jeudi 31 janvier 2008

King Arthur : Où l’on revient sur les origines de cette légende...

... en analysant un film de 2004.



En 2007 est sortit “La dernière légion” adaptation du roman de Valerio Manfredi dont deux notes de ce blog ont déjà traité copieusement. (lire içi)
Il s’agissait d’un film abordant de façon un peu biaisée le mythe Arthurien en proposant entre autre une théorie sur l’origine de l’épée Excalibur. Les incohérences du film (moins du roman) ont alors été soulignées.

Aujour’hui, attardons nous sur ce “King Arthur” dont je n’avais pour ma part pas entendu parler lors de sa sortie. (...)

Il s’avère que ce film offre une approche beaucoup plus intéressante et cohérente que n’importe quelle autre réalisation sur le même sujet.
Tout d’abord, une rectification s’impose :

On nous a toujours, et encore plus dans le cadre du cinéma, proposé un cadre moyen-âgeux pour cette légende, nous habituant à des fresques et tournois chevaleresques (sans parler des Monty pythons), faisant de Lancelot et Galahad des héros du 12eme siècle. Ors il est averé depuis de nombreuses années maintenant que la légende arthurienne, colportée par des écrits français du haut moyen-âge ensuite repris par les anglo- saxons, remonte en fait au Veme siècle.
Castus Artorius est issu d’une famille romaine dont les origines sont attestées en Bretagne depuis le IIeme siècle (première occupation romaine de l’île en 43 après JC) (1)). Ce nom s’est transmis au fil du temps jusqu’à être porté par un chef de guerre chargé d’une garnison vers le mur d’hadrien afin de maintenir l’ordre, avant que les troupes romaines ne quittent définitivement l’île en 407. (2).
La bataille du Mont Badon en 500 ou 530 qu’il a mené contre les saxons en étant le point culminant.
C’est cette histoire qu’essaie de raconter King Arthur. Et son réalisateur y parvient plutôt bien.

Antoine Fuqua est né en 1965. C’est un réalisateur noir qui a commencé sa carrière en tournant des clips pour Stevie Wonder ou Prince. Depuis il a réalisé une poignée de films du genre action. Le scénariste, David Franzoni a quant à lui travaillé sur d’autres thèmes du genre “peplum”, tels Gladiator, ou Hannibal (à venir).
Le casting est intéressant :

Clive Owen interprète ce commandant au grand coeur, humaniste, partagé entre un souvenir d’une grande Rome qui n’existe déjà plus, et l’amour de son vrai pays, la Bretagne, pour lequel il se bat sans le savoir depuis plus de quinze ans.
L’air posé et sérieux de l’acteur convient parfaitement au personnage.

Ses chavaliers Sarmates, enlevés quinze ans plus tôt à leur pays d’origine par les romains pour leur valeur au combat (dans le cadre des foederati) (3) sont sur le point de finir aussi leur devoir.
Ioan Gruffudd, que l’on aura vu entre temps dans un autre rôle plus rigolo puisque c’est le docteur Red Richards des Quatre fantastiques interprète içi Lancelot, chevalier aux deux épées, plutôt fougueux. (“Lancelot”, pas très Sarmate comme nom, mais bon...).

On remarquera aussi “Dagonet”, espèce de brute au grand coeur, interprété par Ray Stevenson, alias Titus Pullo dans la série Rome filmée pratiquement au même moment . (la première saison a été diffusée en 2005). Etrange de retrouver ce légionnaire à nouveau au service de Rome, pour le quasi même rôle.
Tout le début du film hésite d’ailleurs à le montrer, comme si son rôle devait plutôt se révéler vers la fin. Et c’est ce qu’il advient . Un rôle de héros sacrifié, toujours aimé par les enfants.

Quant à Guenièvre, (Keira Knightley), elle est une guerrière Picte qui a été capturée par les romains et emprisonnée après avoir été torturée. Elle est malheureusement à l’origine d’une des rares incohérences du scénario et il est dommage qu’à l’instar de “La dernière légion”, se soit encore le personnage féminin qui souffre ce genre de désastre.

Mise en avant sur l’affiche , (trop) belle, (trop) bien coifée et maquillée, elle donne encore ce côté hollywoodien kitsch à un film qui s’en serait passé.
Explications : au milieu du film, découverte dans une geôle par les chevaliers, quasiment murée vivante, elle est une jeune picte aux mains démises qui fait un personnage attachant pour le rôle de la future (grande) dame de Bretagne.

Une fois remise, dans son rôle de guerrière elle n’est pas mal non plus , peinte de bleu en meneuse de troupe pour contrer les saxons. Mais alors, si on nous la présente comme une guerrière si douée, on peut se demander comment elle a pu se faire capturer par une garnison romaine de quelques hommes? et puis... pourquoi avoir choisi de la montrer habillée de façon si “mode” sur l’affiche, telle une robin des bois “fashion” qu’elle n’est pas ? Cela est quelque peu en contradiction avec ce que l’on voit dans une grande partie du film.On comprend que la communication autour de l’oeuvre se passe de logique. Dommage...

Que dire alors du résumé au dos du DVD qui écrit “Arthur se voir confier une dernière mission : Il doit secourir la belle Guenièvre torturée pour hérésie (...).???
C’est cela l’hérésie : nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Dans le film, la vraie mission d’Arthur et de ses chevaliers, envoyés par l’évèque Germanius est d’aller sauver avant que la nasse saxonne ne se referme le jeune Alecto et sa famille, les Honorius, isolés au nord du mur d’Hadrien.
Alecto, filleul préféré du pape, dixit Germanius, est promu à un grand avenir à Rome.
On est donc loin du sauvetage d’une belle Guenièvre , inconnue d’ailleurs à ce moment là du scénario. (!!???)

Alors oui, il est vrai que le réalisateur nous fait bien prendre conscience de l’arrivée du moyen âge en ces temps reculés, avec ces images de seigneurs et cerfs (cf la garnison de Marius honorius, ressemblant à un château féodal, avec ses esclaves qui s’affairent au dehors dans la terre), ses dérives religieuses (la geôle et le instruments de tortures, pour “hérésie”), ou bien ce vieil homme attaché et fouetté dehors pour avoir osé se rebeller contre son maître qui exigeait toute la récolte (de blé) des “paysans”. Autant de thèmes associés au moyen-âge.

C’est l’un des principaux attraits d’ailleurs du film qui nous offre à voir d’un autre oeil ces “dark ages” (âges sombres) si peu documentés (surtout au cinéma) de façon correcte, et qui ont bien été, de fait, une transition entre l’antiquité et le moyen âge.

Les parures des chevaliers (ou de leur chevaux) quant à eux venant des contrées raffinées de l’est (cuirasses et casques des steppes, portées à la fin du film) donnent à voir aussi une autre possibilité des origines des armures chevaleresques à venir...

On notera à ce sujet que les scènes de combat (sutout celles de la bataille finale) frappent l’imaginaire en rappelant des scènes de tournois vues par exemple dans un classique comme “Les chevaliers de la table ronde” (Richard Thorpe 1953).
Ces chevaux harnachés, et leurs cavaliers munis de tout petits écus, chargeant sur un terrain découvert et le fracas des lourdes épées évoquent d’avantage le moyen-âge que les batailles antiques rangées, avec grands boucliers et longues lances.
Le fait d’associer ces chavaliers aux guerriers pictes peinturlurés et utilisant leurs flèches, leurs lances et des catapultes (romaines ?) ajoute à cette impression de “transition historique”.


Parmis les incontournables de la légende arturienne figure aussi la table ronde. Elle est bien sûr montrée içi, bien que trop grande par rapport au nombre de chevaliers. (“certains sont morts au combat depuis ” dixit Arthur). On notera aussi la présence (relativement discrète) de Merlin, sous les traits d’une sorte de druide Picte un peu fou, qui s’allie à Arthur en fin de compte afin de repousser les envahisseur saxons. (crédible.)

Quant à la scène de mariage finale sur une falaise, au centre de pierres élevées, elle lance définitivement la légende d’Arthur en tant que roi des bretons.
Lorsque l’on sait que des ruines d’un château ont été retrouvées sur ce genre de falaise et datent à peu près de cette époque (cf documentaire d’Arte 2007 sur la légende arthurienne), on apprécie le clin d’oeil.
On imagne d’ailleurs aisèment que le lieu de bataille du mont Badon parsemé de cadavres n’avait pas du à l’époque constituer un endroit idéal pour débuter un règne sur cette île....
Quel roi habiterait d’ailleurs dans un mur ?? (même si le castus attenant offrait quelques commodités).

En guise de conclusion, “King Arthur” peut être considéré, malgré quelques réserves mises de côté, comme le film le plus intéressant réalisé à ce jour sur le sujet .

Références :
(1) Atlas de la civilisation occidentale (Hachette 1994, p. 90)
(2) Mythologies du monde entier (Duncan Baird 1993; p. 189)
(3) les Cataphractaires : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cataphractaire


A lire, l’excellente analyse du site “Peplums”


Le site anglais de Movie City News (très complet)
avec entre autres un résumé des autres films inspirés par la légende et de nombreux liens sur la légende (mais en anglais).

et quelques critiques de spectateurs intéressantes

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il n'était pas mal, ce film, en effet, mais trop trop coloré de clichés à la mode, qui le feront vieillir prématurément. Dommage...
Finalement, relativement au contexte historique, la fiction la plus crédible et la plus précise, c'est... Kaamelott.

Hectorvadair a dit…

Merci.
Ci après un extrait de la réaction par mail du responsable du site "Peplums" (http://www.peplums.info/) que je cite en référence.
Très intéressant :

"Pour info, les trébuchets pictes ne doivent rien aux romains, ils n'apparaîtront en Europe que beaucoup plus tard. Les Romains ne connaissaient pas les catapultes à contrepoid (les Pictes du film non plus, si vous regardez bien ).

Autant qu'il m'en souvienne, l'évêque Germanus (= saint Germain d'Auxerre) était venu en Bretagne en 430 et en 445 pour réprimer une hérésie, le pélagianisme. Gunièvre - dans la logique du film, s'entend - était-elle torturée pour pélagianisme ? ou comme il me paraît plus probable, pour son appartenance au paganisme picte ? Les Pictes païens et barbares étaient un obstacle l'expansion romaine. Mais je vous concède que le film n'est pas clair. Une chose reste : dès les origines, les chrétiens se sont cruellement persécutés entre eux. D'où cette ambiance d'Inquisition.

(...)
Dans son livre Les Sarmates. Amazones et lanciers cuirassés entre Oural et Danube, VIIe s. av. JC - VIe s. apr. JC (éd. Errance, 2002), Iaroslav Lebedynsky a avancé la thèse d'une origine sarmatique à la geste arthurienne. Je le soupçonne d'être un Ukrainien très patriote ! En tout cas certains éminents celtisants avec lesquels j'en a discuté m'on exprimé leur scepticisme."


Cordialement,

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