai adoré "Pourquoi j'ai tué Pierre", l'album précédent d'Alfred qui me semble encore supérieur. "Je me mourrai pas gibier" me semble construit comme une tragédie, avec un petit quelque chose de théâtral, mais il y a une très bonne adéquation du style graphique par rapport au récit.

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